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EXCLUSIF : BENZEMA : «En juin, je serai à Oran»
Publié dans Le Buteur le 05 - 03 - 2009

« En Algérie, certains se croient plus Algériens que nous, alors qu'on a le même sang qu'eux»
«A Bron, Karim est un Algérien comme nous tous »
L'espoir de rencontrer Karim Benzema est, cette fois, réel. Les Zenati sont affirmatifs : Samy et Karim rentreront dans la nuit du 28 au 29. Les jeunes qu'on a rencontrés nous ont parlé aussi de la famille Benzema. Afif et Malika ont eu neuf enfants, apprend-on. Sabri, le benjamin, Gressy (qu'on appelle Grignette), Karim, Nafsa, Sofia, Célia, Laeticia, Farid et Lydia. Les deux derniers étant issus d'un premier mariage de la maman. On a appris aussi que le footballeur du Lyon FC a offert à l'une de ses sœurs la voiture que le club a donnée aux joueurs après la victoire en Coupe de France, l'année dernière. Mais surtout que Karim à Bron-Terraillon est un Algérien comme tout le monde. «On ne l'a jamais considéré comme un Français. Car en France, les gens ne considèrent les Maghrébins comme des Français que s'ils deviennent célèbres. C'est là que l'intégration devient réelle. Pour nous qui sommes anonymes, on restera toujours des étrangers qui viennent manger le pain des Français tant qu'on ne fait pas partie des «people». Les anonymes crèveront en silence dans leur coin de banlieue», regrette cet ami d'enfance de Karim qui ne veut pas donner son prénom.

«Il sait que les Français ne nous aiment pas ! Moi, je dis toute la vérité que Karim n'osera jamais dire»
Cet anonymat le libère et l'aide à exprimer toute sa rage. Toute la vérité que Benzema n'osera jamais révéler. «Il sait que les Français ne nous aiment que si nous sommes rentables. Il sait que s'il venait à baisser la garde, les journalistes ne le rateraient pas. Il doit constamment surveiller ses propos pour ne pas heurter les sensibilités. D'ailleurs, quand un journaliste lui a demandé s'il était un exemple aux jeunes Maghrébins, Karim a tout de suite rectifié pour dire qu'il ne restreignait pas le champs aux simples Maghrébins mais à tous les jeunes Français. Des pièges comme ça, il va en rencontrer encore. Il est très jeune, mais il sait se taire même à 20 ans», ajoute-t-il en divulguant aussi que Karim a une devise qui guide ses pas dans le football : « Il dit toujours : joue et tais-toi ! C'est la meilleure démarche à suivre en France. Karim ne doit parler que sur le terrain et avec un ballon entre les pieds exclusivement, s'il ne veut pas être grillé par les médias.»

Karim est enfin arrivé !
Le dimanche 29 décembre après-midi, on se rend sur le terrain du Terraillon. Des jeunes s'échauffent déjà avec deux ou trois ballons en attendant le début du match qui se jouera en largeur, et à sept contre sept. D'emblée, on reconnaît quelques têtes que nous avons rencontrées la veille. Sur le bord du terrain, des jeunes viennent nous serrer la main. «Vous avez rencontré Karim ? Il était là, il y a à peine dix minutes. Il était garé avec sa Mercedes de l'autre côté. Il va sans doute revenir pour voir les potes », nous rassure l'un d'eux. On n'a pas le temps de poursuivre la discussion que son ami ajoute. «Tenez, il est là-bas, il se gare. Allez le voir directement. Il est facilement abordable.»

«Wallah que je suis trop fatigué pour une interview !»
On se dirige tout droit vers notre cible inespérée qui sortait de son bolide, vêtu d'un survêtement aux couleurs de la Seleçao du Brésil. On se présente en faisant exprès de parler moitié français moitié arabe. Karim Benzema semble avoir tout compris. Il répond à notre salam en arabe, mais nous demande gentiment de ne pas le solliciter pour une interview. «Wallah que je suis trop fatigué pour un entretien. Je viens juste d'arriver du Brésil. Je suis encore sonné par le décalage et le voyage. Je vous promets une longue interview mais un autre jour », s'excuse-t-il. Nous préférons ne pas trop insister, tout en poursuivant la discussion avec lui et l'un de ses amis qui annonçait à sa place.

«Je vais venir
incha Allah en Algérie fin mai ou début juin prochain. Cette fois, c'est très sérieux ! »
«Vous savez, on devait aller au bled l'été dernier, mais le programme de Karim était trop chargé », nous dit-il. Karim Benzema lui emboite le pas. «On remettra cela pour le mois de juin, incha Allah. Disons fin mai, début juin. Wallah que cette fois, c'est très sérieux. Je veux aller au bled pour rendre visite à la famille et profiter des amis et du pays», assure-t-il. « En Kabylie ?» lui demande-t-on. « Il n'y a pas que la Kabylie dans ma vie. Certes mon père est de Béjaïa et j'aime bien la Kabylie. J'ai beaucoup de cousins là-bas, mais il ne faut pas oublier que ma mère est d'Oran et que j'ai plein de cousins aussi à l'ouest du pays. C'est même là-bas que je vais passer le plus de temps l'été prochain. Je veux visiter quelques régions dont on me dit le plus grand bien. Je ferai un saut avec mes potes à Tiaret, Ghelizane, Saïda, Mostaganem et bien sûr Wahran, la ville de ma mère. Vous pouvez l'annoncer sans problème», nous confie Karim Benzema tout sourire, en sautillant sur place comme pour montrer son impatience d'y être mais aussi pour se réchauffer dans ce froid insoutenable qu'il faisait dehors.

«Les responsables de la Fédération algérienne sont venus bien plus tard. J'avais déjà joué plusieurs matchs en sélection française et je ne pouvais pas faire marche arrière»
Sans micro tendu vers lui, Karim parle de l'Algérie le plus naturellement du monde. On sent qu'il n'a aucune réticence à le faire, rien même à cacher de son côté algérien qu'il assume totalement. Autour de lui, ses potes discutent en arabe et en français, comme tous les beurs. Il salue ceux qu'ils croisent en arabe et taquine ses potes avec lesquels il partage une grande complicité. Autour de lui, ça dit des gros mots en arabe, ça dit «Wallah » et ça jure aussi «sur le tapis de La Mecque », comme tous les musulmans de Lyon. On profite de cette détente pour poser à Benzema quelques questions indirectes. A commencer par son refus de jouer pour l'Algérie. Là, Karim s'emporte quelque peu et lâche : «Ils sont venus me voir bien plus tard, après que les responsables de la Fédération française eurent fait l'essentiel du travail. J'avais déjà joué plusieurs matchs avec les jeunes des Bleus et je ne pouvais plus faire marche arrière. Si on veut un joueur en sélection d'Algérie, c'est bien plus tôt qu'il faudra le solliciter. Il faut être plus rapide, plus convainquant.»

« S'il avait joué pour l'Algérie, il n'aurait pas bénéficié de toute cette médiatisation en France »
Ses amis acquiescent et se mettent en ébullition, parlant tous à la fois pour conforter Karim dans son choix. «Vous croyez qu'il aurait eu autant d'impact médiatique s'il avait opté pour l'Algérie ? On l'aurait descendu au moindre match raté. Avec l'équipe de France, il a gagné un statut qu'il n'aurait peut-être pas atteint à son âge s'il avait joué avec l'Algérie. Aujourd'hui, ce sont les plus grands qui le veulent et cela c'est grâce aux médias français mais aussi grâce à son immense talent», ajoute un de ses amis, d'un ton moins élevé, comme pour ne pas être entendu pas la star, qui discutait entre-temps avec un autre ami. Le groupe s'ébranla en direction du terrain de jeu, où un des frères de Karim montrait des qualités bien au-dessus du lot. Entre-temps, la star de l'OL s'affairait à embêter un gamin qui se débattait pour se sortir des mains de Karim qui le serrait fermement en rigolant. Il n'y a pas de doute, dans son quartier, Benzema est un anonyme, comme les autres.

«Les Benzema sont tous bien élevés »
On apprend, par ailleurs, que le Benzema qui joue se joue de la défense adverse sur le terrain s'appelle Grignette. Mais malgré son talent, le frère de Karim ne réussit pas à faire gagner le match à son équipe qui a dû céder le terrain au groupe qui attendait son tour. Karim Benzema en profite pour aller taquiner son ami intime Samy Zenati qui n'avait pu sauver ses cages sur la dernière action. Nous en profitons à notre tour pour aller discuter avec Grignette. «C'est votre vrai prénom ? », fît-on. «Non, mon prénom, c'est Gressy», répond-il timidement. «Gressy ? Ce n'est pas un prénom commun ?» ajoute-t-on. «Je ne sais pas, ce sont mes parents qui me l'ont donné », répond-il avec le sourire.

«Son frère rate rarement une prière à la mosquée»
Ses amis s'approchent de nous pour nous saluer. On leur demande leur avis sur les Benzema et d'un jet, ils se relayent avec plaisir : «Ils sont tous bien élevés. Gressy que vous voyez là est un très bon musulman. Il rate rarement la prière à la mosquée. Ils sont tous très pieux chez lui », révèle l'un. «Ce sont de vrais musulmans de chez nous. Ils font le Ramadhan et fêtent l'Aïd et toutes les fêtes musulmanes. C'est normal, puisqu'ils sont Algériens comme nous. C'est une famille exemplaire qui n'a jamais renié ses origines. Ils savent d'où ils viennent. La preuve, vous n'avez qu'à regarder autour de vous, vous ne trouverez que des Arabes dans le quartier», ajoute l'autre. Gressy est un peu gêné devant tant d'éloges. Il baisse la tête et sourit. Il est encore plus timide que Karim. Effacé presque. La seule réaction qu'il affiche à notre endroit, c'est son refus empreint de gêne et de gentillesse à nous laisser le prendre en photo.

«Gressy ne veut pas se laisser prendre en photo parce que c'est hram»
«Franchement, je ne veux pas faire de photo. Aller en faire à mon petit frère Sabri, c'est lui qui aime ça», nous invite-t-il timidement et visiblement bien contrarié. Un de ses amis un barbu «moultazim» vient à son secours. «Il n'ose pas vous le dire, mais il ne fait jamais de photo parce que c'est hram. Il est très à cheval sur les principes de l'islam», confie-t-il pour soulager son pote. Gressy acquiesce en s'excusant une autre fois. Respect total pour ce jeune d'une gentillesse déconcertante. N'allez surtout pas croire qu'il fait partie de ces religieux zélés qu'on rencontre un peu partout. Gressy est en fait un musulman tout simple, qui veut appliquer un précepte que certains oulémas ont jugé illicite. Pas plus, ni moins. Pour s'excuser de nous avoir refusé la photo, il nous cherche en vain son petit frère Sabri qui semble déjà loin. On se contentera, entre-temps, d'une discussion à bâtons rompus avec les jeunes du quartier, en attendant le retour du petit Sabri dont on nous assure qu'il sera une future star du football.

«Le petit Sabri Benzema est bien meilleur que Karim. S'il ne réussit pas dans le foot, c'est qu'on est des aveugles»
A en croire les jeunes de Bron, le dernier-né des Benzema est fort, très fort même. Son international de frère en personne avait admis un jour sur la télé locale de Lyon (OL TV) que Sabri était bien supérieur à lui, au même âge. Ils disent tous que le petit a un avenir tout tracé devant lui dans le haut niveau. Kamel, un voisin des Benzema, le voit tous les jours jouer devant la maison ou derrière dans le parking. «Franchement, s'il ne réussit pas comme Karim, c'est qu'on est des aveugles. Rien que sa technique est un indicateur fort de sa future réussite. Il va intégrer tranquillement le centre de formation de l'OL. Ce sera plus facile que Karim. Je me rappelle qu'on disait qu'Afif avait supplié les dirigeants de l'OL pour les convaincre de mettre son fils à l'essai. On dit qu'il leur avait demandé de le prendre quitte à les payer au début tellement il était persuadé du talent de son fils. Cette fois ça va être de la rigolade pour Sabri. Ils ont les clés de la maison OL maintenant. Il rentre quand il veut. Et cela c'est grâce à ce que Karim a réalisé», dit il.
A ceux qui le connaissent le mieux, on demande si Karim parle avec eux en arabe ou en kabyle : «Bien sûr, comme nous tous », soutien Moussa. «On ne le parle pas trop bien mais on le comprend. Karim, c'est un Algérien, un musulman ! Il ne mange pas de hallouf, il ne boit pas d'alcool, il ne fume pas… Dans sa famille, la religion est très importante. Ils font tous la prière, ils vont à la mosquée comme nous tous. Ne vous inquiétez pas, Karim sait dans quelle « case » il est. Il fait le Ramadhan et il ne renie pas ses origines. Ce n'est pas parce qu'il joue en équipe de France qu'il va oublier ce qu'il est réellement. De plus, en sélection, il y a beaucoup de musulmans avec lui. Il y a Ribéry, Anelka, Abidal, Diarra, Nasri et bien d'autres encore qui ne sont pas réguliers en équipe de France. Ça aide les musulmans comme lui. Non, franchement, Hamdoullah, Karim est l'un des nôtres et il nous représente vraiment bien. C'est bien un enfant du pays. Tous ses potes sont des ârbi (arabes). D'ailleurs, à Bron, il n'y a pratiquement que des Arabes. Non, Karim porte bien son identité algérienne, ne vous inquiétez pas. Il n'est pas comme Zidane qui a donné des prénoms de gaouri à ses enfants.»

«Karim est mieux protégé ici qu'ailleurs et tout le monde sait pourquoi»
Le fait de voir les Benzema habiter encore à Bron-Terraillon est quelque peu incompréhensible, vu la réussite sociale de Karim. De plus, on nous apprend qu'il a acheté à ses parents une très grande maison en dehors de Lyon, entre Genas et Chassieux. Mais apparemment, les Benzema ne veulent pas s'arracher de Bron. Kamel nous en explique les raisons : « Là-bas, il y a 40 personnes qui vont le voir à chaque fois qu'il est dehors. On vient lui demander des photos et des autographes dès qu'il met le nez dehors. A Bron-Terraillon ou à la Caravelle, Karim est lui-même, authentique. Il est dans son milieu naturel, dans son élément. Il n'a pas besoin de se surveiller. C'est ici qu'il se lâche. Les gens savent qu'il a le droit de se la jouer s'il le veut. Surtout quand on devient aussi riche et aussi sollicité que lui. Et puis, n'oubliez pas qu'il a tout juste 20 ans. Il y en a qui disent qu'il se la pète un peu. Que veulent-ils qu'il fasse ? Rouler en Super 5 comme son père ? Ils diront quoi ensuite. Que Karim Benzema est un radin ? C'est ce qu'ils veulent ? Ceux qui disent cela ne sont que des jaloux. Ils n'oseront jamais le lui dire en face. Ils savent que les Benzema ne sont pas faciles à atteindre. Vous savez, Karim est mieux protégé à Bron-Terraillon que partout ailleurs avec tous les policiers autour de lui. Ici, il sort comme avant et personne ne pourra lui faire de mal. On pourrait penser qu'avec l'argent qu'il gagne, il peut donner des idées aux bandits de toutes espèces. Mais ici, il ne craint rien et tout le monde sait pourquoi», explique-t-il avec un sourire énigmatique. Autour de lui, tout le monde a compris, sauf nous…

« Il aimait beaucoup porter le maillot vert du Nigeria»
De père marocain et de mère algérienne originaire de Bel abbès, Tayeb connaît Karim depuis qu'ils étaient tous petits. «J'ai deux ans de plus que lui. Je me rappelle très bien de lui quand il était enfant. Il était tous les jours sur le terrain, un ballon entre les pieds en train de jouer au foot. Je me rappelle même des maillots qu'il mettait. Il aimait beaucoup mettre le maillot vert du Nigeria par exemple, parce que le Nigeria était très fort à cette époque et comme on était tous supporteurs des Africains en Coupe du monde, ceci explique cela. Je me rappelle aussi qu'il jouait souvent avec les plus grands. Franchement, son éducation a été très stricte pour qu'il vire mal. Karim ne faisait pas trop de conneries à l'époque. Je ne l'ai jamais vu fumer. C'est un sportif de toute façon », soutien-t-il

«Il nous avait marqué un but à la dernière seconde. Il a dribblé deux joueurs, avant de mettre une frappe à la Benzema d'aujourd'hui»
Son camarade Redouane évoque un souvenir de foot avec Benzema : «Je me rappelle un jour qu'on avait participé à un tournoi de football en salle, Karim était avec l'équipe d'en face. On avait joué les quarts ou la demi-finale. Je me souviendrai toujours de la manière avec laquelle il nous avait éliminés à la toute dernière seconde du match. Franchement, c'était un but à la Benzema d'aujourd'hui. Il avait pris le ballon au milieu du terrain. Il avait dribblé deux joueurs, puis il a mis une frappe ! Ça a tapé sur le poteau avant d'entrer. Il a marqué en même temps que la sonnette sonnait pour annoncer la fin du match. Comme au basket-ball. Il nous a tués ! Ils avaient gagné 1-0. Mais il faut dire aussi qu'on avait bien dominé ce match-là. »

«Quand on se rencontre, Karim nous sert la main et dit toujours Salamou aâlikoum»
Plus loin dans la discussion, Tayeb reprend le fil du passé. «Il n'était pas balaise encore mais la technique était déjà bien au point. Je me rappelle bien qu'il avait joué ce tournoi avec une sorte de plâtre jaune au poigné. C'est dire qu'il était mordu de foot en jouant même blessé à la main. Par la suite, lorsqu'il avait intégré le centre de formation de l'OL, on a commencé à suivre son parcours. On est tous content pour lui. Karim est l'un des nôtres et sa réussite et un peu celle de tout le quartier et des jeunes issus de l'émigration. Franchement, je lui tire chapeau parce qu'il a su garder les pieds sur terre malgré tout ce qu'il vit, avec cette médiatisation et son nom qui est annoncé dans les plus grands clubs du monde comme le Real, Manchester United, le Barça, Milan, l'Inter et les autres. Karim est resté le même avec nous tous », confie-t-il.

«Il n'a pas besoin de montrer qu'il est Algérien. Il n'a aucun complexe de ce genre»
«Quand on se voit dans le quartier, il vient nous serrer la main comme avant en disant Salamou aâlikoum. Il n'a pas changé d'un pouce. Il ne se la pète jamais et il est resté très humble. Il sait d'où il vient et il n'a jamais renié ses origines. En fait, Karim n'a pas besoin de montrer qu'il est Algérien. Il l'est naturellement, tout en jouant pour l'équipe de France pour laquelle il se donne comme un Français qu'il est également. Nous portons tous cette double culture qu'on assume tant bien que mal», assure-t-il.

« En Algérie, certains se croient plus Algériens que nous, alors qu'on a le même sang qu'eux»
Son ami Nasser abonde dans le même sens : «Vous savez, même au bled, on est parfois mis à l'écart comme en France. C'est vrai que c'est à un degré moindre, mais certains nous font comprendre qu'on n'est pas aussi Algériens qu'eux. Alors que notre sang est le même que celui de nos cousins. Je crois que c'est une question de jalousie.» Fodil est également de cet avis et il tient à le dire rageusement même. C'est celui dont le cœur brûle plus en évoquant ce volet. Il prend la parole sans demander.
On sent que c'est comme cela qu'il a appris à se faire entendre en France. Il veut le faire cette fois avec l'Algérie : «Vous croyez qu'on est les bienvenus au bled si on ne ramène pas quelque chose avec nous ? Dans la famille, comme pour tout le pays c'est pareil. Si vous n'apportez rien, vous ne valez rien. Le meilleur exemple est celui de Zidane. Il a été longtemps traité de traître avant de devenir le symbole de la réussite des enfants issus de l'émigration algérienne en France. Pourtant, au début de sa carrière avec l'équipe de France, tous les Algériens voulaient lui cracher sur le visage. Mais après avoir gagné la Coupe du monde et un statut de star mondiale, le pays entier voulait le récupérer. Même Bouteflika lui a déployé le tapis rouge, comme on le fait aux Présidents. Vous voyez donc que Karim Benzema n'est pas un traître et le jour où il deviendra le meilleur joueur du monde, tous ceux qui le critiquent aujourd'hui sans le connaître changeront d'avis. Pour nous, depuis toujours, Karim fait partie des nôtres. Il est aussi Algérien que le meilleur des Algériens. Point barre.» La réaction est aussi violente que le sentiment qui déchire les entrailles des incompris qu'ils sont de part et d'autre de leur double appartenance. En fait, ils se considèrent comme isolés de tous et ils savent qu'ils ne doivent compter que sur eux-mêmes.

Sabri Benzema : «Quand je serai grand, je voudrai gagner beaucoup d'argent pour aider les pauvres en Algérie»
Un ange passe… Il est joufflu et s'appelle Sabri Benzema. Des jeunes ont eu la gentillesse de nous le ramener. Il se rappelle de nous lors de notre passage chez lui. C'était la veille. C'est lui qui nous avait ouvert la porte et qui était sorti avec un ballon dans les mains. On lui caresse la tête pour le rassurer. «Il paraît que tu joues très bien au ballon. C'est vrai que tu es mieux que Karim ?» fit-on. «Je ne sais pas », se contente-t-il de répondre timidement en regardant vers le sol. Visiblement, l'humilité est un gène phénotype chez les Benzema. On lui demande s'il veut qu'on lui fasse une photo. «Elle va sortir dans les journaux ? Non, je ne veux pas. Ou alors, vous me la faites, mais comme ça », nous autorise-t-il en rigolant et en se cachant le visage avec son anorak. «Tu veux jouer à Lyon comme Karim ? », poursuit-on.

«Je veux jouer pour l'Algérie, euh, pardon, pour la France
«Oui, mais quand je serai un peu plus grand. Je voudrais devenir footballeur comme lui et jouer pour l'équipe nationale », confie-t-il. « Tu veux jouer pour l'équipe d'Algérie et non pour la France ? » insiste-t-on. « Oui, pour l'Algérie. Euh, non, pardon je me suis trompé, je voudrais jouer pour l'équipe de France. Mais j'espère devenir aussi bon que Karim et gagner beaucoup d'argent. Vous savez pourquoi ? » demande-t-il à son tour. «Non, mais tu vas sûrement nous le dire », réplique-t-on. «Et bien, j'espère gagner beaucoup, beaucoup d'argent pour pouvoir aider tous les pauvres en Algérie», nous confie Sabri Benzema du haut de son innocence. Quelques minutes plus tard, l'ange nous salue et vole de ses ailes pour rentrer chez lui. De loin, il nous demande de lui faire une photo «mais de dos». On le laisse filer tranquillement, sans immortaliser ce moment empreint de douceur et de sincérité. On ne trahit pas la confiance d'un homme. Encore moins celle d'un enfant de neuf ans qui aime déjà tant le peuple de ses grand-parents.
Nacym Djender
Il aimait bien Zidane, son jeu, sa technique sa manière de tirer les coups francs et tout ; mais son idole, c'était Ronaldo.
Ils sont très à cheval sur les principes. C'est une famille qui ne cause aucun problème à personne dans le quartier. D'ailleur, aucun des enfants n'a viré du mauvais côté. Ils sont pourtant bien nombreux ! Mais déjà, l'éducation donnée par les grand-parents était assez stricte. Ils n'avaient pas trop le choix. Traîner la nuit dehors, ce n'est pas dans leurs habitudes. Ils surveillent leurs enfants comme l'huile sur le feu. C'est pour ça qu'ils ont cette éducation irréprochable. En fait, les enfants des Benzema ont reçu une éducation à l'ancienne. «Ils me font rappeler les enfants d'Algérie que j'ai connus autrefois. Ils disent bonjour les premiers et ont un respect total pour les adultes. Ce sont des choses qui se perdent de nos jours. Surtout dans les banlieues comme la nôtre », regrette-t-il. Henri Bayada est fier de nous parler des Benzema, de tous les Benzema. Car, pour lui, «ils sont tous adorables. Les grand-parents, les parents et les enfants.»


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