Des auxiliaires de vie qui se déplacent à domicile pour prendre soin de nos aînés. Tel est le projet de prise en charge des personnes âgées, exposé, jeudi dernier, au ministère de la Solidarité. Pour l'instant, il s'agit d'une version expérimentale menée dans 7 communes de la wilaya de Tizi Ouzou. La ministre Souad Bendjaballah compte l'étendre graduellement au reste du pays s'estimant «très satisfaite» des résultats jusque-là obtenus. Ce dispositif gratuit s'adresse en priorité aux personnes âgées sans ou avec un petit revenu, aux bénéficiaires de l'allocation forfaitaire de solidarité (AFS) et aux handicapés. Le troisième âge, dont la Journée nationale est célébrée aujourd'hui, est une tranche de la population en constante augmentation. Elle représente actuellement 7,6% des 34 millions d'Algériens, soit deux millions et demi de personnes, selon l'Office national de la santé (ONS). Du fait de l'accroissement de l'espérance de vie, ce taux passera à 40% en 2025, toujours selon l'ONS. Malheureusement, cette longévité s'accompagne souvent de maladies chroniques, d'handicaps et de traitements à long terme. Ainsi, l'article 10-12 de la loi du 29 décembre 2010 a tracé un cadre légal permettant d'organiser la prise en charge des personnes âgées. Les résultats du projet pilote ont été présentés par Kernou Abdelkarim, directeur de l'action sociale et de solidarité (Dass) de la wilaya de Tizi Ouzou. Lancée entre septembre 2012 et janvier 2013 selon les communes, l'expérience a abouti jusque-là à la prise en charge de «1 723 personnes à l'aide de 184 auxiliaires de vie», a indiqué M. Kernou. L'action sur le terrain est menée collectivement par la Dass, la commune, les Comités de villages, les associations locales et les familles des personnes prises en charge. Le tout est soumis à évaluation constante sous forme de rapports mensuels adressés à la Dass, sous couvert d'un comité de pilotage composé des représentants de chacune des instances citées ci-dessus.
Quelle formation pour quel salaire ? Concrètement, il s'agit, dans un premier temps, d'identifier les personnes âgées et/ou handicapées ainsi que leurs besoins en matière de soins. Parallèlement, sont recherchés les candidats aux profils correspondants au poste d'auxiliaire de vie. Dans le cadre de cet essai, les auxiliaires de vie ont bénéficié localement d'une formation accélérée (entre 15 et 20 jours), aux côtés de médecins bénévoles. Ils ont ensuite obtenu des mallettes médicalisées et ont été envoyés sur le terrain en binômes. Leur champ d'activité comprend aussi bien la prise de tension, de glycémie et le contrôle de la prise des médicaments, que l'hygiène corporelle, les tâches ménagères et le soutien psychologique. Toutefois, ils ne sont pas autorisés à effectuer des actes médicaux sauf s'ils sont accompagnés d'un infirmier ou d'un médecin. Pour détailler la faisabilité du projet, Mme Souad Benjaballah s'est entourée de plusieurs cadres de son secteur. S'agissant de la formation de ces auxiliaires de vie, la ministre a assuré «qu'elle aura lieu au niveau des deux centres de formation du ministère (Birkhadem et Constantine)». Selon M. Badaoui, directeur des personnels et de la formation, «un concours national ouvert aux bacheliers uniquement, a été organisé les 17 et 18 avril derniers, donnant droit à une formation de deux ans […]. Parmi les 440 places pédagogiques disponibles en 2012, 20 seront réservés aux auxiliaires de vie puis 50 en 2013». Ce chiffre risque d'être insuffisant si l'on doit calquer l'expérience de Tizi Ouzou où il a été établi que «30 auxiliaires de vie sont nécessaires à la prise en charge de 70 personnes âgées», précise le rapport d'évaluation. Viennent ensuite les questions du statut et de la rétribution de ces auxiliaires de vie. Dans l'expérience de Tizi Ouzou, le recrutement s'est fait uniquement sous forme de contrats pré-emploi qui sont : le Dispositif d'activités d'insertion sociale (Dais) et la Prime d'insertion des diplômés (PID). Les salaires sont de 10 000 DA pour le premier et 7 000 DA pour le second. «Les auxiliaires de vie doivent être formés mais ils doivent aussi aimer travailler dans le social», a déclaré la ministre. Avec un salaire inférieur au Snmg, la tâche risque d'être difficile à mener.
La gratuité des soins n'exclue-t-elle pas les plus aisés ? L'application d'un tel projet nécessite d'importants financements. Dans le cas du projet-pilote, les contributions financières provenaient des différentes parties, à savoir l'APC, la Dass mais aussi les fonds privés récoltés par les associations caritatives. Selon M. Kernou, «il n'y a pas encore de bilan financier» pour l'opération d'essai. Mais pour donner une idée, «le budget alloué au fonctionnement des 33 foyers pour personnes âgées que compte le pays a dépassé les 2 milliards de dinars pour l'année 2012», a indiqué la ministre. En effet, un pensionnaire coûte à l'Etat près d'un million de dinar par an, sachant que leur nombre s'élève actuellement à 2 287 dont 960 malades mentaux. Traiter les personnes âgées à domicile peut coûter moins cher que de les placer dans des foyers. Il est également plus souhaitable qu'une personne âgée puisse terminer sa vie dans un environnement qui lui est familier, si possible entourée de ses proches. Et si cette personne dispose des moyens financiers pour accéder à ce service, pourquoi l'en priver ? La solution des auxiliaires de vie peut être très appréciable, à condition d'en faire un réel métier, répondant à un modèle économique qui permette de la pérenniser. Il est également possible d'en faire un service remboursable par la sécurité sociale pour satisfaire les besoins de cette population dans son ensemble. A. H.