La natation est une discipline qui demeure confrontée à des difficultés majeures. La première contrainte pourrait être liée au fait que le nombre de piscines qui existent en Algérie est très minime. C'est la raison pour laquelle peu d'associations se lancent dans cette discipline. Elles sont très rares, en effet, les wilayas qui comptent une piscine. A l'exception des capitales régionales, les populations des autres villes du pays sont dépourvues de ce genre d'infrastructures. Il y a, néanmoins, un autre niveau de blocage que subit la natation. Il s'agit des villes dotées de piscines, mais dont la pratique peine à se généraliser. Une situation qui impose des interrogations. Pourquoi les Algériens ne se rendent-ils pas dans les piscines ? Les associations sportives accomplissent-elles leurs missions vis-à-vis de la population ? Il est vrai que la perception qu'on se fait de la natation a joué un mauvais tour à la discipline. Car, la natation a été considérée pendant longtemps comme un sport de bourgeois. Ce qui élimine de facto les enfants de la plèbe. Il était donc quasiment difficile de voir la pratique de la discipline se généraliser quand les moyens de motivation viennent à manquer. Et la mobilisation peut commencer à partir du discours. Or, il a été de tout temps présenté aux enfants que la piscine est un lieu qui symbolise l'aisance sociale, la richesse… Ce qui n'est pas forcément faux. Devant l'impossibilité de rendre populaire la pratique de la discipline, les responsables de club sportif n'ont jamais été emballés par la structuration de ce genre de sport. On lui préfère naturellement les sports qui mobilisent la foule et qui font brasser beaucoup d'argent. Le nombre de clubs qui comptent aujourd'hui en Algérie une section de natation est insignifiant, malgré les efforts très importants déployés par la fédération nationale. Car, s'il est admis que la promotion et la généralisation d'une discipline est du devoir de la fédération, il n'en demeure pas moins que celle de la natation ne peut faire face à cette demande. Il s'agit, en vérité, de tout un programme national. Il doit porter sur la réalisation de pôles régionaux de la discipline. Mais, à chaque fois que la discipline commence à s'installer dans une région, on assiste à des faits qui provoquent, on ne sait par quelle magie, la dévastation de ce qui se construit depuis plusieurs années. Un tel scénario a été, à titre d'exemple, vécu par les pratiquants de la natation dans la wilaya de Tizi Ouzou avec la dissolution de la section de natation en 2002. Une décision que personne n'arrive jusqu'à présent à expliquer. Mais, il semble que les pouvoirs publics ne sont attentifs qu'aux cris émanant du football. Au sein des assemblées, on ne se soucie guère de la demande juvénile en matière de sport. Résultat de la course : la discipline n'arrive toujours pas à attirer beaucoup de pratiquants. Il convient de rappeler sans cesse, à propos de la pratique de la natation loin des clubs d'élite, la question du rythme de vie des Algériens. Ces derniers font face, en effet, à la vie chère. Dans de telles situations sociales, les parents ne pensent pas à envoyer leurs enfants exercer la natation. Leur souci majeur est d'assurer à leur progéniture pain et école. Le reste est secondaire. En l'absence de canaux et de mécanismes d'organisation de la discipline, ce sont les gens constamment en quête de privilèges qui en profitent. A cet effet, on signale aux alentours des piscines des pratiques de passe-droit qui ouvrent les portes des piscines à des habitués qu'on identifie plus par le poste de leurs parents que par leurs dispositions athlétiques. «Les cartes d'abonnement sont délivrées au compte-gouttes. Cela est une certitude. Mais ceux qui en bénéficient ne sont pas les enfants du peuple. Si votre père n'a pas le bras long, vous n'accéderez pas à la piscine», lance un quinquagénaire, habitant à quelques mètres de la piscine du 1er Mai à Alger. «Pour pratiquer la natation, il vous faudra connaître quelqu'un dans ces établissements. Sinon… », ajoute son copain, qui ne méconnaît pas les vicissitudes du cercle. Des témoignages vont plus loin. Ils évoquent la distribution des cartes d'autorisation sur la base de la fonction du demandeur. Un employé de l'OCO soutient que «des directeurs généraux d'entreprise, des fils de ministres ainsi que d'autres aristocrates sont présents dans les piscines relevant du complexe olympique». Le même témoin soutient que des «journalistes» n'hésitent pas à demander ce privilège auprès de la direction du complexe. On ignore pour le moment la contrepartie. Mais il n'est pas difficile d'imaginer ce qui fait courir ces quêteurs de vérité qui se noient dans le favoritisme. Pour que la discipline sorte la tête de l'eau, il faudrait préalablement éliminer tout favoritisme. C'est le seul moyen d'éviter à la natation une noyade mortelle. A. Y.