«Je ne jouerai jamais en Egypte même si on m'offre des milliards» Ziaya, un attaquant turbo diesel L'équation était aussi complexe que simplette : Ziaya par-ci, Ziaya par-là, Ziaya partout, mais Ziaya nulle part dans la sélection. Le nom du buteur de l'ES Sétif a été tellement susurré, murmuré, cité, colporté, martelé et répété que même ceux qui ne l'ont jamais vu jouer - et ils sont nombreux au sein de la sélection - ne cachent pas leur curiosité de découvrir ce buteur qui a le mérite de faire l'unanimité en Algérie au milieu de la grisaille d'un championnat – osons le mot - médiocre. Serrar l'a déniché en 3e division en clamant : «Dans 3 ans, il jouera en France» En fait, c'est qui Abdelmalik Ziaya ? Tout simplement un Faouzi Chaouchi en joueur de champ, mais que les circonstances n'ont pas servi rapidement comme ce fut le cas pour l'ancien gardien de but de la JS Kabylie. Tout comme Chaouchi, Ziaya faisait des misères dans les divisions inférieures. Avec l'ES Guelma, club au passé glorieux, mais au présent laborieux, il alignait but sur but en Régionale 1 (4e division), puis en Interrégions (3e division), terminant la saison 2004-2005 avec un total de 20 réalisations. Informé du talent de ce buteur, Abdelhakim Serrar, président de l'Entente, l'a supervisé et a décidé de le recruter durant l'été 2005. Un joueur de la Division interrégions à l'ESS ? Les sceptiques avaient fait la fine bouche, mais Serrar, sûr de lui, avait publiquement annoncé : «Dans trois ans, Ziaya jouera en France.» Il s'est trompé sur le nombre d'années, mais pas sur le talent du joueur. Un seul carburant, la confiance Peut-être que les Ziaya ont l'instinct du but dans leurs gênes (Abdelmalik a eu un frère avant-centre au MOC, décédé au milieu des années 90), mais il est certain que l'attaquant de l'ESS n'est pas du tout maladroit dans la surface de réparation. Il a besoin seulement d'un seul facteur, un seul ingrédient : la confiance. C'est le manque de confiance en soi qui a fait qu'il se révèle à un haut niveau un peu sur le tard (il bouclera ses 26 ans le 23 janvier prochain, en pleine CAN). D'abord stérile durant sa première saison avec l'Entente (aucun but durant la saison 2005-2006 malgré plusieurs passes décisives délivrées et une incroyable poisse lors d'un mémorable match contre le CRB qui l'avait vu mettre trois balles sur les poteaux), il a commencé à marquer à partir de la saison suivante. Cela tombait bien puisque c'était la saison du titre de champion d'Algérie pour l'ESS. 22 buts en 5 mois ! On croyait qu'il avait vraiment pris son envol, mais voilà qu'un manque de confiance manifesté par une frange de supporters à son égard lui a fait perdre pied et l'a amené à boycotter le club durant près de deux mois. Voilà la vraie raison de l'affirmation tardive de Ziaya : une fragilité mentale qui lui fait perdre ses moyens et la confiance en soi au moindre couac. Cette saison, il semble être plus costaud dans sa tête puisque, depuis le mois de juillet, il a inscrit pas moins de 22 buts pour l'ESS, toutes compétitions confondues, dont 15 uniquement en Coupe de la CAF, ce qui en fait le meilleur buteur de cette compétition. 22 buts en 5 mois, donc en une demi-saison, il y a longtemps que cela ne s'était pas vu en Algérie ! Tel un moteur turbo diesel, il a pris le temps de bien «chauffer» avant d'écraser la concurrence. Cela explique que Rabah Saâdane a été si souvent tarabusté par les journalistes des différents organes sur l'opportunité de sa convocation en sélection. Le sélectionneur national, qui connaît très bien le joueur et ses qualités pour avoir été entraîneur de l'ESS il y a deux ans et demi, savait donc quand convoquer le joueur et comment l'utiliser. Ziaya-Bensaoula, destins croisés L'émergence remarquable et remarquée de Abdelmalik Ziaya cette saison n'est pas sans rappeler celle d'un avant-centre des années glorieuses du football algérien : Tedj Bensaoula. Ils ont plusieurs points communs : tous deux se sont révélés relativement sur le tard, tous deux sont plutôt effacés médiatiquement, tous deux jouent comme avants de pointe purs, tous deux ont dû faire face à une concurrence féroce à leur poste du fait de la présence de talents confirmés (cela n'avait pas été simple pour Bensaoula de s'imposer face aux Redouane Guemri, Nacer Guedioura, Djamel Zidane et autres Abdesslam Bousri) et tous deux ont étrenné leurs débuts en sélection à l'occasion d'une phase finale de la Coupe d'Afrique des nations. Bensaoula a eu carrière une internationale pleine avec une participation à la Coupe du monde, plusieurs à la CAN et une carrière professionnelle en France, au Havre plus exactement. On espère le même et même mieux pour Ziaya. F. A-S. ------------------- «Sochaux a exigé ma disponibilité durant la CAN, j'ai dit non !» Après un long silence, Abdelmalek Ziaya a choisi Le Buteur pour dire ses vérités. Et lorsqu'il s'y met, chaque mot qu'il prononce est emprunt de sincérité. Il n'avait pas besoin de nous raconter sa vie pour remplir l'espace ci-contre. Sa convocation pour le prochain stage des Verts et ses négociations avec le FC Sochaux auraient contenté à en faire un pavé ! Ces vérités, Ziaya, nous les raconte dans l'entretien qui suit. C'est passionnant et sincère. C'est tout chaud… Appréciez ! * Vous vous êtes abstenu de tout commentaire à la presse ces derniers temps. Peut-on connaître la raison ? J'étais sous pression. Il y avait beaucoup de bruit au tour de moi. Les gens parlaient beaucoup. Il y avait aussi l'affaire de mon transfert à l'étranger, ma probable sélection chez les A. Autant de faits qui m'ont poussé à rester un peu dans mon coin. Je lisais, j'écoutais ce qui se disait à mon sujet… mais j'ai préféré ne rien dire. * Pourquoi avoir décidé de parler maintenant et pas après ? Je ne pouvais pas vous dire non ! (rires). * Merci pour cette marque de confiance, c'est très aimable à vous… Tout le plaisir est pour moi. * Commençons par le commencement. Comment avez-vous accueilli la nouvelle de votre convocation au prochain stage de la sélection ? J'étais tout naturellement heureux de cette convocation. C'est quand même un honneur de faire partie de cette sélection. Je ne pouvais espérer mieux pour la nouvelle année qui commence. Que du bonheur ! * Que représente pour vous cette convocation ? Le top ! C'est le but suprême de tout joueur ambitieux. Pour moi, c'est la consécration d'une saison riche. J'ai beaucoup bossé pour atteindre ce niveau. Maintenant, je peux tirer une petite fierté, un peu légitimement, si puis-je dire. * Tout le monde a soutenu votre sélection chez les A. Sincèrement, vous y avez cru, vous ? Je ne vais pas me mettre à me la péter maintenant que j'y suis ! Je suis de nature modeste et je préfère sincèrement rester comme tel. Je reviens à ce que je vous ai dit à l'instant, à savoir que j'ai bossé tel un forcené pour en arriver là. Le sélectionneur était là. Il a vu et il a jugé. Sa confiance est là pour prouver, si besoin est, que cette sélection, je la mérite. Car, je ne pense pas qu'il m'ait pris pour mes beaux yeux ! * Cela vous faisait quoi d'entendre des monstres du football algérien, tels Fergani, Belloumi, Menad, pour ne citer que ceux-là, encourager votre sélection ? Que du bonheur ! J'ai lu tout ce qui a été dit à mon encontre et je tiens à dire que je suis tout aussi fier de leur confiance que de cette sélection. Lorsque cela vient de monstres, comme vous dites, du football national, on ne peut qu'en être heureux. Ça m'a fait réchauffer le cœur, vraiment, lorsque j'ai lu toutes ces marques de confiance. Dans mon cas, j'en avais vraiment besoin. Et pour cela, je leur dis, à tous, merci ! * Cette convocation tombe-t-elle à point nommé pour vous ? Oui ! Oui ! Pour moi, le sélectionneur a bien choisi le moment. Je vis une situation faste en club. Je marque régulièrement. Je pense que je n'ai jamais été aussi rentable que ce mois-ci. Je me sens en pleine forme. J'espère apporter cette dynamique en sélection. * N'avez-vous pas fini par perdre espoir ou du moins de vous lasser de trop attendre une convocation qui n'est jamais venue face à la Zambie, le Rwanda et l'Egypte ? Jamais. Je m'en remettais à chaque fois à la prochaine occasion. Je me disais que le coach à ses raisons. Et c'est vrai ! Dans le contexte précédent, le sélectionneur avait opté plus pour la stabilité. Vu les rendez-vous qui se présentaient, le groupe avait plus besoin de solidarité que les anciens pouvaient plus apporter que moi. Dans mon cas, quoi qu'il arrive, j'aurais eu besoin de temps pour prendre mes repères et prouver ma valeur. Hors, à ce moment-là, la sélection avait besoin de réaction, de joueurs prêts à aller se battre, sans passer par l'épreuve de bizutage ni d'adaptation qu'un joueur dans mon cas revendiquera. * Vous avez marqué trois doublés en trois matches. Ces six buts ont sans doute pesé dans le choix du sélectionneur de vous faire appel ? Sans doute. Je ne pense pas que le sélectionneur m'ait fait appel pour mes exploits passés. Si je suis là, c'est qu'il a vu que je suis en superforme et que je peux toujours apporter quelque chose dans l'immédiat. * Vous allez prendre la place de Rafik Djabbour, écarté pour des raisons que le sélectionneur va expliquer. Cela vous fait quoi de prendre la place d'un joueur qui s'est battu lors des éliminatoires ? Je ne vois pas les choses sous cet angle. Je ne me dis pas que j'irai en sélection pour prendre la place d'Untel ou d'Untel autre. Ça ne fonctionne pas comme ça. Si je suis en sélection, c'est qu'on a besoin de moi. Il y a un sélectionneur en place, qui juge et qui décide. Il m'a adressé une convocation et j'y serai tout heureux. Je ne vais pas rougir parce que quelqu'un d'autre a été sacrifié. J'aurais aimé que Djebbour soit là. Il a apporté sa contribution à la sélection. C'est un garçon dont on m'a dit beaucoup de bien. Je lui souhaite de réussir. * Vous ferez office de bleu lors du prochain stage, pensez-vous pouvoir vous intégrer facilement dans le groupe ? Je l'espère. En tout cas, de ce côté, je pars tranquille car beaucoup de paramètres me laissent penser que mon intégration se fera rapidement. * Peut-on les connaître ? On m'a dit que du bien du groupe. On m'a parlé d'une grande solidarité entre les joueurs au point qu'ils forment une famille. Cela me réconforte. Et puis, je connais déjà certains, à l'image de Raho, Lemmouchia, Laïfaoui et Chaouchi que je côtoie tous les jours à Sétif. S'ils se sont intégrés facilement, je pense pouvoir en faire de même. Franchement, je pars l'esprit tranquille, de ce côté-là. On m'a beaucoup parlé de l'ambiance qui règne au sein de la sélection au point où j'ai hâte d'y être. * Vous n'êtes pas sans savoir que le facteur intégration est déterminant sachant que le staff technique pourra faire appel à vous dès le premier match de la CAN face au Malawi… J'en suis tout à fait conscient. Seulement, le dernier mot revient au staff technique. Cela dit, soyez-en certains, je ferai de mon mieux pour être à la hauteur des attentes de tout le monde. * Vous avez déjà évolué sous les ordres de Rabah Saâdane à l'Entente. Quels genres de rapports entreteniez-vous ? Nos rapports étaient bons. Je garde de lui une bonne impression. A Sétif, nous avions réalisé une fin de saison extraordinaire avec, entre autres, le titre de champion arabe. Je serai tout heureux de retravailler sous ses ordres. C'est clair… * Cette connaissance devrait vous aider à vous intégrer, non ? Sans aucun doute. Le coach me connaît bien. Il connaît ma façon de jouer, mes forces et mes faiblesses. Je ne pense pas qu'il aura besoin de temps pour me connaître davantage puisqu'il sait déjà tout ce qu'il doit savoir à mon sujet. Oui, c'est un avantage. * Votre convocation en sélection coïncide avec l'offre du FC Sochaux. Comment gérez-vous cette situation ? C'est dur. Très dur même. Ça m'a quelque peu usé mentalement. D'un côté, je piaffais d'envie d'aller en sélection, d'un autre, il y a le rêve de décrocher un contrat pro qui commence à se concrétiser. Entre temps, il y a eu beaucoup de rebondissements. Le soir, on me parle d'une vérité, le lendemain, on m'évoque une autre… Là, on me demande de faire des sacrifices, c'est dur… * Vous parlez sans doute des conditions du FC Sochaux pour vous faire signer un contrat, non ? Exact. On me demande de faire un choix entre signer à Sochaux ou aller à la CAN. Si soit l'un ou l'autre. J'ai discuté avec M. Lacombe et il m'a assuré qu'il était très intéressé par mes services. Il m'a même proposé de signer maintenant, mais à condition de ne pas accepter de jouer à la CAN. * Et qu'avez-vous décidé ? J'ai dit non ! Je ne peux quand même pas tourner le dos à la sélection, maintenant que mon rêve est en passe de se réaliser ! Je ne peux pas décliner cette convocation. Ça ne se fait pas . * Mais vous rendez-vous compte que c'est votre avenir qui est en jeu ? Tout à fait. Je suis conscient de ce que je fais. Je sais qu'avec Sochaux, il y a là une belle opportunité de passer un autre cap. C'est un contrat très intéressant, mais la sélection, c'est tout autre chose. Je ne peux pas dire non. * Donc, vous dites non à Sochaux et oui à la sélection, c'est ça ? Vous avez bien saisi. Je préfère aller à la CAN. C'est un rêve que je veux réaliser. Concernant Sochaux, tout sera clair ce vendredi. Mon frère et le président Serrar rencontreront les dirigeants de ce club à Tunis. On verra bien ce qu'il en sera. * Aller à la CAN et signer à Sochaux, ce serait l'idéal pour vous, non ? Et comment ! C'est tout ce que je souhaite. Je ne peux pas dire non à la sélection. J'espère que les dirigeants de Sochaux le comprendront. Tout n'est pas perdu. Je ne désespère pas de voir les deux parties parvenir à un accord. * Que feriez-vous dans le cas où Sochaux n'accepterait pas vos conditions de jouer la CAN ? Ne précipitons pas les choses. On en n'est pas encore là. Attendons d'abord de voir ce qui se décidera lors de la réunion de ce vendredi en marge de la finale retour de la Coupe nord-africaine. Mais quoi qu'il arrive, je ne lâche pas la sélection. Je suis encore jeune. J'ai tout mon avenir devant moi. * A part Sochaux, avez-vous reçu d'autres offres ? J'en ai reçu plusieurs, dont deux émanant de clubs du Golfe. Al Nasr et Al Ittihad en l'occurrence. Mais le contrat proposé par Sochaux est le plus emballant. Je privilégie l'aspect sportif. * Qu'en est-il de celles des clubs égyptiens ? En effet, il y avait eu des contacts avec deux clubs. Al Zamalek et Al Masry. Les offres financières de ces deux clubs sont astronomiques, mais je les ai déclinées pour les raisons que tout le monde connaît. * On dit que Rabah Saâdane a demandé à Serrar de reporter votre transfert à l'été prochain pour vous permettre de vous épanouir encore plus à la CAN et au Mondial, est-ce vrai ? En toute franchise, je ne suis pas au courant. Personne ne m'a parlé de ça. Quoi qu'il en soit, ma position, tout le monde la connaît. Ma priorité va à la sélection. Si Sochaux accepte, tant mieux, sinon au revoir et merci ! * Vous avez connu une ascension fulgurante ces cinq dernières années. Vous attendiez-vous franchement à autant de réussite, maintenant que vous avez tout gagné en club et que vous vous apprêtez à honorer votre première sélection ? El Hamdoulah ! Les prières de mes parents m'ont accompagné tout au long de mon cursus. Aujourd'hui, Dieu merci, je suis sur le point de voir tous mes rêves se réaliser. Je ne peux que remercier Dieu pour tout ce bonheur et persévérer dans cette voie. Je ne suis qu'au tout début du chemin. Je n'oublie pas que j'ai encore beaucoup à prouver. * Vous avez disputé un match en Angola en Coupe de la CAF avec l'Entente récemment, comment étaient les conditions de jeu là-bas ? Elles étaient bonnes. Dans l'ensemble, ça s'est très bien passé. J'imagine qu'il y aura de belles pelouses à la CAN. Ça fera nos affaires. Après, nous avons des joueurs assez expérimentés comme Raho et Saïfi. C'est un gage d'assurance. * Comment voyez-vous les chances de l'Algérie durant cette CAN ? Nos chances sont importantes. L'Algérie a un statut à défendre. Je ne dis pas que ça sera du beurre, mais on a des atouts qu'on fera valoir. Entretien réalisé par Adlène C.