L'intervention du Hezbollah libanais dans le conflit syrien suscite les plus violentes des controverses et des retournements de position absolument étonnants. Ceux qui en 2006 portaient au pinacle la Résistance contre l'occupant israélien et trouvait en Hassan Nassrallah «le dernier des hommes libres dans le monde arabe», dixit al Jazeera, se sont retournés comme par enchantement. Même l'imam de Doha, Youcef Qaradhaoui, rentré dans un délire dangereux s'est mis à fustiger le parti libanais dans des appels à la haine dignes des temps immémoriaux. En fait avoir cru que le Hezbollah allait attendre que le régime syrien s'effondre sans réagir c'était faire preuve d'une naïveté extrême dans l'analyse géopolitique. Il ne faudrait guère oublier que cette tragédie qui se joue aujourd'hui se passe bien au coeur du Proche-Orient. Dans cette région du monde d'autres paramètres, contrairement à l'Egypte et à la Tunisie, entrent en jeu, et y mettent de leur influence. Le Hezbollah a remplacé les anciens mouvements marxistes de résistance des années 80. Et l'existence même de ce mouvement de résistance est le résultat d'une grande agression qui dure depuis plus de soixante années dans cette explosive partie du monde. Celle de l'occupation des terres de tout un peuple que l'on voudrait estomper et qu'on a tendance à passer à un second plan aujourd'hui. Au tout début de la guerre civile syrienne, le mouvement libanais a défendu la nécessité de la réforme en Syrie. A condition d'éviter l'intrusion étrangère. Mais dans une tragédie syrienne où l'opposition a été très rapidement prise en main par des bailleurs de fonds et d'armes intéressés, l'équation a changé. Au Liban, les adversaires du Hezbollah ont vu dans la chute du régime syrien un affaiblissement du mouvement. Ces courants libanais hostiles au Hezbollah (l'affaire du tribunal international est éloquente en ce cas) sont, en général, très liés aux intérêts étrangers. Après avoir débuté en mouvement de protestation la tragédie syrienne a vite viré en crise géopolitique. Les flux d'aides en armes vers la rébellion syrienne se sont rapidement organisés sur le sol même du Liban. Avec cette perspective dangereuse : faire tomber le régime à Damas est le moyen le plus sûr d'affaiblir le Hezbollah et, éventuellement, de s'en débarrasser. La retenue du Hezbollah devenait donc intenable devant la montée des périls. En décidant d'aller en Syrie, le Hezbollah a le sentiment de défendre sa propre survie. Et la permanence de la Résistance, dans un monde arabe qui a, depuis longtemps, vendu la cause. M. B.