Le seul entraîneur étranger des gardiens en Ligue 1 française A ce jour, il reste le seul entraîneur étranger et de surcroît algérien chargé des gardiens de but en Ligue 1. Depuis onze ans, le très professionnel Aziz Bouras, 44 ans, dirige d'une main de maître le coaching des portiers du FC Sochaux-Montbéliard. Une longévité qui en dit long sur ses compétences. Aujourd'hui, cet ancien gardien de troisième division pourrait certainement donner des idées à Saâdane et consorts. Aziz Bouras est en place, et plutôt bien en place. Entraîneur-adjoint chargé des gardiens de but au FC Sochaux-Montbéliard depuis onze ans, ce quadragénaire possède le pedigree et l'expérience qui font souvent défaut en Algérie. Reconnu par ses pairs pour son exigence et son professionnalisme, cet ancien international juniors (1983) sous la direction du grand Lalmas, pourrait désormais s'avérer comme l'homme de la situation en vue de prendre en main ou de donner un coup de pouce au staff technique actuel et notamment à Hassan Belhadji. Passionné, travailleur infatigable et fou de l'Algérie, Aziz nous a chaleureusement accueillis dans les locaux du stade Bonal, une enceinte où d'habitude aucun journaliste n'est autorisé à s'y rendre. Aziz, sans même nous connaître, n'a pas hésité une seconde à nous faire découvrir ce lieu intime réservé aux seuls joueurs et dirigeants du club doubien. Mais ce n'est pas tout. Très proche de l'excellent milieu de terrain et futur néo-international (espérons-le), Ryad Boudebouz, Aziz s'est également confié au Buteur. Poignant ! «Si tu es bon, on te garde, sinon tu prends la porte !» Ancien gardien en troisième division dans les années 1980 et 1990, à Beaume-les-Dames (Doubs), Aziz Bouras aurait pu embrasser une carrière professionnelle s'il avait répondu favorablement aux sollicitations des dirigeants sochaliens de l'époque (lire entretien). Au final, ce fils d'ouvrier originaire de Grand-Charmont, un petit village du Doubs, goûtera toutefois aux joies du monde professionnel par l'intermédiaire de son statut actuel. Une reconnaissance quand on sait qu'avec Dominique Dropsy (Girondins de Bordeaux) et Joël Bats (Olympique Lyonnais), Aziz fait partie du trio d'entraîneurs de gardiens les plus réputés et expérimentés du pays. Une sacrée carte de visite pour cet enfant de Azzaba, débarqué du «bled» à seulement quatre ans et repéré seulement huit ans plus tard. Pisté un temps par le CR Belouizdad au début des années 1980, Aziz Bouras choisira finalement la stabilité et la tranquillité franc-comtoise au grand dam des dirigeants algérois de l'époque. Fervent supporter des Fennecs qu'il suit très attentivement, Aziz Bouras n'en reste pas moins sollicité par de nombreuses fédérations prêtes à lui offrir un pont d'or pour former leurs gardiens, à l'instar de la Fédération qatarie qui l'a missionné pour avril prochain. Qu'importe, «bien en place», Aziz n'hésiterait pas une seconde à mettre au profit de son pays, l'Algérie, ses compétences et son savoir-faire en la matière si, bien évidemment, les responsables algériens jugeaient bon de faire appel à ses services. Et, à en juger par le sérieux et la rigueur qu'il dégage aux séances d'entraînement, sans même évoquer le niveau très acceptable des portiers sochaliens, on peut aisément comprendre pourquoi ce perfectionniste est si convoité. A l'instar de Ryad Boudebouz, son ami, qu'il côtoie aux entraînements, Aziz Bouras fait partie de ces talents bruts formés à la française mais qui, aujourd'hui, et en réalité depuis toujours, n'ont jamais renié leurs origines ni rechigner à donner un coup de main au pays de leurs ancêtres. Allons-nous nous passer de leurs compétences une nouvelle fois ? Farouk Doukhi «Prêt à donner un coup de main à la sélection» * Aziz, vous faites partie des meilleurs entraîneurs de gardiens de but en France. C'est une immense fierté pour nous Algériens. Pourtant, on ne vous connaît pas énormément en Algérie… L'un des meilleurs, c'est certainement exagéré. Disons que je fais partie, avec Dominique Dropsy et Joël Bats, des plus anciens en Ligue 1. C'est une grande fierté. Mais, c'est vrai que je reste avant tout un homme de l'ombre, bien moins médiatisé que les entraîneurs en chef. * Pouvons-nous un jour vous voir diriger les gardiens de but de la sélection algérienne ? Je ne suis pas le plus avisé pour répondre, mais sachez toutefois que je serai bien évidemment honoré de donner un coup de main à la sélection nationale. Je profite de cette occasion pour remercier chaleureusement les joueurs et le staff pour l'immense joie qu'ils nous ont procurée après leur qualification au Mondial. * Plus clairement, seriez-vous disposé à intégrer le staff technique si la fédération vous sollicitait ? Très clairement, oui, et avec une immense fierté. * Votre professionnalisme et votre expérience seraient forcément deux atouts majeurs. Mais seriez-vous disposé à laisser votre poste à Sochaux ? Ce n'est pas d'actualité, mais je dois vous assurer que ce poste à Sochaux représente énormément dans ma carrière. J'ai connu six entraîneurs depuis onze ans (Jean Fernandez, Lacombe, Bijotat, Perrin, Hantz et Gilot). Je pense que rester en poste aussi longtemps signifie que je ne suis pas incompétent (rires...). Plus sérieusement, un poste avec l'équipe d'Algérie ne se refuserait pas. Mais je suis également trop loyal et respectueux pour abandonner un poste en cours de saison. * Que pensez-vous des actuels portiers de la sélection algérienne ? Je suis assez séduit par Faouzi Chaouchi. Je pense qu'il a le niveau de la Ligue 1 française, mais il doit forcément se montrer plus régulier et surtout se montrer plus efficace que spectaculaire. * Et Michaël Fabre ? C'est du costaud. Il peut apporter cette plus-value grâce à sa rigueur. Je le connais à travers son parcours avec les Bleus. Je sais qu'il a rejoint l'Italie très jeune, ce qui prouve qu'il a forcément du talent. * Le gardien algérien s'exporte mal. Pourquoi ? Il lui manque certainement un brin de professionnalisme. Cela passe par une hygiène de vie et une alimentation irréprochables. Les gardiens algériens doivent également se renforcer sur le plan mental. * A l'heure actuelle, avez-vous repéré des gardiens d'origine algérienne en France susceptibles d'embrasser une carrière professionnelle ? Malheureusement, non. Depuis quelque temps, ce sont les Africains qui réussissent à s'imposer. * Revenons à l'Equipe nationale. Vous côtoyez quotidiennement un grand espoir du football français mais aussi et surtout algérien, en la personne de Ryad Boudebouz. Peut-il nous apporter grand-chose ? Et comment ! Ryad serait forcément un énorme plus pour les Verts. Il est titulaire indiscutable, au top physiquement et très à l'aise techniquement. C'est quand même pas mal en ce moment ! * Faut-il le sélectionner ? Je ne peux pas répondre à la place de M. Saâdane. Mais une chose est certaine, Ryad pourrait se donner à fond pour l'Algérie. Je pense qu'en le sélectionnant, les responsables algériens lanceraient un signal très fort en direction des jeunes joueurs binationaux de très bon niveau (Tafer, Feghouli, Brahimi, etc.). L'Algérie pourra compter sur eux ! * Les trois qualités de Ryad Boudebouz ? Un très bon pied gauche ! Son aisance technique qui lui permet de réussir très souvent ses dribbles courts sur un espace très réduit. Je dirai enfin son côté offensif. Il reste très porté vers le but. * Que lui reste-t-il à travailler ? Il doit lâcher le ballon un peu plus vite et se faire violence, se montrer plus agressif, quoi. * Revenons sur votre parcours personnel. D'où êtes-vous originaire en Algérie ? Je suis né à Azzaba, une ville située à proximité de Skikda. * Comment en êtes-vous arrivé à revêtir le maillot algérien dans la catégorie juniors ? Cela remonte bien loin tout ça. En 1983, le sélectionneur des juniors, M. Lalmas, avait fait appel à mes services afin de garder la cage de l'Equipe nationale. J'ai été très honoré. C'était un moment fort. * Que pensez-vous des querelles souvent intestines qui minaient les relations entre joueurs locaux et professionnels ? Forcément, elles sont regrettables. Je pense qu'il n'y a pas lieu de penser que les émigrés sont des opportunistes. Bien au contraire, la grande majorité d'entre eux est très attentive à ce qui se passe au pays. Ils aspirent également à mettre au profit de l'Equipe nationale leur talent. Qui peut se permettre de les exclure ou de les snober sous prétexte qu'ils ont été formés en Europe ? C'est une immense chance qu'on ne peut pas leur reprocher. * Pensez-vous que les Verts ont une chance de passer le premier tour du Mondial ? Absolument. Nos joueurs sont très talentueux, mais ils vont devoir surtout former un bloc cohérent et solidaire face à de grosses sélections telles que les Etats-Unis et surtout l'Angleterre. Il va falloir bien préparer nos capés psychologiquement et physiquement. Merci de votre disponibilité. Entretien réalisé par Farouk Doukhi