Après 4 mois de grève illimitée, jalonnée par plusieurs actions, notamment des rassemblements à travers le territoire national, les praticiens de la santé publique ont repris le travail non sans maintenir la pression, programmant le retour aux manifestations de rue pour l'aboutissement de leur plateforme de revendications. Si le gel de la grève est consenti «sous la menace de révocation et autres poursuites judiciaires», pour les uns, «pour mieux rebondir, selon les praticiens qui renoueront d'ailleurs avec les rassemblements dès le 3 avril prochain, le vaste mouvement auquel ont adhéré plus de 30 000 médecins a néanmoins le mérite d'avoir soulevé «les tares» de la politique sanitaire et les problèmes dans lesquels se débat le secteur depuis des lustres. Même s'ils reconnaissent que l'Etat a investi dans le secteur de la santé, les deux syndicats déplorent que «l'investissement massif dans les équipements et les structures se fasse au détriment des ressources humaines, sans lesquelles le secteur de la santé publique ne peut être pleinement fonctionnel». Les revendications socioprofessionnelles des praticiens sont reconnues légitimes y compris par les pouvoirs publics mais les réponses qui leur ont été réservées sont loin de répondre aux exigences des médecins qui n'avaient d'autre choix que de recourir à la grève pour se faire entendre. Devant le mutisme de la tutelle, qui a fermé les portes du dialogue pendant longtemps, les deux syndicats en grève ouverte, avec cependant un service minimum largement assuré, ont tapé à d'autres portes dans l'espoir de voir la crise du moins résolue, sinon atténuée. C'est ainsi qu'en plus des demandes d'audiences multiples introduites auprès de la tutelle, de la chefferie du gouvernement et de la présidence de la République, les syndicats ont été reçus par la commission de la santé et des affaires sociales de l'APN, ainsi que par les groupes parlementaires du RCD, du PT et du FLN notamment. Le statut particulier, pomme de discorde Aucune avancée notable si ce n'est des promesses. Point principal de la plateforme de revendication des médecins, le statut particulier a été finalement promulgué fin novembre dernier. Loin de les satisfaire, les praticiens dénoncent le fait qu'il ne corresponde pas à la mouture négociée en commission mixte le 30 novembre 2008 et demandent son amendement, en plus de la mise en place d'une commission mixte pour le régime indemnitaire, l'application du décret exécutif n°09-244 du 22 juillet 2009 déterminant l'aménagement et la répartition des horaires de travail à l'intérieur de la semaine dans le secteur de la Fonction publique ainsi que l'élargissement, au profit du praticien généraliste, du droit à la procédure de cessibilité pour le logement de fonction, à l'instar des autres corps de la Fonction publique. La grève battant son plein, le ministère de la santé a rappelé les syndicats, après un silence «assourdissant» à la table des négociations. Point de solutions malgré quelques réunions qui ont abouti à des PV de non- conciliation. Les syndicats ont alors multiplié leurs actions qui allaient crescendo. Des rassemblements devant la tutelle, la chefferie du gouvernement et la présidence de la République, souvent violemment réprimés, ont été organisés. L'espoir de sortie de crise est venue du côté d'El Mouradia où les syndicats ont enfin été reçus par des représentants de la présidence. Alors que commençait une ébauche de solution, les médecins ont été surpris des décisions de la tutelle qu'ils ont ouvertement dénoncées avant de reprendre le travail «sous la menace». 4 mois de grève pour rien ? Les 4 mois de grève n'ont, tout compte fait, abouti à rien sur ce plan, notent-ils, tout en dénonçant «les méthodes de la tutelle en totale négation du droit syndical consacré par la constitution, les lois algériennes et les conventions internationales ratifiées». Ils estiment que «le semblant de dialogue engagé» ne sert en définitive «qu'à exiger des partenaires sociaux de se ranger à leur diktat sinon de subir des mesures répressives et coercitives». Une attitude selon eux annonciatrice d'une velléité de remise en cause de ces acquis. «Preuve en est le recours systématique à des décisions de justice pour empêcher les mouvements de contestation déclenchés en total respect des lois», écrivent les syndicats dans le communiqué commun sanctionnant le gel de la grève. La détermination dont ont fait preuve les praticiens de la santé publique n'est pas selon eux, «pour fléchir sous et malgré les coups de Jarnac des autorités, qui à défaut de compétence et de volonté à régler les problèmes de fond posés par notre mouvement de contestation recourent à la solution de facilité que constitue l'usage systématique de la répression juridique, policière et administrative». Loin de s'avouer vaincus, les praticiens renoueront avec la contestation dès le mois prochain. «Il n'est de batailles de perdues que celles qui ne sont pas menées et les causes justes finissent inéluctablement par triompher», conclut le communiqué de l'intersyndicale. C'est le retour au point de départ qui s'annonce d'ores et déjà.