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«La relance de la production gazière à Tiguentourine est imminente»
Deux semaines après l'attaque terroriste, le DG du complexe, Lotfi Benaouda, annonce officiellement :
Publié dans La Tribune le 01 - 02 - 2013


Karima Mokrani

Les installations gazières au site de Tiguentourine, à In Amenas, dans le Sud algérien, cible d'une attaque terroriste sans précédent, survenue le 16 janvier dernier, seront remises en activité dans moins d'un mois. Le directeur général du complexe gazier, également DG de l'association Sonatrach-PB-Statoïl, Lotfi Benadouda, l'a annoncé jeudi dernier. «Trente-cinq pour cent (35%) de la production gazière seront mis en ligne dans les plus brefs délais», a-t-il affirmé. Plus précisément «dans moins d'un mois». Ce sera fait sans la présence sur place des partenaires étrangers, mais avec leur assistance technique, à distance, durant une période de trois mois. «Nous avons adressé une correspondance à tous nos partenaires étrangers pour ne pas envoyer leurs représentants avant trois mois», a-t-il indiqué, sans plus de précisions.
Cette déclaration officielle a été faite à des journalistes et reporters algériens et étrangers, dont le nombre dépasse largement la centaine, présents sur les lieux du «carnage» à l'invitation de Sonatrach et du ministère de la Communication. C'est une visite guidée, organisée en collaboration avec la compagnie pétrolière Sonatrach «dans un souci de transparence».
Bien évidemment, cette action vise à permettre aux journalistes d'avoir une idée plus précise de ce qui s'est passé le jour de l'attaque et de constater, de visu, la difficulté de la tâche assurée par l'armée pour sauver un maximum de vies humaines et récupérer le site sans trop de dégâts. Pas trop de dégâts matériels mais des pertes en vies humaines, surtout chez le partenaire japonais : 10 morts. Ce qui explique la forte présence des médias japonais sur le site, entre journalistes, caméramen et photographes, et leur empressement à avoir un maximum d'informations et de photos à envoyer instantanément à leurs rédactions.
«Nous sommes près de 40 à représenter un organe officiel japonais», indique un journaliste égyptien travaillant pour le compte d'une chaîne japonaise. Et il n'est pas le seul Egyptien à représenter les médias japonais sur le site. C'est aussi un message des autorités algériennes à l'adresse du monde entier, à travers ces médias de différents pays, pour dire les capacités de l'Algérie à relever les défis, quelles que soient la force et l'origine du mal. Cette fois, la grande preuve est la reprise de la production gazière au niveau du site. Pas dans l'immédiat -comme susmentionné- mais dans les plus brefs délais. Le temps de réparer les dégâts les plus importants et d'assurer une sécurité maximum des installations et du site dans sa globalité.
Des techniciens qui activaient déjà sur le site, et d'autres appelés d'Alger, sont mobilisés en force pour un travail de diagnostic (dans un premier temps) avant de donner le feu vert pour la relance effective de la production.
Fait à relever, une présence remarquable des employés algériens, malgré la brutalité de l'attaque et la douleur ressentie. «C'est vrai que c'était trop difficile pour tous, mais c'est tout le monde qui est décidé à y rester et à continuer le travail normalement. La preuve, c'est que nous sommes là. Et c'est la même chose chez nos partenaires étrangers. Ils nous appellent en permanence pour avoir des nouvelles du site et nous affirment qu'ils vont revenir. Ils ont même hâte d'être là», affirme un technicien. «Et si ces étrangers ne seront pas là de sitôt, ça doit être pour des raisons sécuritaires mais aussi psychologiques. Ils ont besoin de temps pour se remettre du choc», estime un autre.

Récit de l'attaque
Sur le site, deux semaines après l'attaque terroriste et les deux assauts donnés par les forces spéciales de l'armée nationale, des traces du drame sont visibles au niveau du «Train 3» du complexe gazier. Toute une partie de l'installation est noircie par la suie et la fumée. C'est parce que c'est là où a eu lieu l'explosion du camion à l'intérieur duquel étaient installés de force des otages étrangers, portant des ceintures d'explosifs. Aucun moyen d'y échapper, leur mort était inévitable après l'explosion du camion.
Des traces d'impacts d'obus sont également visibles sur les murs du foyer, au niveau de la base de vie. C'est dans ce foyer qu'ont été regroupés les otages algériens avant qu'ils ne prennent la fuite, avec l'aide des militaires, au moment de l'accrochage avec les terroristes. Ces derniers ont été pris de panique après l'assaut donné par les forces spéciales de l'armée, qui se refusaient à toute négociation. Toujours au niveau de cette base, des travaux sont en cours pour des réparations dans les appartements touchés et pour enlever les traces de la mort terrible subie par d'autres otages étrangers, dans leurs appartements VIP. «C'était un carnage.
Un massacre. Trop difficile. Pénible…», n'arrêtait de dire le DG, Lotfi Benadouda, qui était lui-même présent sur les lieux le jour de l'attaque et pris en otage par des terroristes, le menaçant de lui faire subir le même sort. «Une douzaine de terroristes s'étaient introduits à l'intérieur de la base de vie, mercredi à 5h30 du matin. L'alarme a été donnée par l'agent de sécurité, Mohamed Lamine Lahmar, au même moment. Cet agent est aujourd'hui mort, mais non sans accomplir le geste qui a permis de sauver des centaines d'otages. C'est une alarme discontinue qui indique l'attaque terroriste.»
Et l'ex-otage de raconter ce qu'il a subi lui-même : «Moi, j'ai été arrêté le premier mais pendant deux heures, aucun terroriste n'a compris que j'étais le DG. Ils m'ont demandé de leur indiquer les chambres des responsables des autres compagnies, ainsi que celle du DG qui était moi. Leur objectif principal était de prendre des expatriés. Quand ils ont appris que j'étais le DG, ils m'ont demandé de transmettre leurs revendications aux autorités.
Ils ont réclamé des véhicules et du fuel. Ils m'ont demandé aussi de parler à une chaîne étrangère que je ne connais pas. J'ai refusé.
Le terroriste qui m'a donné l'ordre parlait en anglais mais celui qui m'a frappé, parce que j'ai refusé d'obtempérer, est un Egyptien. Il m'a dit en arabe que je n'avais pas intérêt à dire non.»
Poursuivant son récit, le premier responsable du site, rapporte : «Durant les premières heures de l'attaque, il n'y avait pas de grande pression sur les terroristes, mais quand leur émir, appelé Tahar, a été blessé suite à l'attaque de l'armée, la panique les a gagné. Plus de 400 otages algériens étaient regroupés dans le foyer. C'est au moment de cette grande panique, suite aux accrochages entre l'armée et les terroristes que tous les otages ont commencé à prendre la fuite.
Tout le monde a couru vers un poste où nous attendait l'armée.» Lotfi Benaouda assure qu'«aux environs de 10h, jeudi, tous les otages algériens avaient réussi à prendre la fuite».
En revanche, du côté des expatriés, il y a eu des pertes.
Les chiffres officiels donnent 37 morts. «Grâce à Dieu, nous sommes là mais d'autres parmi nos camarades expatriés sont morts. Les terroristes leur ont fait porter des ceintures d'explosifs et projetaient de les emmener avec eux pour entrer au Mali ou ailleurs. L'assaut de l'armée a faussé leurs calculs… Nous regrettons la mort de nos camarades. Ce qui s'est passé est extrêmement pénible», affirme encore l'ex-otage, non sans insister sur un autre fait : «Les terroristes agissaient à visage découvert.»
Exception faite de cet otage, qui est le premier responsable du complexe, les autres n'étaient pas présents sur les lieux. «C'est normal, ils sont encore sous le choc. La plupart nous assurent toutefois qu'ils vont reprendre très rapidement. C'est un acte terroriste, c'est difficile mais ce n'est pas la première fois que cela se produit dans le pays ou dans le monde. Les Etats-Unis ont été attaqués avec des missiles. La vie continue», confie un technicien. Et ce dernier de relever : «Les années 1990 étaient plus faciles à vivre qu'aujourd'hui. Nous subissons les conséquences du printemps arabe, de la révolution libyenne et de ce qui se passe actuellement au Sahel. Autrefois fois, à côté de l'Algérie, des dirigeants de pays voisins, je cite particulièrement Mouammar Kadhafi, assuraient, eux aussi, la sécurité des frontières. Aujourd'hui, l'Algérie se retrouve seule à faire face au danger terroriste au niveau des frontières. Ce n'est pas facile.»
Pour le moment, s'agissant du site de Tiguentoutine, militaires, gendarmes et autres corps sont déployés en grand nombre pour assurer la sécurité des lieux. Les employés se remettent progressivement du choc et que les installations gazières sont soumises aux contrôles nécessaires. La production partielle est annoncée pour les jours à venir.
Une production de 35%, sur un total de 22 millions à 24 millions de m3 par jour (la production totale du site en temps normal).
Les connexions aux réseaux de téléphonie portable sont rétablies, de même que l'électricité.

K. M.


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