A lire la Citoyenneté en question (Algérie), le dernier ouvrage du professeur de sociologie à l'Université d'Oran, Mohamed Mebtoul, on comprend pourquoi la citoyenneté - ce concept galvaudé jusqu'à la désagrégation autant dans les médias, que par les institutions de l'Etat ou les acteurs politiques- reste une notion encore étrangère à notre société. «(…) La citoyenneté est de l'ordre de l'interdit dans un système social qui réfute avec force le débat autonome et pluriel, pour s'inscrire et privilégier des formes d'endoctrinement idéologiques douteuses», écrit l'auteur en introduction de son livre. «Elles ont réussi le pari de produire un populisme simpliste qui n'est pourvu d'aucune épaisseur politique et intellectuelle, réduit à fonctionner en vase-clos, en rupture avec les dynamiques sociales et culturelles déployées quotidiennement par les agents sociaux. Le refus sociopolitique de la proximité et de la confrontation plurielle, aboutit à multiplier des institutions peu préparées à intégrer et à prendre en considération les contraintes et les attentes des personnes interdites d'accès au statut d'usager, seul à même de leur permettre un droit de regard sur leur fonctionnement.»Cette «absence de citoyenneté», frustrante et parfois responsable d'événements tragiques, dans une société «profondément inégalitaire» mène la majorité des Algériens à revendiquer, à exiger d'autres formes sociales qui leur permettent «une existence quotidienne moins aléatoire, moins fragile et plus humaine.» A travers la réédition de 14 articles de presse et deux contributions publiés entre 2009 et 2012 -mais aussi et surtout grâce à des recherches menées depuis 20 ans- Mohamed Mebtoul apporte un éclairage sociologique sur les convulsions qui agitent la société algérienne et nous aide à comprendre un certain nombre de phénomènes. Il nous explique notamment pourquoi, fin 2009, le football a réussi là où le politique a lamentablement échoué, et comment des jeunes qui s'enveloppent du drapeau national, l'embrassent en hurlant «one, two, three, viva l'Algérie», se transforment en candidats à l'émigration, en harraga, dès la fin de la rencontre footballistique. Le sociologue donne aussi des éléments de réflexion sur la situation peu reluisante de l'université algérienne, l'échec du système éducatif, l'incapacité de la santé à répondre aux besoins des patients…, et explique pourquoi tous ces échecs «sont» aussi l'échec de la citoyenneté.La Citoyenneté en question (Algérie) a été publié au début 2013 par les éditions Dar El Adib, dans la nouvelle collection Santé et Société qui, sous la direction de Mohamed Mebtoul, se propose, selon l'éditeur, d'accueillir les ouvrages qui appréhendent les questions socio-sanitaires de référence en Sciences sociales et Santé. Professeur de sociologie mais également directeur de l'Unité de recherche en sciences sociales et santé (Gras), Mohamed Mebtoul est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Une sociologie des acteurs sociaux : médecins patients et ouvriers en Algérie (2007) et Une vie quotidienne sous tension (2008). Il a aussi dirigé des ouvrages collectifs comme les Récits de vie des jeunes (2005), les Mots des jeunes pour dire la sexualité (2006) ou les Perceptions des soins de santé essentiels en Afrique… (2012). Le sociologue a aussi contribué à des travaux collectifs tels les Soins, sociomorphose, publié par les éditions universitaires de Perpignan en 2010 et Famille et santé, également édité en 2010 par l'Ecole des hautes études en santé publique de Rennes. S. O. A.