Photo : Sahel Par Amirouche Yazid Décédé vendredi à l'âge de 90 ans, le moudjahid et avocat M. Ammar Bentoumi a été inhumé dans l'après-midi d'hier au cimetière Sidi M'hamed de Bouzaréah en présence d'une foule nombreuse composée de la famille du défunt, des proches, des juges et des avocats de différentes générations et de quelques figures du gouvernement. Premier ministre de la Justice de l'Algérie indépendante, feu Ammar Bentoumi était connu, notamment parmi les avocats, comme le défenseur des sans voix. La présence remarquable des avocats parmi l'assistance qui l'accompagna vers sa dernière demeure renseigne sur la place et le respect qu'il imposait au sein d'une corporation où il est très difficile de faire le consensus. C'est d'autant plus difficile quand une si riche carrière comme celle du défunt Bentoumi est soumise, non seulement à l'arbitrage des collègues et de l'opinion, mais à celui de l'Histoire. Celle-ci plaide en effet pour le parcours du Maître comme il n'a pas cessé, lui, de plaider la cause des opprimés. Dès son jeune âge, le natif de Constantine s'est révélé un défenseur habile de la cause nationale. Il fut en toute logique l'avocat officiel du PPA-Mtld jusqu'à novembre 1954. A partir de cette date, il devient le premier avocat du FLN sur proposition de Rabah Bitat. Il en créa dès lors le premier collectif des avocats du FLN. Un collectif qu'il menait dans les juridictions pénales, militaires pour défendre la cause des combattants et nationalistes algériens. Les autorités coloniales l'ont arrêté en 1957 pour l'assigner à résidence surveillée. Il réussit cependant à s'évader et se rendre à Tunis et adhérer au Gpra. A l'indépendance, feu Ammar Bentoumi hérita de la dure mission de créer le ministère de la Justice. Témoin de l'évolution du secteur, Ammar Bentoumi mettait en évidence «l'absence d'un ministère de la Justice en terre algérienne malgré l'existence d'une multiplicité d'organisations judiciaires». Dans son livre intitulé Naissance de la justice algérienne, maître Bentoumi raconte qu'en octobre 1962 eut lieu «l'ouverture solennelle de l'année judiciaire au palais de justice d'Alger en présence du président de l'Assemblée nationale constituante Ferhat Abbas, du président du premier gouvernement de l'Algérie indépendante, Ahmed Ben Bella, et du ministre de la Justice». Le défunt Bentoumi sera néanmoins vite éjecté de son poste de ministre par l'inconsistant chef de l'Etat, qui l'assigna à résidence dans le sud du pays. Après le renversement du régime de Ben Bella, son successeur Houari Boumediène proposa des postes de responsabilités à Bentoumi. Des nominations qu'il a refusées en préférant le métier qu'il savait mieux exercer, à savoir défendre les causes justes. Les causes justes pour un homme de la trempe de Bentoumi, ce n'est pas seulement celles qu'on qualifie de «nationales». A ce titre, Ammar Bentoumi était membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine. Au cimetière de Sidi M'hamed, un de ses disciples a eu toutes les peines pour retracer le parcours du moudjahid et avocat de la Révolution. Parmi les présents à l'enterrement, on peut citer, côté gouvernement, le ministre de la Justice, Mohamed Charfi, le ministre du Travail, M. Tayeb Louh, le ministre chargé des relations avec le Parlement, M. Mahmoud Khedri. Le président de l'APN, M. Larbi Ould Khelifa, était aussi au rendez-vous. Du côté des professionnels, les avocats étaient en force (Bourayou, Bouchachi, Zehouane, Benissad…). L'enterrement a été par ailleurs marqué par la présence de Mouloud Hamrouche et d'Ahmed Ouyahia, anciens Premiers ministres.