Arrivé hier à Alger pour une visite de travail de deux jours, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a prononcé un discours devant les députés de l'Assemblée populaire nationale (APN). Dans son intervention d'une trentaine de minutes, le Premier ministre a surpris l'assistance en remerciant l'Algérie pour son soutien dans la crise syrienne, laissant entendre que l'Algérie partage la position turque sur cette question. Juste avant Recep Tayyip Erdogan a dit «nous soutenons le peuple syrien qui aspire à la démocratie. Notre pays accueille actuellement plus de 300 000 réfugiés […]. Les crimes commis par Bachar al-Assad ont dépassé de loin ceux commis par son père. Nous ne pouvons pas pardonner et il payera le prix de ses actes tôt ou tard». Il faut dire que la position algérienne sur la crise syrienne a toujours été claire. L'Algérie a de tout temps prôné la non ingérence dans les affaires internes d'un pays souverain. D'ailleurs, dans son discours distribué à la presse à l'occasion de la visite officielle du Premier ministre turc, Abdelmalek Sellal a souligné que cette visite permettra d'aborder «dans le détail un certain nombre de questions régionales et internationales d'intérêt commun, étant donné que l'espace euroméditerranéen connaît de grands bouleversements», ajoutant «ces situations de crise exigent un maintien permanent de la concertation et de dialogue entre tous les pays de la région, et ce, dans le but de favoriser les processus inclusifs de réconciliation nationale. La concertation et le dialogue doivent se faire sans toutefois interférer dans les affaires internes des nations souveraines et dans le respect de la légalité internationale». Les questions économiques ont pris la part du lion dans le discours du Premier ministre turc. Ce dernier a affiché son souhait de supprimer le visa entre les deux pays «nous voulons que le visa soit supprimé entre nos deux pays. Nous devrions entamer des discussions à ce propos. La Turquie a supprimé les visas d'entrée pour 70 pays, pourquoi pas l'Algérie ?». La suppression des visas d'entrée entre l'Algérie et la Turquie va, a-t-il dit, encourager les échanges entre les deux pays notamment dans le domaine touristique. Il a annoncé à ce propos qu'il a discuté avec son homologue, Abdelmalek Sellal, afin que le nombre de vols entre l'Algérie et la Turquie soit revu à la hausse pour passer d'un vol quotidien à trois vols. M. Erdogan a commencé par un retour sur l'histoire partagée par l'Algérie et la Turquie depuis plus de trois siècles pour affirmer les liens «solides et fraternels» qui lient les deux peuples. Il a ensuite souligné la croissance enregistrée par l'Algérie, «un pays riche et important dont nous suivons le développement. Un pays leader qui participe à solutionner les crises et avec lequel nous avons une relation bien particulière». Tayyip Erdogan a fini par évoquer la crise économique mondiale pour démontrer, chiffres à l'appui, que la Turquie n'a pas subi les affres de cette crise. «La Turquie a été classée 6e économie de l'Europe et 16e dans le monde […]. L'inflation est passée de 30 à 6% et les dettes ont chuté de 63 à 14% […]» a cité, entre autres indicateurs de bonne santé économique, le Premier ministre turc. Une manière subtile de «vendre» le partenariat avec son pays. Il quantifiera même son souhait de voir la croissance des échanges avec l'Algérie : «Nous visons à atteindre les 10 milliards de dollars d'échanges entre nos deux pays.» Dans le même sillage, M. Erdogan invitera les hommes d'affaires turcs à venir investir en Algérie. D'ailleurs, «nous allons inaugurer demain (aujourd'hui ndlr) une usine de sidérurgie et lancer les travaux d'une deuxième unité dont l'investissement est de 750 millions de dollars», dira le Premier ministre turc. Sur un autre volet, celui de la lutte contre le terrorisme, le Premier ministre turc a tenu à condamner l'attentat de Tiguentourine avant d'affirmer «le terrorisme est un fléau transfrontalier et c'est dans notre intérêt de renforcer la collaboration dans ce domaine. Le protocole d'accord signé le 7 mai dernier entre nos deux pays sur le plan sécuritaire va nous servir de plateforme pour conforter notre coopération». Le Premier ministre turc qui a entamé son périple maghrébin par le Maroc avant d'arriver hier à Alger, accompagné d'une forte délégation de 200 chefs d'entreprises de son pays, se rend aujourd'hui à Oran en compagnie d'Abdelmalek Sellal. M. Erdogan assistera à l'inauguration de l'aciérie du groupe turc Tosyali, sise à Bethioua et le lancement des travaux d'une deuxième unité. Le groupe turc envisage de construire une troisième usine toujours à Oran. Rappelons enfin que la Turquie a été classée 8e client de l'Algérie en 2012 avec 3,04 milliards de dollars et son 7e fournisseur avec un montant de 1,78 milliard de dollars, selon les chiffres des Douanes algériennes. Les Turcs cherchent à renforcer leur présence sur le marché algérien et à décrocher davantage de contrats dans notamment le BTP et le textile. H. Y.