L'écriture de l'histoire contemporaine de l'Algérie a fait l'objet, hier, d'une conférence-débat animée par l'historien français, Benjamin Stora, à Sétif. Le récit de l'enfant de Constantine a tenu en haleine une assistance intéressée. Avant d'interpeller les historiens des deux rives devant se pencher sur les nombreux sujets qui n'ont pas été élucidés, le conférencier remet sur la table l'histoire officielle «commandée» et les contre-discours de ces écrivains pionniers ne faisant pas de l'écriture objective une question de massification. Pour l'illustration, l'orateur cite de nombreux écrivains, notamment Mahfoud Kadache ayant, d'après lui, remis en cause certaines idées concernant l'UDMA, le PCA et les oulémas. L'intervenant met, par ailleurs, le doigt sur la mise au secret d'un certain nombre de personnages et de nombreuses séquences, des décennies durant. Pour l'exemple, il cite les noms de Ferhat Abbas et Messali Hadj : «Les événements du 5 Octobre 1988 ont été le prélude à un déverrouillage du chapitre historique. Ferhat Abbas et Messali reviennent au-devant de la scène. Entre 1994 et 2000, la presse algérienne (il cite El Watan) a beaucoup fait en matière d'histoire. Les thèmes inhérents aux violences à l'intérieur du Mouvement national algérien, à l'assassinat de Abane Ramdane et à la question des minorités ont été largement exposés par les médias algériens», souligne Stora qui revient sur la position de la France : «Proposée par 80 députés français, la loi du 23 février 2005 a mis le feu aux poudres. Elle radicalise tous les discours, donne le coup d'envoi à la guerre des mémoires.» Et d'interpeller les deux rives : «Le moment est venu pour les Algériens et les Français de regarder leur histoire commune en face. Un immense chantier attend les historiens des deux rives. Du côté algérien, on doit à mon sens ouvrir les chapitres de l'engrenage de la violence, des affrontements au sein de la famille révolutionnaire, mettre en exergue les acteurs de cette Révolution (préservation de la mémoire). Il faut en outre se pencher sur la question de l'enrôlement par l'armée française de la paysannerie algérienne (harkis), celle du statut des minorités qui ont quitté l'Algérie (pieds-noirs). On doit savoir qu'après l'indépendance, plus 200 000 Européens sont restés en Algérie jusqu'aux années 1970. Côté français, beaucoup d'archives sont à ouvrir, notamment celles inhérentes aux champs de mines, aux essais nucléaires français au Sahara, aux disparitions de milliers d'Algériens et à l'utilisation du napalm, pour ne citer que ces sujets.» Benjamin Stora a tenu à préciser que «l'histoire s'écrit en fonction des impératifs du présent».