De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
Une expérience Live assez originale. Salim Fergani au oud (luth) et l'incontournable de la scène musicale d'improvisation Jean-François Zygel au piano, ont offert une belle conversation musicale, jeudi soir dernier, à la salle de l'Institut culturel Français de Constantine, au grand bonheur de nombreux mélomanes, dont des artistes locaux parmi la classe estudiantine. Le malouf livré par Fergani, écouté et retransmis illico par le pianiste français, puise dans diverses sources. L'imagination impressionnante du compositeur chante ce style différemment, mais sans trop s'éloigner des racines andalouses. Point de fusion. Cela reste une improvisation, et les échappées semblent avoir exploité et extirpé les ramifications des notes les moins exprimées par le oud. Une intro Rhaoui propre au luthiste du jour donnera des perspectives d'improvisations au virtuose Français au doigté agile surfant majestueusement sur les sept octaves. Et les présents en redemandaient encore. Le malouf ou l'andalou aura livré davantage ses richesses au cours de cette rencontre vouée aux échanges et aux discours musicaux, comme nous l'a souligné le pianiste. Ce n'était pas de la fusion, nous dira pour sa part Salim Fergani, «c'est des improvisations où tous les essais sont permis», a-t-il précisé. Sachant que le piano cohabite difficilement avec le luth, les artistes ne se rencontraient qu'en tessitures permettant l'unisson. Au départ de chaque appel musical, la tonalité est émise sur les cordes du luth avant que le piano ne reprenne sa clef pour emmener la scène dans un voyage teinté de haltes classiques, avec des harmonies parfois parfaites que l'on connait à la musique méditerranéenne. Avec les noubate Sika et Dil, et une incursion vocale, Salim laisse ses notes planer. Pas au point d'extinction. Car J.-F. Zygel les ressaisit sur le champ pour en faire une autre partition. Inventée, plaisante, où le discours mélodique superposé parfois fera sortir les prouesses contrapunctique classiques. S'adonnant également à des conversations orales, les deux artistes convoquaient le public à agrémenter quelques passages. Le spectacle prendra fin avec un «Qom tara» soutenu vocalement par les mélomanes. C'était la dernière note de cette rencontre musicale improvisée et sympathique qui manquait tant dans une cité au patrimoine musical pourtant riche. Il a fallu innover pour drainer le monde artistique. N'est-ce pas que le renouvellement prôné par J.-F. Zygel a trouvé ses sources d'enrichissement dans ce métissage ? Le malouf aura-t-il inspiré le piano classique ? En tout cas, pari réussi pour l'ICF, initiateur de cette rencontre qui ouvre des perspectives aux éventuels jeunes musiciens qui seraient en quête de ce genre d'explorations. D'autant plus que la musique andalouse, qui a su garder son authenticité, a ébloui et inspiré de nombreux artistes dès qu'ils l'ont écoutée pour la première fois et découvert les horizons qu'elle leur ouvrait. Car, elle tolère les variations, quand celles-ci sont l'œuvre de professionnels qui savent ce qu'est un dialogue entre deux musiques, deux cultures, deux civilisations, valeurs absolues qui n'essayent pas de fusionner ou de se phagocyter l'une l'autre.