«Cette CAN nous servira et nous rendra encore plus forts à l'avenir» Toujours disponible quand il s'agit de parler de l'EN, Rabah Madjer, a bien voulu nous donner son avis sur cette sévère défaite concédée par notre onze national face aux Pharaons d'Egypte avant-hier soi. Il n'a pas manqué de déceler les défaillances et les erreurs commises par notre sélection lors de cette demi-finale africaine. Ecoutons-le. * L'Algérie s'est lourdement inclinée lors de sa demi-finale face à l'Egypte. Quel commentaire faites-vous sur cela ? Les commentaires, on les fait généralement avant les matchs étant donné que ça ne sert à rien de remuer le couteau dans la plaie. Néanmoins, je dirai que c'est le destin qui a voulu qu'on sorte en demi-finales de cette CAN. On aurait aimé aller très loin dans cette compétition, mais il faut dire aussi qu'il y avait en face un adversaire de gros calibre qui a su profiter de nos erreurs pour nous marquer tous ces buts et nous écarter de la finale. Les expulsions de Belhadj et Chaouchi ont cassé l'équipe et facilité un peu plus la tâche aux Egyptiens qui n'en demandaient pas tant. On n'a pas su garder notre sang-froid et bien maîtriser nos nerfs. Tout cela nous a coûté très cher. Avec dix joueurs, on pouvait espérer revenir à la marque et faire basculer le match, mais à 8, c'était fini pour nous. * L'arbitre de la rencontre a été beaucoup décrié. On lui reproche surtout l'expulsion de Halliche qui n'était pas du tout justifiée… Ecoutez, il faut dire les choses comme elles sont. Halliche, sur l'action qui a amené le penalty, ne devait en aucun cas tacler l'attaquant égyptien. Il fallait qu'il reste au corps à corps avec Meteeb jusqu'au bout et éviter de se livrer comme ça. Ce dernier, très malin, a poussé en avant le ballon et a pris un petit élan sur Halliche avant de s'écrouler et obtenir le penalty. Je suis certain que si Halliche n'avait pas taclé de la sorte, Meteeb n'aurait jamais pu marquer. On a payé cher cette faute, car en plus du penalty, Halliche a pris le rouge, ce qui n'allait pas vraiment arranger nos affaires. * Le manque d'expérience a peut-être joué un tour à Halliche dans cette action de jeu... Ce n'est pas une question de manque d'expérience, c'est une faute personnelle qu'un défenseur dans cette position de devait pas commettre. On ne peut pas se permettre de tacler ainsi dans la surface de réparation. * Vous avez dit tout à l'heure que les joueurs algériens n'ont pas su garder leur sang- froid et maîtriser leurs nerfs. Ne pensez-vous pas qu'à ce stade de la compétition, et au vu de l'expérience accumulée, les joueurs devaient rester calmes et ne pas laisser le cours du match leur échapper ? On avait la possibilité d'aller en finale et on l'a bêtement ratée. On n'a pas su gérer le match et garder notre sang-froid certes, mais je dirai aussi qu'il fallait prévoir tout cela avant le match. Un gros travail psychologique devait se faire avant la rencontre, car il n'est pas normal de prendre trois cartons rouges dans un seul match ! * Tenez-vous pour responsable l'arbitre du match de cette lourde défaite ? Non, je ne vais pas accuser uniquement l'arbitre. Tout le monde a vu le match et tous ont constaté que certains de nos joueurs ont commis des fautes impardonnables à ce stade de la compétition. L'expulsion de Halliche, peut-être qu'elle n'était pas juste, mais excusez- moi, celles de Belhadj et Chaouchi étaient méritées et ont complètement anéanti nos chances de revenir dans le match. Il ne faut pas exagérer et toujours se cacher derrière les arbitres et chercher les excuses. Les joueurs doivent assumer ce qu'ils ont fait sur le terrain, un point c'est tout. J'ajoute une chose aussi. * Allez-y… Je pense qu'après la sortie de Halliche, l'entraîneur devait opérer logiquement un changement et recadrer son équipe. Il fallait faire rentrer ou Raho ou Laïfaoui à la place de Meghni et mettre l'un d'eux sur le côté droit de la défense. Permettre au duo Bougherra-Yahia d'occuper l'axe central et laisser Belhadj dans son couloir gauche. Il fallait aussi faire reculer Matmour au milieu du terrain et jouer avec quatre éléments dans cette ligne, c'est-à-dire Mansouri et Yebda dans la récupération, Ziani dans l'animation du jeu et Matmour juste derrière l'attaquant de pointe qui est Ghezzal. On devait évoluer avec ce schéma de 4-4-1, car ce n'est que comme ça qu'on pouvait fermer les espaces aux joueurs adverses et espérer revenir au score aussi. Mais bon, Saâdane a choisi une autre stratégie et on doit l'accepter. Chaque technicien a sa propre vision des choses et, moi, je n'ai donné que mon avis, rien de plus. * Donc, selon vous, on a failli tactiquement durant ce match... Je pense que oui. Certes l'expulsion prématurée de Halliche a quelque peu perturbé et chamboulé les cartes de l'entraîneur, mais ce dernier devait tout de même s'aligner avec les circonstances de la rencontre et faire quelque chose. Arrivèrent les deux autres expulsions, le sélectionneur ne pouvait dès lors rien faire et je dirai que même si c'était la grande équipe du Brésil qui était à notre place, elle n'aurait rien pu faire et aurait certainement encaissé ces buts. Pour résumer, je dirai qu'il faut tout simplement assumer ce revers. Il y a eu des erreurs tactiques, il y a eu aussi la responsabilité des joueurs qui ont été expulsés. Maintenant, il faut oublier tout cela et se remettre au plus vite au travail. Cette CAN va beaucoup servir aux joueurs et les aidera à bien se préparer pour la Coupe du monde. * Qu'avez-vous à dire du geste de Chaouchi envers l'arbitre après le premier but de l'Egypte ? Tout le monde a vu cette action, mais par respect à l'équipe, je ne vais pas porter un jugement par rapport à tout cela pour ne pas ajouter de l'huile sur le feu et envenimer encore plus les choses. Ce que je peux dire néanmoins, c'est que Chaouchi devait garder son calme et ne pas s'emporter ainsi. A travers ce geste, entre autres, on déduit que notre équipe n'était pas bien préparée psychologiquement pour cette rencontre capitale. * Qu'entendez-vous par là ? Vous savez, si les joueurs avaient été vraiment bien préparés psychologiquement, on n'aurait jamais assisté à l'expulsion de trois d'entre-deux. Il faut le dire clairement, les confrontations algéro-égyptiennes ont un cachet très spécial. Pour cela, un travail psychologique de fond doit être entrepris avant chaque match pour ne pas passer à côté. Ce ne fut pas le cas malheureusement hier soir (NDLR : entretien réalisé hier) où nos joueurs étaient complètement dépassés dans ce registre-là. * Malgré cette défaite, les Algériens sont sortis dans les rues après la rencontre et ont manifesté leur soutien à leurs favoris… C'est une bonne chose. Il ne faut pas oublier aussi que c'est cette même équipe qui nous a donné de la joie et du bonheur trois jours auparavant lorsqu'elle a sorti la Côte d'Ivoire de la compétition avec l'art et la manière. On ne doit pas être ingrat avec elle rapidement. On a perdu, c'est ça le football, on doit accepter cela et repartir du bon pied. Ça nous servira de leçon à l'avenir et nous permettra de corriger nos lacunes. * La CAN n'est pas encore finie pour l'Algérie puisqu'un autre match l'attend demain (aujourd'hui, ndlr) face au Nigeria. Un match qui ne tombe pas au bon moment, n'est-ce pas ? Effectivement, il ne vient pas au bon moment, mais ça sera une occasion pour notre équipe de se racheter et de rectifier le tir. Il y aura certainement beaucoup d'absences de notre côté, cela permettra aux joueurs qui étaient jusque-là remplaçants de faire leur apparition et de prouver leur valeur. J'espère qu'on fera un bon résultat et qu'on décrochera cette 3e place. Ça sera vraiment extraordinaire. * Quels enseignements pourrions-nous tirer de cette participation à cette CAN ? Ce que j'ai remarqué dans ce tournoi, c'est que le jeu de notre équipe n'est pas stable et pas du tout régulier. Face au Malawi, on prend une raclée d'entrée face au Mali, on montre un bon visage dans l'ensemble devant l'Angola. A part une bonne première mi-temps, on n'a rien vu après. Puis, vient ce match face à la Côte d'Ivoire, où l'équipe nous a tout simplement émerveillés. Et voilà qu'après, on retombe dans nos travers face à l'Egypte. Je pense que Saâdane a décelé les imperfections de l'équipe et aura désormais tout le temps devant lui pour bien régler tout ça et préparer au mieux le Mondial. Cette CAN a surtout permis à l'équipe de s'aguerrir et d'améliorer son jeu. Les automatismes entre les joueurs sont à présent bien huilés, ce qui nous servira à l'avenir. * On vous laisse conclure… Ce que j'ai à dire aux joueurs, c'est de ne surtout pas baisser les bras et de continuer à travailler. On a fait ce qu'il fallait faire dans cette CAN, on est arrivés jusqu'en demi-finale, et ce n'est pas rien. Il faut désormais se tourner vers cette Coupe du monde et bien la préparer. Espérons que d'ici-là, on sera encore plus forts. Entretien réalisé par Saïd Fellak