De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Seuls 10% des cancéreux bronchiques subissent des actes chirurgicaux. Le reste, c'est-à-dire l'écrasante majorité, doit se contenter d'une prise en charge se résumant beaucoup plus à un traitement palliatif. Et pour cause, du moins quant à l'est du pays : l'inexistence de service de chirurgie thoracique, qui est le maillon faible, caractéristique pour la prise en charge de ce type de pathologie, outre les carences enregistrées dans les plateaux techniques (radiothérapie et chimiothérapie). Ces éclairages livrés par le professeur Filali, médecin chef d'oncologie au CHU Benbadis, viennent lever le voile à nouveau sur les pathologies des cancers et leur suivi médical pas toujours reluisant.Le clinicien, en évoquant la prise en charge, ne dissocie pas les types de cancer, jugeant que les étapes de diagnostic, de traitement, de chirurgie renvoient à une suite logique. A ce propos, il tire la sonnette d'alarme et reste réaliste : «On ne peut pas venir à bout de cette pathologie si les ressources demeurent faibles. Médecins généralistes, spécialistes, pneumo-phtisiologues devraient être plus que disponibles tant par l'acte que par le savoir. Sans omettre le plateau technique appelé à être conforté, voire remplacé en radiothérapie.»Dans un autre chapitre, notre interlocuteur mettra l'accent sur le délai entre le diagnostic et l'entrée en action de la prise en charge. Ces insuffisances font qu'environ 80% des malades se présentent à un stade métastatique. Dès lors, seul le traitement palliatif est actionné. «Tout l'Est algérien ne dispose pas de service de chirurgie thoracique. Et la seule fibroscopie disponible au CHU ne peut couvrir toute la demande», indique le Pr. Filali et d'ajouter : «Les patients sont opérés à la capitale et viennent assurer leur prise en charge en radiothérapie à Constantine. Mais nos machines de traitement sont obsolètes…» Toujours en matière de traitement, le médecin avoue qu'il existe des thérapies ciblées. Cependant, pour pouvoir les pratiquer en Algérie, il faudra d'abord trouver une place dans un centre d'examen. «Ces molécules nécessitent des tests préalables. Malheureusement, on ne les fait pas…» soutiendra-t-il encore.Une centaine de malades par an sont orientés vers le CAC de Constantine pour se faire soigner du cancer bronchique. Le rush demeure incessant. «Le problème se situe dans la réalisation des centres anticancer programmés à Batna, à Annaba, à Sétif», estime le professeur. Ainsi, même la mise en service de l'hôpital Didouche Mourad rétrocédé il y a plus de deux mois au civil, ne pourra solutionner la problématique relative à la prise en charge des cancéreux quand il s'agit de leur assurer des séances de radiothérapie et de chimiothérapie.Pour déplorable qu'elle soitcette situation est toutefois réaliste. Didouche Mourad est, certes, une structure supplémentaire acquise, mais elle est insuffisante au vu du nombre de malades nécessitant une prise en charge. «Si on veut rendre service aux malades, il est nécessaire de les rapprocher des centres de traitement», dira le médecin. Se focaliser sur cette structure et mettre en veilleuse les projets qui traînent, dont le plus en retard est situé à Annaba, n'arrangera guère la situation. Le centre de Annaba date de 1999…et n'a pas encore vu le jour. Au même chapitre, il faut savoir que le ministre de la Santé a promis de nouveaux outils, mais les procédures purement administratives ralentiraient l'acquisition, à en croire des sources hospitalières. La nouvelle radiothérapie tarde à alléger la souffrance des patients des 17 wilayas de l'Est qui attendent, … et rentrent souvent bredouilles en raison de la surcharge dans le service et le manque de literie. «C'est dramatique», conclut le professeur. Un drame auquel viennent s'ajouter les multiples tares qui affectent le CAC, dont les insuffisances en matière d'hygiène. Saleté, désordre, état vétuste du pavillon donnent au centre l'air d'un éternel chantier qui n'est pas du tout fait pour recevoir des malades. Ce n'est tout simplement pas un service de traitement ! Le bruit des chignoles retentit dans le service en réhabilitation. On ne s'entend pas parler. Les patients et les patientes admis ont du mal à se faire entendre par le médecin chef dont le bureau est transformé en caisse de résonance. L'homme plus touché par cette maladie La fréquence des cancers bronchiques est élevée chez l'homme. Cela s'explique par la consommation abusive du tabac et l'exposition à d'autres facteurs à risque, dont l'amiante principalement. «Ce type de cancer est un véritable drame. S'il n'est pas diagnostiqué à temps, la partie est jouée d'avance», dira le professeur. L'incidence étant de 17,5 pour 100 000 hommes et beaucoup moins intense chez la femme avec 2,7% pour 100 000. Ces statistiques ont été menées par l'INSP en 2006. Quant à l'enquête nationale de 2002, elle a révélé que 12,3% des cancers se rapportent au cancer des poumons et occupent la troisième place des cancers «femmes et hommes», après celui du sein, du colorectal. Le médecin mettra également en relief l'étude rétrospective élaborée en 2002 ayant permis de diagnostiquer et de suivre la prise en charge de 1 921 cas. Toutefois, durant la même année, on a pu identifier 22 772 nouveaux cas de cancer (tous types confondus). Une appréciation qui reste pour le moins approximative car il est des malades qui sont traités hors circuit hospitalier, donc ils ne sont pas inscrits sur les registres. Toutefois, selon la corporation médicale, les avancées faites en matière de thérapie restent à améliorer. Et ce n'est pas propre uniquement à Constantine ni même à l'Algérie.