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Daho Djerbal décrie le verrouillage de l'écriture de l'Histoire Affirmant que le nombre de 45 000 morts dans les massacres du 8 mai 1945 est discutable
Le nombre de 45 000 algériens morts dans les massacres du 8 Mai 1945 ne peut pas être exact. Ce que disait, jusque-là, la vox populi, est désormais soutenu par un historien. Daho Djerbal, enseignant à l'université et spécialiste de l'histoire d'Algérie, a déclaré hier, au Forum du quotidien Liberté, que «le chiffre 45 000 est discuté et discutable», dans la mesure où, expliquera t-il, «aucune étude systématique et fine n'a été menée dans ce sens». L'historien, qui regrette le fait que ce travail de recherche ne soit pas accompli par l'université algérienne, cite, à ce propos, le travail mené par l'historien Jean Luc Einaudi sur le nombre d'Algériens morts suite aux violences policières du 17 Octobre 1961 en France. Mais d'où est donc sorti le nombre de 45 000 morts ? Daho Djerbal souligne que c'est la presse de l'époque qui a donné ce chiffre, sans avoir préalablement vérifié. Présent parmi l'assistance, Fouad Soufi, également historien et spécialiste des archives, fera savoir que «le chiffre des massacrés des évènements du 8-Mai-1945 montait graduellement». M. Soufi estime qu'il revient à l'Université de Sétif ou celles des wilayas limitrophes ayant vécu les événements de faire ce travail. Mais, l'intervenant ne se fait pas d'illusion quand à cette possibilité. «Je ne pense pas que ce travail puisse être fait», tranche Fouad Soufi, qui évoque «une peur que les conclusions de ce travail contrediront celles de l'Histoire officielle». Une appréhension qu'appuie Daho Djerbal, qui note qu' «il s'agit d'une mémoire symbolique, or, chez nous il ne faut pas toucher aux dates symboles». Daho Djerbal soutient par ailleurs que «le même constat est valable pour le million et demi de martyrs de la révolution». Or, ajoutera le conférencier, «pour pouvoir dire la vérité, il faut s'appuyer sur un travail de terrain que seule l'institution universitaire peut mener». C'est à partir de là qu'il évoquera le problème de l'encadrement de la recherche universitaire et de l'accès aux archives. A propos du premier problème, à savoir l'encadrement, le conférencier déclare que «l'encadrement actuel n'est pas en mesure de faire ce travail» portant sur la recherche de la vérité. Concernant les archives, le problème n'en est pas moins complexe. «Aux archives, les étudiants sont reçus comme des intrus. Ils reviennent ruinés financièrement et moralement», témoignent l'historien, non sans une note de dépit. Indigné par le verrouillage qui frappe les archives, qui sont pourtant «du domaine public», il révèle qu'il a eu à y accéder à deux reprises, à Oran et à Constantine. A Oran quand Fouad Soufi était à la tête des archives régionales et à Constantine lorsque c'était Abdelkrim Badjadja qui était aux commandes. Raison pour l'orateur de dire que «ce sont les rapports de personne à personne qui président nos travaux de recherches historiques». Car, depuis que Soufi et Badjadja ne sont pas en poste, les archives sont bien gardées loin des notes des chercheurs. Au cours de la conférence, Daho Djerbal fera savoir qu'une présentation de son livre sur l'Organisation spéciale de la Fédération de France du FLN a été interdite par les responsables de l'Institut. Il s'agit pourtant d'un long travail de recherche, à travers lequella parole a été donnée à des acteurs ayant déclaré la guerre sur la terre du colonisateur. Pourquoi cette interdiction ? Le conférencier, objet d'interdiction, explique que «les nominations, les encadrements se décident ailleurs qu'à l'université ou même au ministère». La triste réalité. Y. A.