La commune de Yakouren est à 11 km du chef-lieu de daïra d'Azazga et à 46 de celui de la wilaya Tizi Ouzou. Composée de 5 agglomérations, de 26 villages et hameaux, inégalement répartis à travers cette région montagneuse, Yakouren compte, au dernier recensement général de la population et de l'habitat (Rgph) de 1998, une population de 12 000 âmes, avec une densité moyenne de 151 h/km. À 820 m d'altitude, la pluviométrie moyenne est estimée à 1 200 mm/an, ce qui permet d'avoir une chaîne hydrographique assez importante, se composant de plusieurs ravins et rivières dont Ighzer Oulaghmous, Ighzer Zegghane… Avec cette pluviométrie, le massif forestier est considéré comme l'un des plus importants de la wilaya de Tizi Ouzou, puisque sur une superficie de 7 930 ha, 47% (soit 3 730 ha) sont constitués de forêts renfermant diverses essences, particulièrement le chêne-liège, le chêne afarès et le chêne-zen. Le rôle économique de cette forêt est plus qu'important pour la région. Le liège qu'elle produit est le plus réputé de toute l'Afrique. Une production qui est utilisée comme matière première dans maintes industries (bouchonnerie, navale, spatiale…). Cette activité remonte à l'époque coloniale lorsque la forêt de Yakouren, région appelée aussi Ath Ghobri, était soumise à des exploitations intenses. Considérée comme un pôle touristique incontestable, les colons la nommaient “Petite Suisse africaine”, probablement pour ses qualités naturelles et la particularité de la beauté de ses sites. Jadis, l'hôtel Tamgout accueillait des centaines de touristes qui venaient de partout, même d'outre-mer pour visiter les splendides endroits et profiter de leur fraîcheur climatique. Des Français, des Allemands, des Chinois… se mélangeaient et se côtoyaient au rythme des traditions de la région. Ainsi donc, toutes les conditions étaient réunies pour offrir aux visiteurs un passage inoubliable. À présent, que reste-t-il de ce mémorable passé ? Dégradation, rupture et exode La dégradation des infrastructures existantes et la situation d'insécurité qui règne depuis 1993 ont provoqué une terrible rupture et porté de graves préjudices à la région. Le tourisme a perdu toute son intensité d'antan, l'hôtel Tamgout n'affiche plus complet, si ce n'est qu'à de rares occasions (fêtes de fin d'année, séminaires…). De par son état déshérité, la collectivité de Yakouren ne fonctionne qu'avec des subventions de l'Etat, ses ressources ne lui permettant guère d'entreprendre des actions dans les domaines économique, social et culturel, tant ses richesses, notamment hydriques et forestières, sont inexploitées. Le problème de l'alimentation en gaz naturel reste toujours la préoccupation majeure des habitants, notamment en hiver, un facteur qui pousse les paysans à se rabattre sur la forêt pour s'approvisionner en bois de chauffage, sans se soucier des dégâts occasionnés aux beaux paysages et sites de ce massif forestier. En été, c'est le problème d'eau potable qui persiste à chaque fois. Un problème dû essentiellement à la dégradation des chaînes de distribution en AEP auquel s'ajoute la mauvaise exploitation des sources et des fontaines. Les riverains sont obligés de faire plusieurs kilomètres chaque jour pour se ravitailler en eau potable à partir de quelques sources naturelles. Quant aux réseaux routiers, les chemins communaux et intercommunaux sont dans un état de délabrement des plus avancés. En matière d'emploi, la collectivité de Yakouren, qui n'a pas vu la moindre unité économique se réaliser sur son territoire depuis l'indépendance, compte un effarant taux de chômage (46%), frappant notamment les jeunes âgés de 25 à 35 ans. Cette situation a engendré un exode massif de ses habitants vers la capitale à la recherche d'un emploi, laissant des terres agricoles à l'abandon. Ainsi va la vie, donc, dans cette commune plongée dans un sommeil profond au milieu des “bois dormants”. Pour la joindre, un seul chemin y monte, et à chaque fois qu'on gagne de l'altitude, l'air devient plus pur et la vie plus dure. Hacène AOUIDAD