La rentrée culturelle de ce mois de septembre, marquée notamment par la manifestation culturelle dédiée à la promotion du livre et de la lecture chez les plus jeunes, donne la part belle à la bande dessinée avec l'organisation d'ateliers dédiés à cet art dans la wilaya de Tizi Ouzou et l'ouverture, demain, de l'exposition permanente intitulée «Algérie 50 ans de bande dessinée», qui sera suivie dès la semaine prochaine par l'ouverture d'une librairie de vente de livres de BD. Ce qui fait la force de cette jeune maison d'édition, créée en 2007, et dont les premiers numéros de la revue Labstore ont été publiés en 2008, c'est d'offrir aux jeunes lecteurs, nourris par les séries de mangas diffusées à la télévision, des livres de BD d'auteurs algériens qui ont su exploiter le graphisme nippon pour offrir une bande dessinée pétrie de référents identitaires algériens. Véritable fer de lance de la promotion de la bande dessinée algérienne, les éditions Z-Link ont relevé le défi de redonner aux jeunes algériens, surtout aux adolescents, le goût de la lecture, avec des super-héros auquel ils peuvent aisément s'identifier. En effet, que cela soit au niveau de la langue, de l'environnement urbain ou du contexte social, les jeunes bédéistes algériens, dont l'âge varie entre la vingtaine et la trentaine, s'attellent, tout en respectant les normes internationales de la BD au niveau de la forme, à algérianiser leurs histoires puisant dans leur vécu et dans l'humour inimitable des jeunes de quartiers. Afin d'illustrer ce concept, il est intéressant de citer une des récentes publications de la maison d'édition dans la collection «Dz-Manga», la nouvelle œuvre d'Amir Cheriti intitulée Roda. Dans un style décalé typiquement algérien, avec une fusion entre l'esprit du Comics, référent des super héros de la bande dessinée américaine, et du manga Japonais, Roda est une immersion dans le monde désœuvré de la jeunesse des bidonvilles. La majorité baisse les bras et sombre dans la délinquance, tandis que de rares exceptions aspirent et luttent contre leur destin pour un avenir meilleur grâce aux études. Entre les deux, il y a Roda, un jeune marqué par le destin tragique de la mort de ses parents dans un accident de voiture et qui est recueilli par son oncle avant de devenir un sans-abri. Pétri de rage contre le destin qui s'acharne contre lui, il devient un justicier des temps modernes, s'attaquant aux bandes de malfaiteurs les plus dangereuses pour défendre les plus faibles. En effet dans le style des flash back, l'auteur fait sans cesse des allers-retours entre le passé et le présent à travers le narrateur, un jeune journaliste qui a réussi grâce à ses études à sortir du ghetto dans lequel il était cloitré et qui a rapidement reconnu l'identité du justicier, un jeune garçon du bidonville, un peu bizarre avec ses lunettes de soudeur, ce qui lui avait valu son sobriquet, mais qui avait changé la vie de beaucoup de personnes. Dans la présentation de l'ouvrage, l'auteur explique à propos du choix de son personnage principal que : «J'ai toujours eu de l'estime pour les outsiders, les excentriques et les marginaux de ce bas monde... Peut-être que les gens imparfaits ne sont en fait que notre propre reflet, qu'on le veuille ou non !» Il a ajouté que «cette bande dessinée est un hommage aux souvenirs d'enfances, aux incompris et à ceux qui nous manquent parce qu'ils ne sont plus la». Créée par Salim Brahimi, surnommé Sayan, en 2007, la première publication de cette jeune maison d'édition, la revue Labstore, apparait sur les étals en 2008, en tant que première édition spécialisée dans la bande dessinée et les mangas. Cette revue dédiée aux jeux vidéo, mangas, BD et cinéma et aux nouvelles technologies en Algérie, est aujourd'hui à son cinquantième numéro. Pour l'anecdote, Labstore est inspirée de la jonction de deux mots en arabe : «laâb» (jeu) et store (qui vient de soutour, c'est-à-dire lignes). Salim Brahimi, directeur des éditions Z-Link s'exprime en ces termes : «Le manga algérien est un type que nous avons, nous-mêmes, créé sous l'appellation DZ-Manga. Nous avons lancé ce genre qui n'existait nulle part ailleurs au Maghreb. Nous avons créé des histoires algériennes avec des scénarios inspirés du quotidien de nos auteurs, des blagues typiquement algériennes, et surtout une vision qui est la nôtre. Le DZ-Manga ne cesse de se développer et de s'améliorer, en termes de qualité. Nous avons trouvé notre lectorat qui ne cesse de demander les suites des tomes que nous éditons.» A travers cette revue, un des principaux objectifs est d'encourager et de publier les premières maquettes de jeunes bédéistes et ensuite apporter le soutien aux meilleurs auteurs à publier leur album dans la collection DZ-Manga. Ce qui vaut à la maison d'édition d'assurer la qualité, autant dans la forme que dans le fond, des différents thèmes abordés. Une qualité qui suscite de plus en plus d'engouement autant chez les jeunes créateurs que chez les lecteurs. Rappelons que cette exigence au niveau de la qualité a été remarquée, cette année, par Musée du manga de Kyoto, qui a acquis des numéros de chaque album édité ainsi que tous les numéros de la revue Labstore, afin qu'ils soient exposés au musée. Toujours dans l'esprit de la promotion de la bande dessinée algérienne et de la découverte des jeunes talents, les éditions Z-Link organisent, jusqu'au 15 septembre prochain dans le cadre du festival local «Lire en fête» à Tizi Ouzou, un atelier de création manga en collaboration avec la direction de la culture de la wilaya. L'objectif de cet atelier, selon les organisateurs est d'encourager les jeunes passionnés de BD à la création de planches illustrées dans un esprit ludique et pédagogique, encadrés par des professionnels du domaine, afin d'encourager les jeunes talents à donner le meilleur d'eux-mêmes, les meilleurs seront primés et feront même peut-être partie du prochain numéro de la revue Labstore. S. B.