L'eau recouvrait la presque totalité de la terre il y a quatre milliards d'années. Et c'est naturellement dans l'eau que prirent naissance les premières formes de vie. Ces premières cellules vivantes amorcèrent leur transformation il y a six cents millions d'années, pour former au fil du temps une diversité inimaginable d'animaux et de végétaux, qui, eux-mêmes, sont constitués majoritairement d'eau. Convaincus du caractère renouvelable de l'eau, les êtres humains l'ont exploitée de façon immodérée, et ce, particulièrement depuis la révolution industrielle, à l'aube du 20e siècle. Il a fallu attendre la Conférence de Rio, en 1992, pour que la communauté internationale prenne conscience que l'eau douce est rare. L'intense pollution dont elle est victime couplée à la vitesse de son extraction, autrement plus rapide que son renouvellement, un peu partout sur la planète font que cette ressource est aujourd'hui considérée comme étant épuisable. Malgré cette prise de conscience à l'échelle internationale, la consommation d'eau dans le monde a quadruplé au cours des dix dernières années. Selon les experts, «toutes les conditions sont réunies pour une crise mondiale de l'eau. Pénurie et pollution menacent, si l'humanité poursuit sur la voie de son modèle actuel de développement». Actuellement, 1,2 milliard de personnes dans le monde n'ont toujours pas un accès convenable à l'eau potable, et les eaux usées de 2,4 milliards de personnes ne sont pas évacuées par un réseau d'égouts pour être traitées et épurées. Selon les experts de l'ONU, il faudrait 11 milliards de dollars, annuellement, pendant dix ans, pour rendre l'eau potable et l'assainir à l'échelle planétaire. Sachant que les revenus annuels mondiaux s'élèvent à 45 000 milliards de dollars et que, sur cette somme, 1 000 milliards de dollars sont consacrés chaque année à l'armement, le montant nécessaire pour un accès universel à l'eau potable et à l'assainissement ne paraît plus aussi considérable. Onze milliards de dollars ne représentent, en fait, que 1% des 289 plus importantes fortunes de la planète. Mais le monde ne raisonne écolo que lorsque ce raisonnement coïncide avec les intérêts. L'homme semble découvrir aujourd'hui que ses dotations en eau sur terre sont géographiquement très variables. Certaines régions sont très riches en eau, alors que d'autres en manquent cruellement. Souvent, les eaux disponibles, en surface ou en sous-sol, traversent plusieurs pays voisins. Un passage naturel synonyme de répartition inégale. La mauvaise utilisation par les uns ou les autres, gaspillées ou polluées, les eaux sont la cause de rivalités aussi vieille que l'humanité. La terre compte 263 grands bassins hydrographiques internationaux, selon l'Unesco, dont 155 sont partagés entre deux pays, 36 entre trois pays et 23 entre un nombre de pays pouvant atteindre 12. Ainsi, près de 40% de la population mondiale vit présentement dans un bassin versant commun à plus d'un pays. Donc, de nombreux pays utilisent une eau provenant d'une source à l'extérieur de leurs frontières politiques. Dans la plupart des conflits, ce sont les Etats en amont qui, par une appropriation exclusive des ressources en eau, alimentent la discorde. Deux principes opposés de gestion des ressources en eau sont revendiqués par les pays en cause. Les pays en amont soutiennent le principe de souveraineté territoriale absolue, c'est-à-dire que les Etats sont les seuls propriétaires des ressources en eau superficielles et souterraines se trouvant à l'intérieur de leurs frontières, tandis que les pays en aval défendent le principe d'intégrité territoriale absolue, qui consiste à reconnaître au pays en aval le droit de bénéficier d'une portée naturelle continue et non diminuée des cours d'eau se trouvant dans d'autres pays. Le prélèvement excessif ou la mise en place d'un barrage dans un pays en amont constituent dans bien des cas les prémisses d'une discorde. Du partage de l'eau entre tribus voisines jusqu'au partage entre pays, la problématique de l'eau a poussé à des guerres régionales. Outre le fait d'être la source de la vie, l'eau est bien un élément conflictuel au même titre que le sont encore la terre ou le pétrole. Dans ce dossier on tentera de cerner les problématiques de l'eau d'abord dans la région du Maghreb notamment pour l'Algérie, la crise que connait aujourd'hui, la région des Grands Lacs avec en pointe le problème du Nil et enfin, la latente crise de l'eau au Moyen-Orient. M. S.