L'Europe a une nouvelle fois été appelée, avant-hier, à muscler sa réponse à la crise de la dette qui l'afflige, le Fonds monétaire international demandant notamment plus d'actions de la part de la Banque centrale européenne. Selon le FMI, la BCE est en effet le seul acteur suffisamment fort pour "effrayer" les marchés financiers. L'Allemagne, tout comme plusieurs hauts responsables de la BCE elle-même, n'ont toutefois guère envie de voir l'institution de Francfort s'impliquer davantage dans le soutien à la Grèce et aux autres pays en difficulté. Mais après le plongeon des marchés lié à la crainte d'une contagion de la crise grecque, la pression devient très forte sur les décideurs européens. "La BCE est le seul agent capable d'effrayer les marchés", a commenté Antonio Borges, directeur du département Europe au sein du FMI, lors du rassemblement des responsables économiques et financiers mondiaux à Washington. La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a rencontré dans l'après-midi le ministre grec des Finances, Evangelos Venizelos. A l'issue de cette rencontre, le FMI a déclaré que ses émissaires allaient retourner à Athènes, peut-être dès cette semaine, pour évaluer les progrès réalisés. Venizelos a reconnu, avant-hier, que la faiblesse de l'administration grecque avait compliqué les efforts du pays, et assuré que son gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour répondre aux attentes des créanciers. "Faire tout ce qui sera nécessaire pour remplir nos obligations envers nos partenaires, la zone euro et le FMI: telle est la décision finale et irrévocable de la Grèce", a-t-il déclaré. "La Grèce ressent l'incertitude internationale, mais la Grèce n'est le bouc émissaire ni de la zone euro, ni de l'économie mondiale. La Grèce est et sera toujours un membre de l'Union européenne et de la zone euro", a-t-il ajouté. Impliquer la BCE ? L'Union européenne et le FMI sont déjà venus au secours de la Grèce, mais aussi de l'Irlande et du Portugal. Les autorités veulent éviter que l'Italie et l'Espagne n'aient à leur tour besoin d'aide. De l'avis d'Antonio Borges, il est essentiel de combiner la force de frappe de la BCE à celle du Fonds européen de stabilité financière, doté de 440 milliards d'euros et chargé de verser les aides aux pays en difficulté. Mais plusieurs responsables européens se sont opposés à cette solution. "Une avalanche de nouvelles propositions, chaque semaine, cela n'est d'aucune aide", a ainsi balayé Ewald Nowotny, l'un des membres du directoire de la BCE. Les marchés craignent une propagation de la crise grecque. Selon les estimations des analystes financiers, 2 000 milliards d'euros au moins seraient nécessaires dans le FESF pour protéger l'Italie et l'Espagne dans ce cas de figure. Modèle américain De son côté, le directeur général du FESF, Klaus Regling, a jugé qu'il ne serait probablement pas nécessaire de mettre la BCE à contribution. "Il existe de sérieuses inquiétudes sur la compatibilité avec la BCE, parce que cela pourrait ne pas être conforme avec son interdiction de financement des marchés. Je pense donc qu'il est très improbable que cela ait lieu", a-t-il déclaré. Un haut responsable de la BCE a quant à lui indiqué que l'Europe pourrait suivre l'exemple des Etats-Unis, qui avaient réécrit leurs règles financières lors de la crise de 2007-2009. Lorenzo Bini Smaghi, également membre du directoire de la BCE, a évoqué la possibilité d'un équivalent européen au programme TARP, qui avait renfloué le système bancaire, ou au programme TALF, qui avait injecté des liquidités sur un marché du crédit complètement asséché. "Je pense que ces deux scénarios peuvent être suivis, et que ces deux options peuvent régler le problème", a-t-il dit. Mais malgré les signes que l'Europe s'apprêterait à agir, certains doutent que son intervention soit assez rapide ou assez ambitieuse pour calmer les marchés. "Le risque existe que les marchés soient déçus par l'absence de nouveaux engagements spécifiques de la part des pays de la zone euro", a réagi le ministre suédois des Finances, Anders Borg. "Il est évident qu'ils veulent édifier une cloison étanche, mais il faudra du temps avant de voir les décisions nécessaires se mettre en place." Samedi, le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, avait appelé la BCE à se placer en première ligne de la lutte contre la crise. "La menace de défauts en cascade, de retraits bancaires massifs et spontanés, d'un risque catastrophique, tout cela doit être écarté", avait-il souhaité. Le gouverneur de la Banque centrale brésilienne a abondé dans son sens. "L'expérience du Brésil avec les crises du passé suggère qu'il faut faire face aux problèmes de façon rapide et cohérente. Plus on attend longtemps, plus le risque de contagion et le coût augmente", a affirmé Alexandre Tombini. "Il faut agir avec une force implacable."