Au mois de mai 2012, une première fois et au mois de juin de la même année, la Tribune évoquait le drame des personnes atteintes du cancer et plus particulièrement de leurs difficultés à accéder aux radicaux traitements de radio et chimiothérapie au niveau du CHU Constantine. Bon nombre d'entre eux décédant en raison du temps, voire de la période d'attente pour pouvoir en bénéficier. Une attente qui pouvait aller jusqu'à 18 mois pour des malades, passez-nous l'expression, ayant déjà un pied dans la tombe à cause d'un traitement médicamenteux lui également défaillant. Sans qu'ils n'aient eu à l'avouer ou du moins à assumer officiellement, certains médecins ont parfois jugé plus opportun sinon rationnel d'essayer de traiter en priorité les enfants et les jeunes par rapport aux personnes âgées et dont la pathologie flirtait assez souvent avec l'irréversibilité du processus. La professeure Djemaa, chef de service s'est même emportée et fait des déclarations tonitruantes lors de colloques scientifiques n'hésitant pas à pointer du doigt l'inertie des pouvoirs publics sanitaires et à évoquer «une mort en silence» qui survenait quasi quotidiennement dans l'indifférence totale. Le tapage médiatique qui s'en est suivi et pour une fois est resté étalé dans le temps avait contraint d'abord les responsables du centre hospitalo-universitaire à sortir de leur hibernation et le déplacement en urgence et surtout inopiné du ministre Djamel Ould Abbès en l'occurrence ministre de la Santé à l'époque. Bien entendu, il y a eu énormément de brassage d'air lors de ce déplacement, des engagements pris et surtout des instructions données lesquelles, certes, ne sont pas restées sans effets dans la mesure où la machine administrative s'était enfin ébranlée. D'autant plus que tous les blocages l'étaient (administratifs), à commencer par des équipements commandés auprès d'un fournisseur américain depuis 2008 et qui étaient en souffrance au port de Skikda depuis plus de six mois après avoir mis du temps à être matérialisé en raison de procédures bancaires qui changeaient à chaque fois au moment où l'administration sanitaire avançait à un train de sénateur jusqu'à ce qu'intervienne à chaque fois de nouveaux textes remettant en cause l'opération. Par ailleurs, in-situ au CHU, les travaux de réalisation du nouveau centre anti-cancer n'avançaient pas au motif que les honoraires de l'architecte ayant réalisé l'étude n'avaient pas été honorés et que les feuilles d'attachements relatives à l'avancement des travaux réalisés par l'entreprise retenue dans le cadre d'un appel d'offres demeuraient également en souffrance. Le déplacement du ministre consistait d'ailleurs, entre autres, à mettre à plat toutes ces difficultés. Il en donnera instruction de vive voix au wali qui était à ses côtés lequel, bien entendu, donnera toutes les assurances aux deux opérateurs techniques cités auparavant. Quelques jours plus tard tout semble bouger et les procédures permettant de retirer du port de Skikda trois accélérateurs sont menées tambour battant tandis que l'entreprise de réalisation décide de reprendre son activité et les déclarations qui découleront de cette soudaine harmonie consisteront à souligner que le nouveau centre anti-cancer sera opérationnel au plus tard en janvier 2013 alors que les premiers concernés à savoir professeurs, médecins et personnel paramédical sont moins optimistes annonçant à qui veut les croire que cela ne sera pas le cas. Ils ont eu raison, au mois de juillet 2013, le centre n'est toujours pas entré en activité. «Les malades continuent de mourir», ironisera un médecin au moment où un autre surenchérira en faisant littéralement dans l'humour noir : «Les pauvres ont tort de tomber malades et surtout du cancer. Il arrive aux riches d'être atteints du cancer mais eux, au moins, ils disposent de ces 10 000 euros qui leur permettent de suivre un bon traitement en Tunisie, Turquie ou Roumanie.» Quid alors de tous ceux qui ne réunissent pas ces conditions ? «Ils sont contraints d'attendre que les accélérateurs entrent en exploitation. A mon sens, au moins un le sera d'ici le mois de septembre mais les deux autres c'est nettement moins évident sachant que pour des raisons administratives, encore le rapatriement des sources des deux Cobalts, ne se fera pas dans un proche avenir», conclut la chef de service qui tiendra à préciser «…sauf ceux qui peuvent recourir à des interventions qui leur permettraient de bénéficier de radiothérapie à Ouargla quoique même là-bas le temps d'attente est devenu phénoménal». Enfin, l'histoire étant un éternel recommencement, l'entreprise en charge de la réalisation du CAC a plié armes et bagages et s'est retirée du projet pour non respect des clauses contractuelles du contrat avec le secteur. Cette rupture a conduit à l'établissement d'un autre appel d'offres à l'intention de nouveaux prestataires. Ce qui est normal pour un pays qui devrait avoir au minimum 70 centres du genre alors qu'il n'en existe que sept sur tout le territoire. En ce qui le concerne la pathologie continue inexorablement d'avancer pour les 8 000 malades de la région Est du pays. Nous avons tenté de prendre attache, seulement par acquis de conscience et pour rien d'autre, avec le directeur du CHU impossible à joindre, au même titre que le directeur de la communication qui en début d'après-midi n'avait toujours pas rejoint son bureau. Il était sans doute trop pris par ses émissions radios sur la chaîne locale. A. L.