Décidée il y a juste trois mois, lors de l'audition consacrée au secteur des finances par le chef de l'Etat, la création d'une société publique d'investissements (SPI) sera effective dès janvier 2009. Le président Bouteflika, dans le souci d'accompagner les investisseurs algériens dans le financement de leurs grands projets, a instruit les responsables concernés de mettre en œuvre un mécanisme pouvant alléger les procédures et surtout aider et faciliter la tâche à ces derniers. Le premier magistrat du pays a, en effet, instruit, voire exigé de Karim Djoudi et de ses services d'engager une réflexion sur la création d'un mécanisme financier national, à travers lequel le Trésor public sera en mesure de mobiliser et de faire fructifier une part importante de l'épargne de l'Etat, en appui au financement de l'investissement économique en Algérie. Chose dite, chose faite. Le ministère des Finances a annoncé, quelques mois après avoir étudié en profondeur la question, qu'une formule a été trouvée. Annoncée par Karim Djoudi lui-même, la création d'une société publique d'investissement prendra la forme d'un fonds d'investissement public. Il s'agit d'un instrument qui permettra aux opérateurs d'accéder aux ressources financières pour financer les projets d'investissement importants. «C'est une société d'investissement qui intervient sous forme de fonds d'investissement», a précisé M. Djoudi, ajoutant que cette nouvelle institution financière sera financée principalement par les ressources qui seront mises à sa disposition par le Trésor public ou empruntées au marché national des capitaux. «Cette société d'investissement, qui va prendre des participations dans des entreprises publiques existantes ou à créer, participera à des montages financiers des projets et œuvrera ainsi au développement de l'économie nationale», explique le premier argentier du pays. Vers la création de banques d'investissement ? En d'autres termes, cette société naîtra à partir de la transformation de la Banque algérienne de développement (BAD) afin qu'elle devienne un instrument financier qui permettra aux opérateurs d'accéder aux ressources pour financer leurs projets d'investissement. Cette société d'investissement prendra des participations dans des entreprises publiques. Quel est le principal but de la création de cette nouvelle instance ? Il s'agit, en termes simples, de profiter rationnellement des liquidités de plusieurs milliards d'euros que possède l'Algérie via ses banques, de ces réserves de changes dont dispose notre pays, ainsi que de très importants capitaux gardés dans le fonds de régulation des recettes (FRR), alors que des investisseurs -les vrais- se plaignent du retard, voire carrément de l'absence du financement des banques publiques. En clair, l'Algérie, dont les réserves de changes s'élèvent à 138 milliards de dollars, conjugués aux ressources du fonds de régulation des recettes (FRR) estimées à 58 milliards de dollars ainsi qu'à l'excès de liquidités des banques de 33 milliards de dollars, a décidé de réserver les ressources financières suffisantes pour assurer le financement des investissements publics pendant plus de deux ans. Cela permettra effectivement de procéder au financement des investissements publics qui s'inscrivent dans le plan quinquennal lancé en 2005, entre autres, les immenses chantiers engagés dans le cadre du développement et de la modernisation des infrastructures de base. «Le pays offre la possibilité aux opérateurs de lever localement les crédits nécessaires, et l'accès à ces financements sera facilité encore davantage par le démarrage dans quelques semaines d'un nouvel organisme national de financement de l'investissement, dossier que le gouvernement est en train de finaliser», a encore rappelé Karim Djoudi, en marge des travaux de l'APN consacrés à l'examen du plan d'action du gouvernement. Les pouvoirs publics ont-ils définitivement opté, à travers ce mécanisme, pour la création des banques d'investissement, qui font largement défaut, faut-il le souligner encore une fois ? A en croire le ministre des Finances, on n'en est pas encore là. M. Djoudi a même indiqué que «ce ne sera pas le cas». Pourquoi ? Mystère et boule de gomme ! Au-delà de l'effet d'annonce, plusieurs économistes de renommée ont tenu à décortiquer ce nouveau-né. Cependant, leurs analyses et commentaires sur ce sujet convergent sur un simple point : une bonne initiative en… retard. Mais, laissent-ils entendre, mieux vaut tard que jamais. Pour l'ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, en se basant sur les chiffres relatifs au taux d'épargne, en ce sens qu'il est passé de 40% en 2003 à 60% en 2008, la création de ce fonds vient à point nommé. «Cette épargne à 77% publique est disponible pour financer l'économie», a suggéré M. Benachenhou lors d'une rencontre organisée dernièrement par le FCE. Les banques commerciales, note un autre expert, sont peu enclines à financer les projets d'investissement. De ce fait, ajoute-t-il, l'initiative de création de la SPI pour éviter désormais que nos grands projets de développement soient pénalisés par des taux d'intérêts bancaires excessifs, ne peut être que bénéfique. Une excellente initiative mais très en retard selon les spécialistes Indiquant qu'une banque d'investissement est une société qui rassemble l'ensemble des activités de conseil, d'intermédiation et d'exécution ayant trait aux opérations dites de haut de bilan (introduction en bourse, émission de dette, fusion...) de grands clients corporates (entreprises, investisseurs...), Abdelhak Lamiri, économiste et consultant international, a regretté, de prime abord, le retard mis par les pouvoirs publics à la création de ce genre d'initiatives. «Ecoutez, c'est une excellente initiative, mais pourquoi ce retard ? Cependant, pour accompagner les investisseurs dans leurs projets, il faut créer non seulement un seul organisme comme le SPI, mais plusieurs banques d'investissement. En l'état actuel des choses, on est obligé de prendre ce chemin, et que des banques à vocation d'investissement contribuent très largement dans le développement de notre économie», analyse-t-il. Pour cet expert, le revers de la médaille réside dans l'environnement économique quasi défavorable pour une réussite optimale de ce projet. «Il faut tout un engineering managérial au sein même des grandes entreprises. Cet organisme doit emboîter le pas à d'autres banques d'investissement, pour que les grandes sociétés et investisseurs n'éprouvent pas, en ce sens, de difficultés. L'objectif d'un tel plan est de se substituer à l'importation», ajoute-t-il plus loin. Aider des entreprises à se substituer à l'importation, en ce sens que diminuer le volume de l'importation, actuellement de 35 milliards de dollars, par le processus de la production, est le véritable challenge, conclut M. Lamiri. S. B.