Dans le cadre des rencontres Diwan Villa Abdellatif, les historiennes Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault animeront, aujourd'hui à 14h30, une rencontre-débat autour de l'ouvrage Histoire de l'Algérie à la période coloniale dont elles ont codirigé, avec Abderrahmane Bouchène et Jean-Pierre Peyrouloux, la rédaction. Le volumineux ouvrage est coédité par la maison d'édition algérienne Barzakh et les éditions françaises La découverte. Le livre inédit auquel ont participé plus de quatre-vingt auteurs aborde, sur plus de sept cents pages, des aspects encore méconnus de cette colonisation de peuplement qui fait encore couler beaucoup d'encre et suscite des débats, cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie. Ouanassa Siari Tengour, chercheuse et historienne au Crasc d'Oran, Sylvie Thénault historienne et directrice de recherche au Cnrs, seront également assistées dans cette rencontre-débat par Amar Mohand Amer docteur en histoire, maître de recherche au Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle d'Oran, Malika Rahal agrégée d'histoire et «Lecturer» à la School of Politics and International Relations de l'Université de Nottingham, chercheuse à l'Institut d'histoire du temps présent de Paris (Cnrs). «Histoire de l'Algérie à la période coloniale», est un ouvrage coécrit par des historiens et chercheurs algériens, français et d'autres nationalités. Il est scindé en quatre périodes, qui permettent de mettre en évidence les transformations de l'Algérie sous la domination coloniale française, de 1830 à 1962. Dans la première période (1830-1880), il est noté dans le livre que si la date de 1830 est «évidente», marquant la prise d'Alger par les Français, celle de 1880 l'est moins. Du fait que celle-ci marque, selon eux, le début de la «soumission définitive» de la résistance des Ouled Sidi Cheikh et, qu'entre-temps, la prise de possession de l'Algérie a été progressive incluant la conquête militaire, la colonisation foncière, la résistance des Algériens par les insurrections et le remodelage des structures socioéconomiques algériennes par la France. La deuxième période est celle de 1881-1918, où il est mis en exergue le fait de l'existence de deux Algérie : celle des Européens, avec le déploiement de la colonisation et celle des Algériens. La troisième période est celle qui s'étend de 1919 à 1944 soit entre les deux Guerres mondiales où : «Le colonisateur commence à se poser la question sur le statut des Algériens. Faut-il les assimiler à la cité française ou bien les laisser à ses portes, dans l'indigénat?» L'Algérie «algérienne», de son côté, commence à jouer un rôle moteur. Le dernier chapitre est ensuite consacré à la période cruciale de 1945 à 1962, où il est mis en relief le déclic déterminant des massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata qui a mené inéluctablement au déclenchement de la Guerre de libération nationale le 1er novembre 1954. Ce qui distingue cet ouvrage, c'est le fait qu'il se base notamment sur les résultats des nombreux travaux de recherche innovants qui ont été menés durant ces quinze dernières années. Lors de la présentation de cet ouvrage, à l'occasion de sa parution, François Gèze, P-dg des éditions la Découverte, avait souligné que : «Cinquante ans après l'indépendance, les représentations nationales ont peu évolué. C'est lié à la puissance d'occultation de la période coloniale. En France, pour tourner la page de l'empire colonial, on a organisé l'effacement de la période.» Quand à Sylvie Thénault elle estime que : «Côté français, la période coloniale c'est plus d'un siècle d'inconnu. Que sait-on de la violence de la conquête, de la dépossession foncière, de l'état civil, des noms et prénoms imposés aux Algériens ? Rien.» Quant à la conception même de l'ouvrage, Sylvie Thénault avait répondu à la question de la renonciation des mémoires qu'elle croit : «Que notre équipe de quatre directeurs, avec nos parcours et nos profils, reflète bien le fait que l'histoire de l'Algérie n'est pas, contrairement à d'autres séquences, uniquement académique : Abderrahmane Bouchène, est éditeur, Ouanassa Siari Tengour est universitaire, Jean-Pierre Peyroulou a fait une thèse d'histoire et enseigne dans le secondaire, et je suis chercheuse. La difficulté à situer ce livre est que l'on se trouve au croisement de plusieurs préoccupations.» Elle précise à ce propos qu'«il y a évidemment une préoccupation académique, celle de fournir aux historiens ou aux étudiants d'histoire une nouvelle publication, parce que celles sur la période coloniale sont plutôt anciennes aujourd'hui, mais, en même temps, cette histoire là traverse tellement nos sociétés que l'on ne peut pas la situer uniquement dans une préoccupation académique». «L'expression “histoire partagée et critique”» définit bien, je crois, cet enjeu de mieux faire connaître cette histoire pour mieux la partager, et peut être mieux la dépasser».