Photos : Riad De notre envoyé spécial à Ghardaïa Samir Azzoug Plusieurs dizaines de tentes sont alignées à l'extérieur de la bâtisse. A l'intérieur, des box d'à peine neuf mètres carrés, sans toiture, forment un labyrinthe. Le petit palais d'expositions de Bouhraoua à Ghardaïa, accueille depuis plus de trois mois des sinistrés des inondations. Une cinquantaine de familles se partagent l'espace. Promiscuité, froid et manque d'hygiène sont le lot quotidien des sinistrés. «La nuit, il fait très froid. Nous n'avons pas les moyens de nous réchauffer. Les coupures d'électricité sont courantes et, pour apporter une bonbonne de gaz, il faut louer un véhicule ou une motocyclette», témoigne une jeune mère de famille. Blême, les traits tirés et les yeux hagards, la jeune femme originaire de Tiaret ne mâche pas ses mots. «Nous n'avons même pas assez de couvertures. Les conditions d'hygiène sont déplorables. Et puis, les box sont ouverts. Il n'y a pas de porte. Vous savez, la nuit je ne dors pas. Au moindre petit bruit, je sursaute. Tous les gens ici ne sont pas des anges. Il y a beaucoup de personnes mal intentionnées et d'autres de mauvaises mœurs», dénonce-t-elle. Rencontrée la veille de la visite d'inspection du président de la République, la jeune maman espère que cet événement sera l'élément déclencheur pour le relogement des sinistrés dans les chalets prévus à cet effet. Mais les choses ne sont pas aussi simples. Issam, jeune de 27 ans, vice-président d'une association à Ghardaïa, très impliqué dans la prise en charge des sinistrés en servant d'intermédiaire entre les comités de quartier et l'administration locale ne sait plus où donner de la tête. «On rencontre beaucoup de problèmes dans l'établissement des listes des sinistrés. Le travail des agents du CTC n'est pas exempt de tout reproche. En répertoriant les habitations endommagées, dans certains cas, on inscrit sur les listes de bénéficiaires d'indemnisation ou de chalet le nom du locataire et, dans d'autres cas, celui du propriétaire. Parfois, le propriétaire se retrouve démis de ses droits et parfois c'est le locataire qui se retrouve à la rue», explique-t-il. «Les moyens mis en place par l'Etat pour la gestion du sinistre sont très importants. Mais c'est l'organisation qui a fait défaut. On n'a pas assez associé les forces locales dans les opérations de prise en charge. Pourtant, Ghardaïa est une région qui a sa propre organisation. Il y a les comités de quartier qui sont structurés, les partis politiques ont leurs adhérents… Il aurait suffi de les impliquer dans la gestion. Car ils connaissent mieux les habitants de la ville. Cela aurait rendu plus efficace l'élaboration des listes des sinistrés et contribué à démasquer les faux sinistrés et autres opportunistes», regrette M. Baroud, mouhafedh FLN de Ghardaïa. «Notre wilaya présente un certain nombre de particularités. Elle est multiple. Plusieurs tendances politiques, sociales, culturelles et cultuelles se côtoient et vivent en équilibre. Il est impératif de connaître toutes ces données pour ménager les sensibilités et éviter les tensions. D'ailleurs, notre parti qui réunit toutes les tendances, sans distinction, (une restructuration du parti a été opérée dernièrement et des rapprochements avec les différentes factions politiques, notamment avec le FFS –parti d'opposition- réalisés) fait passer la raison sociale et sécuritaire avant la raison politique. On a beaucoup d'adhérents très actifs. On aurait pu apporter une aide significative à l'administration. Malheureusement, on a été écartés», poursuit-il. «Je ne sais pas si je vais avoir droit à un chalet», s'interroge un quadragénaire debout, le teint gris, le regard perçant, rongé par le doute et la poussière, rencontré sur le site du complexe sportif de Bouhraoua. «Les critères changent tout le temps. Parfois, on nous informe que les inscrits en orange 3 bénéficieront des chalets. D'autres fois, qu'ils ont été écartés des listes. Parfois, on nous dit que les locataires n'auront rien. D'autres fois encore, que ce sont les propriétaires qui n'auront pas de chalets. On ne sait plus qui croire ni que penser», déprime-t-il. «Le malaise est profond. Il y a de véritables sinistrés qui ne figurent pas sur les listes et ne trouvent pas le moyen d'être inscrits. Ils sont ballottés d'un bureau à un autre. Ce sont généralement des gens qui n'ont pas accepté de se rendre en famille dans les camps de sinistrés. Ils ont été hébergés chez leurs proches ou amis. En fin de compte, ils se retrouvent sans domicile et non répertoriés», explique Issam. Lors de sa tournée à Ghardaïa, le président de la République a remis symboliquement des clefs de chalets à quelques dizaines de bénéficiaires. Au jour d'aujourd'hui, le relogement temporaire dans les chalets n'a pas encore commencé. Aux dernières nouvelles, trois listes de 70 personnes ont été arrêtées au niveau de la daïra de Ghardaïa, jouissant ainsi de décision d'attribution de chalets au niveau de Oued Néchou (à une vingtaine de kilomètres du centre-ville). Jeudi dernier, le wali de Ghardaïa a réuni les élus et représentants des associations pour débloquer la situation et discuter de tous les problèmes dans le but de trouver les solutions adéquates. En marge de la visite présidentielle, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales assurait que tous les sinistrés seront relogés. Rappelons que 45 milliards de dinars ont été débloqués par l'Etat pour la gestion des effets induits par les inondations du 1er octobre. 1 587 aides à la location ont été débloquées par la CNL (57 millions de dinars). 6 335 dossiers ont bénéficié de la première tranche d'aide destinée à la réhabilitation des logements pour un montant de 595 millions de dinars. 2 725 chalets ont été construits. Un programme de construction de 2 000 logements sociaux locatifs et de 3 000 logements ruraux sont inscrits au profit des sinistrés. Selon des indiscrétions, d'autres enquêtes seront opérées après le relogement dans les chalets et avant le relogement final pour distinguer les vrais sinistrés des opportunistes.