Le patrimoine forestier de la région de Kabylie, victime d'agressions répétées multiples et de convoitises, se dégrade à vue d'œil alors que les mesures de sa prévention et de sa protection ne semblent pas faire beaucoup de partisans dans la sphère des tutelles environnementale et économique du pays. Après l'exploitation effrénée et impunie de bois de chauffage et surtout celui utilisé comme matériau de construction par des entrepreneurs sans scrupules, sa commercialisation illicite par des réseaux introduits, l'heure grave est aux incendies criminels qui ont ravagé des milliers d'hectares durant ces dernières années sans que le plan orsec ne soit déclenché pour réparer les énormes dégâts et prévenir les sinistres à venir. La forêt et la nature sont ainsi détruites dans la solitude via le déboisement et le feu. La semaine dernière, un bilan de la Conservation des forêts (campagne 2012 de lutte contre les feux de forêt), signale 474 incendies qui ont touché 10 503 ha (toutes formations végétales confondues). Les responsables des forêts, à Tizi Ouzou, estiment que «les pertes sylvicoles générées par les incendies durant ce même été 2012, à plus de 11 fois que celles déplorées en 2011», faisant de l'année 2012 l'une des plus chaotiques jamais enregistrée depuis des décennies. Un bilan qui doit choquer et interpeller tous les amoureux de la nature et de la région en l'absence d'un plan de riposte efficace de la part des autorités. En détail, on signale 4 822 ha de forêt et 60 000 oliviers partis en fumée (835 millions de dinars de pertes). A rappeler que globalement, la couverture forestière de la wilaya de Tizi Ouzou parcourt une superficie totale de 112 000 ha, dont 48 000 de forêts avec près de la moitié occupée par le chêne liège, et 64 000 ha de maquis et broussailles, correspondant à 39% de la superficie totale de la wilaya. Le potentiel forestier de la Tizi Ouzou est réparti sur 11 forêts domaniales, les plus importantes sont celles de Yakourène, Tamgout, Aït Ghobri et Mizrana. Cela dit, il est ainsi établi que les dégâts à la forêt qu'occasionnent le recours au bois de chauffage pendant la saison d'hiver dans la région de Kabylie ne sont pas à prendre en compte dans la balance des causes majeures et volontaires de la destruction du patrimoine forestier kabyle. D'autant que c'est dans la tradition de la population locale que la coupe du bois de chauffage s'effectue, une tradition qui n'influe nullement sur l'équilibre de la forêt de la région, étant respectueuse du cycle naturel des arbres et de la flore en général. Cette idée sera confortée à la longue par la satisfaction de la demande locale en gaz de ville. Une demande des habitants qui traîne malgré un renouvellement systématique de la doléance par les familles et les comités de villages. Parfois même par des actions fortes exigeant le raccordement au gaz naturel, considéré comme un droit des plus élémentaires par la population de Kabylie. A cet effet, des mises en gaz au profit de plusieurs localités de la wilaya de Tizi Ouzou ont été effectuées la semaine dernière par le ministre de l'Energie et des Mines lors de sa visite à Tizi Ouzou. Ainsi des maisons des communes d'Aghrib (950 foyers), Azeffoune (150 foyers), Tigzirt (70) et Makouda (140) ont été enfin raccordées au gaz de ville. Les autorités locales donnent actuellement un taux de pénétration du gaz naturel de 46,71% (121 465 foyers et 728 790 habitants) et jugent que «Le niveau de raccordement aurait été meilleur sans des oppositions émises par des citoyens au sujet du passage des conduites de transport du gaz sur leurs terrains», dans une déclaration à la presse au cours de la même visite ministérielle, «oppositions» qui seraient levées «par le dialogue», selon leurs propres propos. «La concrétisation, attendue vers fin 2014, de l'ensemble des programmes inscrits à l'indicatif de la wilaya pour un montant global d'au moins 46, 5 milliards de dinars devrait permettre de porter le taux de raccordement de la région au gaz naturel à plus de 90%», projettent-ils. On promet, par ailleurs, que la région ne connaîtra pas cet hiver de pénurie en bonbonnes de gaz. Le raccordement au gaz naturel aiderait-il à protéger la forêt de Kabylie ? Pas si sûr…