La Commission européenne a proposé, hier, de créer un organisme chargé de renflouer ou de liquider les banques en situation de faillite mais faute de moyens financiers, la capacité d'intervention de cette nouvelle autorité risque de rester limitée pendant plusieurs années. Appelée à travailler en collaboration avec la Banque centrale européenne (BCE), la nouvelle entité doit constituer le deuxième pilier du projet d'«union bancaire», priorité affichée de l'Union européenne face à la crise. Si les 28 Etats membres donnent leur aval au projet, cet organisme verra le jour en 2015 et aura finalement les moyens d'imposer des pertes aux actionnaires et créanciers obligataires non prioritaires des banques concernées. Mais la nouvelle autorité sera handicapée par le fait qu'elle devra attendre des années avant de disposer d'un fonds capable de payer les coûts de liquidation : en pratique, cela pourrait l'empêcher d'ordonner la fermeture de tel ou tel établissement en grande difficulté. Le projet de la CE prévoit de solliciter les banques pour doter la nouvelle institution de 55 à 70 milliards d'euros, ce qui devrait prendre une dizaine d'années, laissant dans l'intervalle l'autorité largement dépendant des mécanismes d'aide nationaux. «Nous avons pu constater à quelle vitesse les crises bancaires sont susceptibles de se propager à travers les frontières et de faire ainsi plonger la confiance dans une spirale négative à travers toute la zone euro», a dit le commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, Michel Barnier. «Nous avons besoin d'un système permettant de prendre des décisions rapidement et efficacement, sans qu'il y ait de doutes quant à l'impact sur les finances publiques, et avec des règles apportant une sécurité au marché.» La CE n'a pas sollicité non plus le Mécanisme européen de stabilité (MES) pour être garant financier de la nouvelle autorité et ceci, ajouté à son manque de ressources originel, sape l'un des objectifs majeurs de l'union bancaire : rompre le cercle vicieux («doom loop») qui lie banques et Etats en difficulté financière. Toute initiative visant à mettre en place ce genre de «filet de sécurité» s'est heurtée à la résistance de l'Allemagne, qui craint de se retrouver dans une position où elle aurait à supporter le coût du renflouement des banques espagnoles, ou d'un autre pays de la zone euro, lorsque la BCE commencera à superviser le secteur l'an prochain. Le porte-parole du gouvernement allemand a ainsi déclaré mercredi que la création de la nouvelle autorité reviendrait à doter la Commission de pouvoirs que ne prévoient pas les traités européens, ce qui retarderait l'Union bancaire. «Nous pensons que la proposition de la Commission européenne bloquerait le cheminement vers l'union bancaire au lieu de l'accélérer», a-t-il dit. En outre, dans le projet de la CE, l'autorité de résolution ne pourra en aucun cas imposer aux Etats membres des décisions qui contraindraient leurs contribuables à mettre la main à la poche, une limitation de ses pouvoirs critiquée par certains observateurs. «Le gros problème est que sans accès définitif aux ressources budgétaires, ce sera très difficile d'aboutir à un consensus en vue de fermer une banque», observe Guntram Wolff, du cercle de réflexion bruxellois Bruegel. Scepticisme dont se fait l'écho Sven Giegold, un parlementaire européen de nationalité allemande. «Il faut voir derrière tout cela une alliance contre-nature entre l'Allemagne, qui ne veut pas entendre parler de responsabilité commune (pour les banques) avant les élections, et la France, pour qui la souveraineté est sacrée», a-t-il dit. Certains responsables de l'UE tablent sur un assouplissement de la position de Berlin après les élections de septembre, mais Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, a rappelé mardi dernier que l'Allemagne n'était pas la seule à exprimer des réticences. «Il est facile de se cacher derrière l'Allemagne [...]. C'est un groupe de pays, pas seulement l'Allemagne», a-t-il souligné en faisant allusion aux Pays-Bas, à la Finlande, la Slovaquie ou encore l'Estonie. Dans la pratique, si l'une des 6 000 banques de la zone euro était en grande difficulté, la BCE informerait le conseil d'administration de l'autorité, qui déciderait alors s'il y a lieu de sauver l'établissement ou de le fermer. Reuters