Par Reda Cadi La crise n'a pas fini de produire des effets pervers et d'accentuer les déséquilibres au sein des économies libérales mondiales. Pis, par son étendue, elle menace également les partenaires avec lesquels ces économies développées ont établi des connexions, des rapports qui font que la crise peut se répercuter sur ces économies émergentes ou carrément dépendantes, du moins en ce qui concerne certains secteurs. Pour se prémunir de ces sombres perspectives, le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) recommande dans son rapport annuel sur l'Afrique du Nord en 2013 le renforcement de la résilience des économies de ces pays face aux crises qui pourraient menacer leur stabilité économique et sociale, rapporte l'agence PRNewswire Africa. A ce propos la BAD insiste sur la nécessité de privilégier le développement inclusif, en réponse aux difficultés socio-économiques (crise alimentaire, crise financière, crise de la dette dans la zone euro, printemps arabes) qui ont déstabilisé la région ces dernières années. La vulnérabilité face à une crise est le produit de facteurs «structurels» ou «induits», juge le rapport, qui estime que l'aptitude d'un pays à y faire face dépend, en grande partie, de sa «capacité d'adaptation», c'est-à-dire de son accès aux ressources et de leur contrôle, en période de turbulence. En l'absence d'une forte capacité d'adaptation, les fragilités structurelles d'un pays peuvent produire des vulnérabilités induites, qui rendent l'économie sensible aux répercussions d'une crise éventuelle. Analysant l'interaction des récentes crises, la BAD souligne la lenteur des réponses qu'ont apportées les gouvernements d'Afrique du Nord à la crise alimentaire de 2007, et le fait qu'elles aient mal ciblé les populations les plus durement touchées par la flambée des prix des produits alimentaires. Par ailleurs, les mesures prises n'ont pu être facilement levées une fois que les prix ont commencé à baisser. Les vulnérabilités induites -une plus grande sensibilité aux fluctuations des prix internationaux, des transferts et investissements financiers- ont toutes été renforcées durant cette période de crise alimentaire mondiale. Au plan macroéconomique, les pays d'Afrique du Nord ont toutefois relativement bien résisté à la crise financière internationale de 2009 qui a cependant eu des effets néfastes au niveau microéconomique. Grâce à la marge budgétaire créée avant la crise, les pays nord-africains ont été en mesure de mettre en œuvre des politiques budgétaires anticycliques. Or, les mesures adoptées contre la crise - qui sont en réalité une simple extension de celles prises contre la crise alimentaire mondiale-, n'ont fait qu'aggraver les vulnérabilités induites. Le printemps arabe survenu en 2011 a contraint les gouvernements d'Afrique du Nord à se montrer plus attentifs aux besoins des plus démunis et des chômeurs. Mais, mal ciblées, les politiques publiques ont continué de bénéficier essentiellement aux plus nantis, accentuant ainsi les inégalités et les vulnérabilités induites. Analyse et constat faits, le rapport formule une série de recommandations visant à promouvoir la croissance résiliente à court et moyen terme. Pour renforcer la capacité d'adaptation, il plaide pour la rationalisation en matière monétaire et budgétaire, la révision des politiques et programmes sociaux afin qu'ils bénéficient aux ménages démunis et vulnérables, la réforme des systèmes éducatifs et la restauration de la confiance et de l'inclusion. Pour réduire la vulnérabilité systémique, le rapport préconise de diversifier les partenaires commerciaux et financiers, d'investir dans l'agriculture et les sources d'énergie alternatives, et de favoriser le développement des PME locales. Pour développer les moteurs de la croissance et que celle-ci soit plus largement répartie, le rapport recommande de maintenir le processus de libéralisation du commerce et de privatisation, et promouvoir la diversification sectorielle afin de favoriser une croissance économique à grande échelle, tout en mettant en place des mesures permettant d'atténuer les risques associés à l'intégration mondiale. Le rapport de la BAD se focalise sur deux thèmes stratégiques pour le renforcement de la croissance résiliente en Afrique du Nord : la consolidation de la sécurité alimentaire et la promotion de l'intégration régionale. Les pays d'Afrique du Nord dépendent fortement des importations alimentaires pour répondre à la demande intérieure. Pour améliorer la sécurité alimentaire, tant à l'échelle nationale qu'au niveau des ménages, il s'agira d'optimiser l'accès aux denrées alimentaires via une meilleure intégration aux marchés mondiaux et l'augmentation du crédit et des moyens financiers pour les petits agriculteurs. La BAD préconise également la réforme du système de protection sociale, en renonçant, notamment, aux subventions universelles des denrées alimentaires et du carburant, pour leur préférer des subventions plus ciblées. S'agissant de l'intégration régionale en Afrique du Nord, le rapport recommande la suppression des mesures non tarifaires,l'amélioration de la logistique et du commerce transfrontaliers, la réduction du coût des infrastructures (notamment dans les transports et les TIC) et le renforcement du rôle du secteur privé. Ces recommandations, si elles sont accompagnées d'une harmonisation des politiques et procédures relatives à l'investissement et à la mobilité de la main-d'œuvre, devraient contribuer à l'amélioration de l'intégration régionale, qui permettra aux économies de la région de mieux se préserver des effets des crises économiques et financières mondiales. R. C.