Joseph Koto (ex-international sénégalais) : «Son plus grand problème, son franc parler» C'est une triste nouvelle pour le football sénégalais et pour tout le continent africain. L'ancien international Jules François Bocandé est décédé lundi soir, à la suite d'une opération chirurgicale. Souffrant depuis plusieurs mois d'un accident vasculo-cérébral (AVC), il est décédé à Metz des suites d'une opération chirurgicale, précise l'Agence de presse sénégalaise (APS). L'Etat sénégalais s'occupera de rapatrier son corps Le ministre sénégalais des Sports, El Hadji Malick Gakou, a présenté à sa famille les condoléances du président Macky Sall et du gouvernement. L'Etat prendra toutes les dispositions, en relation avec sa famille, «afin que son corps soit rapatrié dans les meilleures conditions et que la République lui rendre les honneurs qu'il mérite de la Nation sénégalaise», a dit M. Gakou, cité par Le Soleil. Un hat-trick qui propulse le Sénégal à la CAN, après 18 ans d'absence Avec le Sénégal, Bocandé a participé à trois Coupes d'Afrique des Nations (1986, 1990 et 1992). Cet ancien capitaine du Sénégal regrettait souvent que les «Lions" sénégalais n'aient jamais gagné de titre continental. Joueur clé des Lions de la Teranga, Bocandé participe activement à la renaissance du football sénégalais en scorant par trois fois pour le Zimbabwe (3-0). Trois buts synonymes de qualification pour la Coupe d'Afrique des Nations 1986, organisée par l'Egypte, mais aussi de retour sur la scène continentale, 18 ans après. Eliminés au premier tour, Bocandé et les Sénégalais reviennent plus forts, 4 ans plus tard, en décrochant une place en demi-finale en 1990 et en quart de finale en 1992. Suspendu à vie au Sénégal, il part en Belgique Le petit attaquant est, certes, talentueux mais il arpentait seulement les pelouses du championnat sénégalais. A 21 ans, Bocandé est surclassé et rejoint l'équipe première du Casa Sport, le club de sa ville natale, pour jouer et gagner la finale de la Coupe du Sénégal face à l'ogre venu de la capitale, l'ASC Diaraf. Mais c'est l'année suivante qui lui ouvrira les portes de l'Europe. Casa Sport affronte cette fois-ci l'ASC Jeanne d'Arc pour ce qui sera la seule finale de l'histoire à être disputée sur deux manches. Le match retour, particulièrement tendu, est marqué par la violence. Alors que l'arbitre a fait retirer un penalty raté par la Jeanne d'Arc, Bocandé, alors très jeune, ne peut se contenir et fait un croche pied à l'homme en noir. Un geste qui lui vaut une suspension à vie au Sénégal. Et qui l'envoie en Europe, grâce à un ami belge. Artisan de la victoire de Metz sur le Barça au Camp Nou Arrivé en Lorraine, en provenance du club belge de Seraing, Bocandé, né à Ziguinchor, n'aura pourtant passé que deux années en Grenat, mais deux années qui resteront parmi les meilleures du club, cinquième en 1984/95 et sixième en 1985/86, avec 10 buts pour sa première saison, 23 pour sa seconde, titre de meilleur buteur à la clé devant le Parisien Dominique Rocheteau. Le Sénégalais, reconnaissable à ses tresses et à son style spectaculaire, tout en puissance et finesse technique, avait surtout participé à l'historique victoire 4-1 du FC Metz au Camp Nou en 16es de finale retour de la Coupe des Coupes 1984-85, synonyme d'élimination du géant catalan, pourtant vainqueur 4-2 à l'aller, en Lorraine. Meilleur buteur de France en 86 Jules François Bocandé a été sacré meilleur buteur du championnat français de première division, avec 25 buts marqués en 1986 sous les couleurs de Metz. Il a ensuite évolué au Paris Saint-Germain, Nice et Lens. Politique, business et foot après sa retraite Les crampons raccrochés, Bocandé ne s'éloigne pas des terrains. En 2000, il a intégré le staff technique des Lions de la Teranga et participe donc activement à la renaissance du football sénégalais qui élimine notamment la France au 1er tour du Mondial 2002, en Asie. Primé en 2008 par l'Union des fédérations ouest-africaines de football (UFOA) pour «services rendus au football continental et sous-régional», cette légende vivante est devenu l'homme orchestre de la Casamance : foot, politique, business : «Je fais un peu de business, je gère une discothèque, j'ai aussi une boutique - Jules Sport - et un atelier de flocage de vêtement. Plus un peu de politique.» Il est, en effet, adjoint à la mairie de Ziguinchor et étudie en parallèle un projet de centre de formation pour le club. «Mais voilà, le club n'a pas les moyens et pour faire avancer tout ça, c'est ma poche qui saigne.» Joseph Koto (ex-international sénégalais) : «Son plus grand problème, son franc parler» Jules Bocandé, ancien capitaine des Lions, a connu des difficultés dans sa carrière de football et d'entraîneur, à cause de son franc parler, ont déclaré ses anciens partenaires en sélection dans les médiats : «Son problème, c'est son franc parler, il disait ce qu'il pensait, que ça plaise ou non», a déclaré à l'APS, son ancien partenaire en sélection, Joseph Koto, nommé récemment entraîneur national adjoint des Lions : «Quoi qu'il en coûte, il dira ce qu'il pense, ça passe ou ça casse», a insisté Koto avec une voie tremblante au téléphone. Amara Traoré (ex-sélectionneur du Sénégal) : «J'ai toujours eu du respect pour lui» Très proche d'Amara Traoré, ancien sélectionneur national qui faisait partie des personnes lui ayant apporté un grand soutien pendant sa maladie, il n'avait pas hésité à dire que ce dernier aurait dû convoquer Diomansy Kamara pour la CAN 2012 : «C'est une surprise de ne pas voir Diomansy (Kamara) dans cette liste», avait dit le défunt appelé à commenter la liste des 23 joueurs sélectionnés par Amara Traoré. Séga Cissé, Mbaye Mbengue, anciens internationaux et footballeurs du Jaraaf de Dakar et Tassirou Diallo, ancien attaquant des Lions et de l'AS Police, ont abondé dans le même sens dans des entretiens à RFM. Senghor (pdt de la Fédération sénégalaise de football) : «Même étant malade, il tenait à l'équipe nationale du Sénégal» «Je lui ai parlé il y a trois semaines», ainsi Me Augustin Senghor a révélé tout son attachement à Jules François Bocandé. «L'ancien international Bocandé, même étant malade, tenait à l'équipe nationale du Sénégal.» Des témoignages apportés par le président de la Fédération sénégalaise de football. «Le natif de Ziguinchor et capitaine des Lions de la Teranga a su tout donner au football de son pays» a-t-il ajouté. Au téléphone de la RFM, Me Senghor a aussi dit : «Jules François Bocandé a eu à se faire remarquer à travers ses bonnes prestations dans le championnat local, en équipe nationale et même à l'étranger.» Carlo Molinari (ex-président du FC Metz) : «C'était un homme de grand cœur» Jules Bocandé aura marqué l'histoire du FC Metz, avec lequel il a terminé meilleur buteur du Championnat de France en 1986, mais également gagné au Camp Nou face à Barcelone dans un match resté légendaire. «Je suis bouleversé, je suis profondément triste. C'était un grand serviteur du FC Metz, mais avant tout et surtout, un homme de grand cœur», a déclaré sur le site du FC Metz, l'ancien président Carlo Molinari qui résume la tristesse générale qui s'est emparée lundi du club mosellan à l'annonce du décès des suites d'une intervention chirurgicale de Jules Bocandé, à l'âge de 53 ans. Ironie de l'histoire, c'est Carlo Molinari lui-même qui avait aidé son ancien attaquant à venir se faire opérer à Metz, une opération rendue nécessaire par l'accident vasculaire cérébral dont avait été victime le joueur, il y a plusieurs semaines. La presse sénégalaise lui rend hommage La presse sénégalaise a rendu mardi un hommage unanime à l'ancien international Jules François Bocandé, «un monument du football national, meilleur buteur du Championnat de France en 1986, décédé lundi à Metz (est de la France) à l'âge de 53 ans». Le Soleil, quotidien pro-gouvernemental, déplore le «décès d'un monument du football» - le qualificatif «monument» étant utilisé par d'autres journaux dont WalFadjri et Le Quotidien (privés). Le Populaire (privé) rend hommage à "Jules la légende". Sud Quotidien (privé) regrette «une énorme perte pour le football sénégalais», tandis que L'Observateur (privé) salue «Bocandé, l'ion indomptable", dans un jeu de mot entre le "lion", traduction de son surnom local "Essamay" (en diola, une des langues parlées au Sénégal), et la particule de l'ion, pour sa réputation de personnage au caractère trempé. Son domicile à Ziguinchor assailli par la population La nouvelle de la mort de Jules Bocande a fait l'effet d'une bombe en Casamance. L'émotion était à son comble à Ziguinchor et les populations ont convergé au domicile de Bocandé au quartier Korentas. Le masque était visible sur les visages. Lorsque le président du Casa sport Nouha Cissé s'exprime, c'est pour rendre un vibrant hommage à celui qui a accepté de s'investir pour le club de Casa sport. Pour Nouha cissé, «c'est un grand monsieur, un artisan de la paix qui a disparu. Nous le regretterons pour longtemps et je pense qu'on pourra symboliser sa mémoire en lui dédiant un des plus beaux bijoux de la région… La nation doit lui être reconnaissante… » Fiche technique Nom et prénom : Jules Bocandé Nationalité : sénégalaise Date et lieu de naissance : 25 novembre 1958 à Zinguinchor, Sénégal Poste : attaquant Parcours 1978 : Casa Sport (Sénégal) 1978-1980 : Casa Sport (Sénégal), 58 matchs, 9 buts 1980-1982 : RFC Tournai (Belgique), 68 matchs, 20 buts 1982-1984 : R.F.C. Seraing (Belgique), 64 matchs, 20 buts 1984-1986 : FC Metz (France), 61 buts, 33 buts 1986-1987 : Paris-Saint-Germain (France), 38 matches, 6 buts 1987-1991 : OGC Nice (France), 98 matchs, 24 buts 1991-1992 : RC Lens (France), 26 matchs, 5 buts 1992-1993 : Belgique Eendracht Alost (Belgique), 6 matchs, 3 buts Sélections en équipe nationale 1979-1993 : 73 sélections avec le Sénégal, 20 buts Equipes entraînées 1994-1995 : sélectionneur du Sénégal Palmarès Coupe du Sénégal de football en 1979 Finaliste Coupe du Sénégal de football en 1980 Meilleur buteur du Championnat de France en 1986 Demi-finaliste de la CAN en 1990 Quart-de-finaliste de la CAN en 1992
