Dans le cadre des Journées du cinéma espagnol, organisées conjointement par l'Office national de l'information et de la communication (ONCI) et l'institut Cervantès, la salle El Mouggar a accueilli lundi dernier la projection du long métrage Bar El Chino en présence du réalisateur argentin Daniel Burak. Durant plus d'une heure trente, le public a été convié à suivre l'histoire de Martina et de George qui tentent de réaliser un documentaire sur le mythique Bar El Chino, une échoppe populaire qui vit au rythme du tango. Entre le cliquetis des verres et les effluves des fritures, les habitués accompagnent le guitariste de chants mélancoliques et poignants. Le tango, «cette pensée triste qui se danse», est tel un exutoire de la nostalgie de l'exil, de l'absence de l'être aimé et de la frustration des désirs inassouvis. Au décès du patron du bar surnommé «El Chino» (car il plissait les yeux quand il chantait de sa voix rauque et forte), Martina, réalisatrice à la télévision, est séduite par le lieu. Elle contacte alors George, un journaliste quinquagénaire, qui avait filmé le lieu du vivant d'El Chino. Au début, George refuse car il est sur le tournage d'un film publicitaire sur les grands investissements d'un projet d'autoroute. Mais Martina finit par le convaincre et le replonge dans ce lieu où les choses simples de la vie prennent une dimension plus importante. Tel un pas en deux temps, le film est une alternance entre le quotidien des deux protagonistes principaux et des images des émouvants témoignages sur la magie de l'échoppe mythique. Avec comme fil conducteur la passion du tango, les personnages évoluent sur le rythme de cette danse d'«improvisation, au sens où les pas ne sont pas prévus à l'avance pour être répétés séquentiellement, mais où les deux partenaires marchent ensemble vers une direction impromptue à chaque instant». Dès lors, une idylle se tisse entre Martina et George qui allient travail et passion, savourant les instants simples et merveilleux. Au fur et à mesure qu'avance le tournage du documentaire, la crise sociopolitique que vit le pays fait son entrée sur scène par petites touches. Ainsi, Martina se retrouve au chômage car la chaîne où elle travaille a licencié une trentaine de personnes. George, après avoir passé plus de deux heures dans une file d'attente à la banque pour retirer de l'argent, revient les mais vides parce que l'Etat a bloqué tous les retraits. Commence alors l'exode des Argentins vers l'étranger, dont Martina qui a trouvé un travail intéressant en Espagne. George choisit de rester en Argentine. Mais il sombre dans la déprime et ce n'est que grâce à l'amitié de ses copains qu'il arrive à émerger. Le film se clôture sur un geste d'espoir de George, qui met une étiquette Bar El Chino sur la cassette du film publicitaire qu'il tournait avant d'aller poursuivre le documentaire. Lors du débat qui a suivi la projection, Daniel Burak confie que le film «est un message d'espoir. Pour moi, c'était un devoir dicté par ma conscience de poursuivre la réalisation du film malgré les difficultés financières qui nous ont foudroyés en plein tournage. D'un point de vue personnel, c'est aussi une manière de dire à mon fils qui avait 29 ans à l'époque de ne pas quitter le pays et de résister à la crise en poursuivant ce combat du quotidien». S. A.