Au moment de la célébration du Cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, la Guerre de libération nationale est au cœur de nombreuses recherches d'historiens, qui réclament sans cesse de lever la chape de plomb sur de nombreuses archives qui restent inaccessibles aux chercheurs au jour d'aujourd'hui. C'est dans cet esprit que l'historien Benjamin Stora a soutenu l'idée de l'ouverture des archives et le déverrouillage du débat sur la colonisation française en Algérie, notamment concernant des sujets aussi importants que les expérimentations nucléaires, les mines antipersonnel, les disparus algériens pendant la bataille d'Alger ou encore l'utilisation du napalm, lors d'une conférence qu'il a animée, samedi à Sétif, à la Maison de la culture Houari-Boumediène, à l'invitation de l'Association des anciens élèves des lycées Mohamed-Kerouani et Malika-Gaïd, rapporte l'APS. Ainsi, l'auteur de la Gangrène et l'oubli et d'une quarantaine d'ouvrages sur la guerre de libération et le Mouvement national en Algérie, a considéré qu'«on assiste, de nouveau, à un verrouillage du débat sur l'histoire de la présence française en Algérie». Un verrouillage qu'il attribue spécifiquement au «discours prononcé à Toulon par l'ancien président français, Nicolas Sarkozy, le 25 septembre 2008, ainsi qu'à la loi du 24 février 2005 qui fait état d'un bilan positif de la colonisation». L'historien a également écarté la possibilité, à l'heure actuelle, d'envisager une «histoire commune, écrite par les Algériens et les Français, comme cela s'est fait entre l'Allemagne et la France», soulignant à ce propos que les deux pays n'entretiennent pas les mêmes rapports à cette histoire, et qu'il y a un décalage net dans la commémoration des dates. A ce sujet, Benjamin Stora a expliqué que, côté français, le 19 mars 1962 représente «la fin d'une histoire, la France perdant l'Algérie qui constituait le centre de l'empire colonial, une colonie de peuplement qui devait rester éternellement attachée à elle, alors que pour les Algériens le cessez-le-feu marque le début d'une histoire, celle de la reconstruction de l'Etat-nation, c'est le début de la liberté, aboutissement d'un long processus de résistances et de luttes». Abordant le processus de réappropriation par les Algériens de leur histoire, l'historien français a rappelé que durant cette première période d'indépendance, «la priorité a été donnée à l'affirmation historique de l'unité de la nation, sans se soucier de la diversité des acteurs du Mouvement national et de la guerre d'indépendance, ni du pluralisme qui avait caractérisé ce mouvement». Il a cité des historiens, chercheurs et écrivains, à l'instar de Mohamed Harbi, Mahfoud Kaddache, Mohamed Teguia, Slimane Cheikh qui ont apporté très tôt des contributions et ont réalisé des travaux ayant permis de dépasser une «vision simplifiée de l'histoire nationale, ouvrant la voie au retour de figures historiques, longtemps occultées, notamment Messali Hadj et Ferhat Abbas». Il a toutefois ajouté, à propos de l'écriture de l'histoire et l'ouverture des débats sur des pans entiers encore ignorés de l'histoire de la Guerre de libération nationale, le conférencier a mis en exergue le rôle de la presse algérienne, depuis l'instauration du pluralisme, dans la promotion du débat sur l'histoire, soulignant également l'importance des publications de nombreux témoignages d'acteurs qui apportent «de la matière pour l'écriture de l'histoire et nourrissent les travaux des historiens». S. B.