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Après Mansouri, Kourichi et Guendouz : Bensaoula dit ses vérités
Publié dans Le Buteur le 16 - 02 - 2009

- «Après le Mondial-82, on a été très mal accueillis»
- «Même tardifs, les aveux de Shumacher nous réconfortent»
En plus du fait qu'il était l'un des buteurs les plus connus dans l'histoire de la balle ronde algérienne en participant à deux phases finales de Coupe du monde, Tedj Bensaoula a aussi connu l'EN en qualité d'entraîneur-adjoint en travaillant avec son ancien coéquipier, Rabah Madjer. Ce qui fait de lui l'une des personnes les mieux introduites dans le monde des Verts. Mais c'est avec beaucoup de diplomatie et sans pour autant verser dans la polémique que l'ancien baroudeur de la sélection algérienne a répondu à nos questions. Maîtrisant également la langue française à l'instar du ballon dans la surface de vérité, Bensaoula nous a facilité la tâche pour la réalisation de cet entretien.
On suppose tout d'abord que vous êtes au courant des aveux de Schumacher qui a présenté lors de la remise du Ballon d'Or El Heddaf Le Buteur ses excuses aux Algériens, suite à la combine du RFA-Autriche. Quelle est votre réaction, après cette sortie médiatique de l'ancien portier de la Mannschaft ?
Je pense que c'est tout à son honneur. Quelqu'un qui reconnaît après tant d'années avoir triché sur le dos de notre Equipe nationale est déjà une reconnaissance pour notre génération. C'est dire que la vérité a rattrapé le passé. Je ne peux que saluer cet aveu de Schumacher. Je pense que la FIFA devrait aussi prendre en considération ces excuses pour éviter tout complot ou magouille contre une quelconque équipe.
Un de vos anciens coéquipiers, Kourichi, trouve que les aveux de Schumacher sont venus un peu tard pour que vous les acceptiez. Qu'en dites-vous ?
Dans un sens oui, car cela fait presque 27 ans que cela s'est passé. C'est vrai que cela ne va pas changer grand-chose puisque la Coupe du monde fait partie du passé et que l'aventure de notre équipe s'était arrêtée au premier tour. Alors qu'on devait passer haut la main ce premier obstacle.
Schumacher a même demandé à jouer un match revanche entre les deux sélections. Cela vous emballe-t-il ?
Je préfère parler des retrouvailles plutôt que d'un match revanche, car on n'a plus les mêmes jambes de l'époque. Il y a ceux qui sont malades et ceux qui sont mêmes décédés. Mais je suis partant pour un match des retrouvailles pour essayer de passer l'éponge sur ce qui est considéré comme une tâche dans l'histoire de la Coupe du monde.
Si on revenait en arrière, vous auriez aimé passer ce premier tour ou diriez-vous que c'est mieux ainsi, puisque cette affaire nous a fait entrer dans l'histoire ?
C'est un grand acquis pour l'Algérie d'avoir poussé la FIFA à revoir sa copie en matière de programmation. Mais franchement, j'aurais aimé qu'on passe ce premier tout pour savoir jusqu'où on pouvait aller. Dans les deux cas de figure, on avait tout à gagner. On avait un avantage psychologique après ce succès face à l'Allemagne. Et puis rencontrer des sélections plus huppées nous aurait motivés davantage. On aurait pu rencontrer par exemple la France. .
Selon vous, quel tour pouvait atteindre cette sélection, si elle s'était qualifiée ?
A mon avis, on n'aurait jamais pu passer le deuxième tour. Je vais vous dire pourquoi. Tout d'abord, il y avait quelques problèmes avec certains joueurs qui n'ont pas été alignés lors des trois premiers matches et le climat devenait de plus en plus tendu. Les entraîneurs se sentaient sur un siège éjectable. La preuve, depuis ce Mondial, nous n'avons plus revu Khalef qui a disparu de la circulation. Lorsqu'on est rentrés au pays, on nous a froidement accueillis. Seul le chef du protocole, Abdelmadjid Allahoum était à notre accueil. Nous nous sentions vraiment frustrés.
Malgré l'expérience acquise en Espagne, l'Equipe nationale n'a pas eu le même rendement au Mexique, pourtant c'était pratiquement la même composante qui a pris part au Mondial 82 …
Au Mexique, l'ossature de l'équipe était, certes, la même, mais il n'y avait pas un groupe soudé comme en Espagne, car la faute incombait au staff technique qui n'a pas su faire la part des choses. C'était beaucoup plus l'anarchie qui y régnait. Il n'y avait plus de respect entre les joueurs et le staff technique. Un moment donné, j'ai demandé à ne pas jouer, car le climat n'était pas du tout sain. La preuve, on a fini en catastrophe en concédant une défaite humiliante de trois à zéro face à l'Espagne. Les joueurs faisaient ce qu'ils voulaient sur le terrain. Il n'y avait ni discipline dans le jeu ni maîtrise collective.
Donc Saâdane n'avait pas la maîtrise du groupe ?
Bon, Saâdane avait son caractère et son tempérament. C'est un homme beaucoup plus pédagogue qu'autre chose. Saâdane n'était pas autoritaire, les choses s'envenimaient et l'anarchie s'est installée.
Votre ancien coéquipier, Guendouz, est allé un peu loin en révélant que c'était Cherif Messaâdia qui avait établi la liste des joueurs devant prendre part au Mondial du Mexique. Le confirmez-vous ?
Je pense que les déclarations de Guendouz n'engagent que sa personne. Je ne peux ni confirmer ni infirmer cette information. Mais ce que je peux dire, si c'était vraiment le cas, le staff technique de l‘époque n'avait alors qu'à plier bagage avant le Mondial.
Avez-vous senti qu'il y avait du piston dans l'air avant le départ pour le Mexique ?
Ça oui, je le reconnais. Belloumi et moi-même étions dans le viseur. On nous a mis à rude épreuve. La concurrence à laquelle on a été soumis n'était pas du tout loyale. Mais grâce à nos qualités, personne ne pouvait nous chiper notre place à ce Mondial. On avait fait appel durant les éliminatoires plusieurs éléments qui évoluent à notre poste, pas pour les mettre à l'essai, mais c'était surtout pour nous intimider. Mais on était forts de caractère vu notre expérience. Mais une fois arrivés au Mexique, on était dégoûtés par le climat et le laisser-aller qui régnait dans ce groupe. Personnellement comme je l'ai dit, je n'avais pas du tout envie de jouer.
Même sur le plan personnel, vous n'avez pas beaucoup joué durant ce Mondial ?
J'ai joué contre le Brésil une mi-temps et je me suis retiré. Il n'y avait pas cette ambiance qui donne envie de jouer. Il y avait de l'égoïsme de la part de certains joueurs. Je dirai même qu'il y avait trois groupes. Les professionnels qui évoluent en Europe, les locaux et nous Madjer, Assad, Menad et moi qui étions entre le marteau et l'enclume. C'est l'image négative que je garderai toujours de ce Mondial.
Au retour du Mondial, aviez-vous vraiment senti que cette participation allait être la dernière de l'EN ?
Oui, parce qu'il y avait des gens qui ont accaparé l'équipe et qui n'avaient rien à voir avec le football. On a senti que l'Algérie n'allait plus relever la tête. On a bien fait de tirer notre révérence après ce Mondial.
Avant le Mondial justement, vous étiez malade (hépatite). Comment avez-vous trouvé les ressources physique et morale pour revenir à la sélection et prendre part à la Coupe du monde 82 ?
J'ai contracté une hépatite virale au Mali et m'a éloigné des terrains pendant presque huit mois. J'ai pu revenir à deux mois seulement de la Coupe du monde dans les meilleures conditions possibles. Lorsque j'ai commencé à retrouver mon niveau surtout le chemin des filets, il y a eu le décès de mon père. J'ai eu deux sacrés coups. Donc l'année 82 ne représente pas pour moi que des bons souvenirs. Malgré cela, j'ai pu me surpasser et prendre part à cette Coupe du monde.
Ne pensez-vous pas que c'est le triplé réalisé face au Maroc qui vous a garanti une place dans cette fameuse équipe de 82, car l'on voit mal actuellement un joueur se remettre de deux coups durs…
Je pense en toute modestie que je faisais partie d'un groupe où il y avait une très bonne complémentarité avec les Assad, Belloumi, Fergani, Madjer, Kouici, Merzekane et j'en passe. Donc, on avait nos repères, on jouait presque les yeux fermés. On formait aussi une grande famille avant ce Mondial 82. Je crois que cette équipe représente pour moi les meilleurs souvenirs de ma carrière footballistique.
Après une carrière de joueur en EN, vous avez connu les Verts aussi comme technicien en travaillant avec Madjer. Comment qualifierez-vous ces deux passages, comme entraîneur national ?
J'ai travaillé deux fois avec Madjer et ça s'était bien passé, du moment qu'il existait entre nous une complicité sur le terrain depuis qu'on était joueurs. Même en tant que techniciens, on avait presque la même vision des choses. On avait apporté notre propre philosophie. Mais cette réussite, notamment en 2002, a sans aucun doute gêné certaines parties qui nous ont mis des bâtons dans les roues. Je trouve que le départ de Madjer a été un véritable gâchis. Tout le monde se souvient de notre dernier match que nous avons disputé à Bruxelles contre la Belgique qui s'est terminé sur un score nul de zéro partout. Si j'ai une bonne mémoire, une semaine ou deux après ce match, cette même sélection de la Belgique était allée battre la France championne du monde en titre à Paris même. Je suis toujours fier du travail accompli, car à la lecture de la composante de l'équipe de l'époque, vous trouverez qu'il y avait un certain équilibre entre les locaux et les professionnels. Il y avait de bons signes qui auguraient du bon pour cette EN. Malheureusement, on a tout saboté.
Pour ce qui est de l'actuelle Equipe nationale, ne trouvez-vous pas qu'elle est en train de s'améliorer puisque nous avons une belle opportunité pour au moins renouer avec la CAN ?
Comment peut-on parler d'amélioration, alors que nous ne faisons qu' appeler les joueurs professionnels ? C'est le droit le plus absolu de Sâadane qui pense avoir fait appel aux meilleurs. Personnellement, je suis désolé pour nos locaux même si parfois quelques-uns font leur apparition. Mais je pense qu'il faudra équilibrer les choses, sachant que notre public aime les joueurs du cru. Cela devra aussi motiver nos locaux afin de garder l'espoir de porter un jour le maillot national.
Ça vous fait quoi de voir le staff technique algérien et même les membres de la fédération courir derrière les professionnels pour venir jouer pour cette Equipe nationale ?
Eh ben, les temps ont changé. Je vais vous faire un aveu. A l'époque, il suffisait qu'on reçoive un télégramme ou un télex pour qu'on prenne nos sacs et rejoindre le pays. Je parle de mes copains qui évoluaient à l'étranger comme Madjer, Kourichi, Mansouri, Menad et moi-même. Dès qu'on nous sollicitait pour n'importe quel match, même amical, on répondait présents. Autre chose aussi, quand on venait ici en Algérie pour des stages ou des matches amicaux, nos clubs opéraient à des retenues sur salaires. Jamais la fédération n'a pensé un seul instant à nous rembourser. Mais pour nous, c'était des sacrifices qu'on faisait avec plaisir, car il s'agissait des couleurs nationales. Voilà toute la différence.
Mais notre championnat ne produit plus de joueurs…
Si notre championnat n'arrive pas à décoller, il faut voir ce qui entoure notre football. Est-ce que nous avons affaire à de vrais gens du métier, d'anciens joueurs, de bons managers ou des joueurs qui sont passés par les différentes catégories ou les différentes équipes nationales ? Je ne le pense pas. Tout est à revoir. Il faut penser à restructurer notre football. Il faut commencer par le haut et aussi au niveau de nos clubs. Maintenant, n'importe qui peut diriger notre football, même un voyou, car on ne contrôle plus rien ni la gestion encore moins les finances.
A votre avis, à combien estimez-vous les chances de cette Equipe nationale de se qualifier à la Coupe du Monde et la Coupe d'Afrique ?
Pour la Coupe d'Afrique, je me montre très optimiste, car je pense que nous avons toutes les chances d'assurer un des trois billets pour la phase finale. Mais pour la Coupe du monde, je crois que ça va être très serré, mais les Verts doivent croire en leurs chances. Si on arrive à se qualifier pour les deux compétitions, ce sera un véritable exploit pour notre football. D'ailleurs, c'est tout le mal que je leur souhaite.
Vous étiez prof de français avant de laisser tomber votre profession pour le football. Cela vous a au moins servi dans votre carrière de footballeur, n'est-ce pas ?
- J'ai enseigné conjointement le français et l'anglais. Cette modeste connaissance en langue étrangère m'a beaucoup servi durant ma carrière de footballeur. J'ai souvent servi d'interprète au niveau des aéroports et des ambassades anglophones. Je participais même à des réunions techniques. Mes coéquipiers m'ont souvent sollicité en cas de difficultés en matière de communication avec des anglophones, car la plupart d'entre eux maîtrisaient surtout la langue française.
Entretien réalisé par
Amine Lamri


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