«Ouach ? Qu'est-ce qu'on dit de Bouteflika ?» C'est la question rituelle que nous pose chaque soir, depuis l'hospitalisation du Président, une dame qui est convaincue, qu'étant journaliste, on était au courant de tout, a fortiori l'état de santé du chef de l'Etat. L'interrogation prend un ton un peu plus anxieux quand une nouvelle alarmante est rapportée par un média ou même les réseaux sociaux qui relayent toutes les informations, qu'elles soient avérées ou non, de l'intox ou de la rumeur. La dame en question n'est pas la seule à attendre des nouvelles de la santé de Bouteflika. Car, il s'agit du Président, la première institution du pays. S'il contracte une maladie, aussi bénigne soit-elle, c'est tout le pays qui est touché et concerné. On peut imaginer dès lors l'impact d'un journal qui en fait sa Une pour livrer une information sensible, et la réaction des pouvoirs publics si l'information n'est pas fondée. C'est cette réaction qui s'est manifestée dans l'auto-saisine du parquet général près la cour d'Alger qui a ordonné des poursuites judiciaires à l'encontre d'Aboud Hichem, directeur de la publication des quotidiens Djaridati et Mon journal pour «atteinte à la sécurité de l'Etat, à l'unité nationale et à la stabilité et au bon fonctionnement des institutions». «Suite aux propos tendancieux tenus sur certaines chaînes d'information étrangères, dont France 24, par le dénommé Aboud Hichem, sur l'état de santé du président de la République selon lesquels il se serait dégradé allant jusqu'à déclarer que le chef de l'Etat serait dans un état comateux, et compte tenu de l'impact négatif direct de ces rumeurs sur l'opinion publique nationale et internationale et eu égard au caractère pénal de ces propos infondés, le parquet général près la cour d'Alger a ordonné des poursuites judiciaires à l'encontre du concerné pour atteinte à la sécurité de l'Etat, à l'unité nationale et à la stabilité et au bon fonctionnement des institutions», indique le parquet dans un communiqué. En application des textes, le parquet s'est saisi suite aux propos du Directeur de la publication et non parce que son journal a publié ces mêmes informations. Car, la loi organique relative à l'information ne prévoit pas l'interpellation du Directeur de publication (DP) pour ce que son journal a publié, aussi mensonger soit-il. Quant la censure dont auraient été victimes les éditions de dimanche 12 mai de ses deux journaux, le ministère de la Communication a affirmé, hier, qu'il «n'a jamais été question» de censure concernant les quotidiens Mon journal et Djaridati. Le ministère n'a donné «aucun ordre de censure» de ces quotidiens qui continueront à être imprimés par les imprimeries publiques. «C'est le directeur de ces publications qui a initialement accepté de renoncer à leur impression après les observations qui lui ont été faites sur le non-respect de l'article 92 de la loi organique relative à l'information», a ajouté le ministère qui dit être étonné «de la campagne lancée par le directeur du journal» qui a joué pleinement la victimisation et a affirmé que ses journaux ont été saisis samedi soir à l'imprimerie. L'article 92 de la loi stipule que le journaliste «doit notamment respecter les attributs et les symboles de l'Etat, avoir le constant souci d'une information complète et objective, rapporter avec honnêteté et objectivité les faits et événements et rectifier toute information qui se révèle inexacte». Or, les deux titres «donnaient des informations erronées» et «totalement fausses» sur l'état de santé du Président, poursuit le communiqué du ministère de la Communication. Cette dernière affirmation nous ramène à la question de tous ces citoyens et citoyennes qui attendent toujours une réponse digne de foi sur la santé de leur Président. Et quand il n'y a point de réponse, on prend tout ce qui est dit et écrit pour argent comptant. Une rumeur qui n'est pas démentie est de fait authentifiée et devient une information vérifiée, surtout si elle est relayée par des titres dont le seul souci est d'avoir une Une racoleuse garantissant de bons chiffres de ventes. Contre la rumeur, l'intox, la désinformation et l'information tendancieuse, il n'y a pas d'autres armes que la communication transparente. Les citoyens sont en droit de demander des nouvelles de leur Président. Et ce n'est pas avec des communiqués laconiques et des petites phrases de responsables qu'ils attendent, mais une apparition. Car, au point où en est arrivée l'information qui, grâce à l'action de pseudos journaux, se confond avec la rumeur, seule l'image peut détruire tous les colportages qu'on fait passer pour de l'info journalistique sourcée. H. G.