Il est évident que la suspension du mouvement de grève dans le secteur de la santé publique, effective depuis deux jours, a rassuré un tant soit peu les milliers de malades dont les soins ont été, de fait, ajournés à cause du débrayage. Il a ainsi suffi que le ministère lâche une intention de dialogue pour que le mouvement soit suspendu. Il ne faut pas cependant crier victoire ou la fin d'un conflit social. Car, à l'évidence, le gel de la grève ne signifie pas qu'une solution a été trouvée à un vrai problème posé par des organisations syndicales qui ont paralysé des établissements de santé publique. Il n'y a pas eu vraiment de solutions dans le sens où les réponses n'ont pas été apportées aux revendications des praticiens de la santé publique. Même si les revendications sont reconnues légitimes par les tutelles concernées, la réponse qu'on leur réserve participe souvent au renforcement du pourrissement. Le secteur de la santé ne va pas s'apaiser dans la durée, il vivra, au mieux, une accalmie éphémère. Les syndicats, qui formulent manifestement de très anciennes revendications, l'ont bien compris en maintenant d'autres formes de contestation. C'est une manière de dire que les vraies questions posées n'ont eu droit qu'à de faux remèdes et autres mesurettes. Ça serait donc de la naïveté que de miser sur une pacification du front social si les autorités ne se débarrassent pas de cette culture de fuite en avant. La persistance des mouvements de grève est incontestablement révélatrice de l'échec de l'administration, qui ne cherche jamais une solution aux problèmes posés par les grévistes. La hiérarchie des objectifs de nos ministres semble très claire : il est plus aisé de pousser les syndicalistes au gel de la grève que de s'efforcer à trouver des solutions pérennes aux revendications antérieurement formulées. La décision des syndicats de la santé publique de suspendre la grève ne traduit pas uniquement le sens de la responsabilité des organisations qui observent une halte pour mieux voir. Elle traduit aussi l'inertie qui a atteint nos institutions incapables de mener un dialogue sérieux, responsable et fructueux. En recourant à la menace contre les médecins grévistes, les pouvoirs publics montraient plutôt un génie maléfique à programmer de futures colères sociales alors que leur mission consiste à anticiper sur ce genre de situation. Le credo qui dit que «gouverner, c'est prévoir», aura du mal à se faire une place dans la gouvernance de nos dirigeants. Ces derniers préfèrent maintenir irrésolus de vrais problèmes pour servir de fausse solutions. A. Y.