A tête reposée, Abderrahmane Hachoud raconte le calvaire vécu à Bordj Bou-Arréridj lorsque la délégation algéroise a été agressée à la fin de la rencontre. Le natif d'El Attaf raconte toute la vérité. Entretien ! Deux jours après les incidents vécus à Bordj, que pouvez-nous dire ? Aujourd'hui, je m'estime heureux d'être en vie. Dieu merci, je ne cesse de Le remercier, car on a échappé au pire. Pourtant, le match s'est déroulé dans un fair-play total… Exactement, les supporters de Bordj sont sportifs. Il y a une minorité, comme les stadiers par exemple. Dieu merci, nos supporters ont été des hommes. Ils nous ont sauvé la vie. Je vous assure que dans la tribune, on entendait dire qu'il fallait sauver les joueurs, même si on est atteint par des projectiles. Je leur dis haut et fort, moi je n'ai jamais vu ça. J'ai vu le film Errissala, lorsque les musulmans protégeaient le Prophète Mohamed, et nos supporters qui nous ont protégés à Bordj. Je les remercie encore une fois de nous avoir sauvé la vie. Et je remercie aussi Dieu de leur avoir permis tous de rejoindre leurs domiciles sains et saufs. Vous avez pourtant porté les couleurs du CABBA pendant trois ans, mais vous avez eu droit à un accueil « très spécial »… Oui, j'ai porté les couleurs du CABBA. Peut-être que les gens ont mal interprété mes déclarations avant le match. Même un journaliste n'a pas repris fidèlement mes propos. J'avais bien précisé que je ne pourrai jamais oublier ce que m'a fait le CABBA. C'est un club qui m'a beaucoup donné, qui m'a beaucoup aidé. Les gens de Bordj peuvent s'informer auprès de l'imam Walid Mahsas. C'est un imam très connu à BBA et qui me connaît parfaitement, il est un de mes proches. Je ne suis pas un ingrat et je ne le serai jamais. Racontez-nous ce qui s'est passé à la fin du match et les principaux instigateurs… Ecoutez ! Au coup de sifflet final, je me suis retenu. Je ne voulais pas célébrer la joie de victoire par respect aux supporters du CABBA car j'ai déjà joué chez eux. Mon coéquipier Farid Chaâl était tout content de cette victoire et il s'est dirigé vers nos supporters pour jubiler avec eux. C'est de son droit de fêter la victoire, comme tous les autres joueurs. D'ailleurs, j'ai décidé de les rejoindre au virage où nos supporters avaient pris place. Mais iI y avait des gens qui voulaient agresser Chaâl. Je me suis dirigé vers lui, il y avait d'autres joueurs venus calmer les esprits. Puis, il y a eu des gens qui sont venus nous agresser et qui se sont avérés être des stadiers. C'est-à-dire les gens censés assurer la sécurité. A ce moment-là, j'ai perdu de vue Chaâl. On est venue vers et on m'a agressé. Tout de suite, j'ai décidé d'escalader le grillage pour accéder à la tribune. Là, j'ai trouvé d'autres joueurs comme Bourdim, Chaâl et Nekkache. Les supporters nous ont sauvé la vie. Pour être bien précis, vous êtes sûr qu'il s'agit de stadiers engagés par la direction du CABBA et non pas des supporters ? Ce sont les stadiers, les agents de sécurité qui ont été derrière ça. Par la suite, des supporters sont rentrés sur le terrain pour nous agresser aussi, mais ce sont les stadiers qui ont tout fait. Les supporters fidèles du CABBA n'y sont pour rien. Quelques pseudo-supporters sont rentrés sur le terrain pour nous agresser. J'étais accroché au le grillage avec la main ouverte, après avoir été blessé par une arme blanche. A ce moment-là, j'ai vu une scène qui m'a vraiment touché. J'ai vu le jeune Benarrous qui était en train de courir pour fuir ses agresseurs, il y avait 30 à 40 personnes. Azzi aussi. Tout le monde l'a agressé, mais c'est vraiment grave. On vous a agressé à l'arme blanche, c'est ça ? Oui, on m'a agressé à l'arme blanche. C'est un stadier qui tenait une arme blanche à la main. Même Benarrous et Bourdim en ont été victimes. C'est grave que dans une enceinte de football, il y a des armes blanches. Le pire, c'est que ce sont les stadiers, censés assurer la protection des joueurs. Finalement, ils se sont retournés contre nous. Dieu merci, aujourd'hui je peux dire qu'on a échappé au pire car il pouvait y avoir mort d'hommes au stade. Comment avez-vous pu rejoindre le vestiaire ? J'étais dans les gradins lorsque les supporters du Mouloudia ont commencé à appeler les pompiers pour m'emmener à l'hôpital car je saignais beaucoup. Ils sont venus et m'ont pris à l'intérieur d'une ambulance. J'y ai trouvé Walid Derrardja et un de nos supporters. Mais on est venus pour m'agresser aussi à l'intérieur de l'ambulance. J'ai donc fui directement vers la tribune pour une seconde fois. J'ai donc décidé de rester avec les supporters que de m'aventurer. Les supporters nous ont protégés, ils sont à remercier. Et après ? Je suis resté environ une demi-heure dans les gradins. Le commissaire au match est venu me prendre moi et Chaâl. On était les derniers à rentrer aux vestiaires. J'ai demandé des garanties pour rentrer. Il y avait aussi un supporter du CABBA que je connais bien et qui est venu me donner des garanties. La distance entre la tribune et le vestiaire est-elle importante ? Absolument. C'était très long pour moi. J'étais dans la tribune, je me suis dis à un moment donné qu'il fallait me sauver avec nos supporters et puis c'est tout. Je ne pensais pas que j'allais rentrer au vestiaire. Une fois dans le vestiaire, comme était atmosphère ? Sincèrement, je n'y ai pas cru mes yeux. Je ne voulais pas voir ma main au départ. Il y avait le jeune Benarrous qui a été sauvagement agressé, Demmou atteint par une barre au dos, Bourdim et Arous ont été agressés aussi. Azzi, n'en parlons pas. Il était en sang. Haddouche a été touché à la cheville. Notre coach Fares Belkhir a été gravement agressé à la tête à l'aide de chaises. Je connais la population de Bordj, elle ne fait pas ça. Même le président Benhamadi est connu pour être un fils de bonne famille. Vous les joueurs, vous allez sans doute vous sentir plus du tout en sécurité en déplacement… Notre président est connu pour être à nos côtés tout le temps. Kaci-Saïd a tout le temps fait son travail pour nous mettre en sécurité. Je le connais depuis 2014, il ne lésine jamais les efforts pour qu'on soit à l'abri, que ce soit nous ou nos supporters. Justement, une vidéo fait le buzz sur les réseaux sociaux où vous étiez en train de demander le président… Lorsque je suis rentré au vestiaire, je ne l'ai pas trouvé, j'ai eu peur pour lui comme pour mes coéquipiers et les autres membres de l'équipe, alors qu'il était sur la main courante. J'ai même cherché Rafik Saïfi. Je les ai cherchés. J'ai eu peur pour lui. Je tiens à le remercier. Il était à nos côtés. Il m'a même ramené dans son véhicule à Alger et m'a emmené dans une clinique pour me faire suturer. Même ceux qui étaient avec Kaci-Saïd, à savoir Mouloud et le coach Adel Amrouche, nous ont remonté le moral. Beaucoup disent que Kaci-Saïd n'était pas au stade au moment des événements, mais vous confirmez qu'il était bel et bien là ? Oui, il était bel et bien là. Les vidéos le montrent dans le vestiaire. Il a suivi la rencontre. Moi je me suis seulement inquiété pour lui et c'est pour cela que j'ai demandé après lui. C'est tout. Il est venu avec moi déposer plainte chez la police et il s'est même entretenu avec les supporters pour les rassurer. Etes-vous prêt à jouer ce vendredi face à la JS Saoura ? Je ne peux rien vous dire. Ce n'est pas à moi de décider, c'est au staff technique de prendre les décisions avec le staff médical. On est sur une courbe ascendante, il y a de bons résultats, on aimerait bien continuer sur cette lancée. Sur le plan personnel, êtes-vous apte à jouer ? Je ne sais pas. Les entraînements sont prévus demain (ndlr : entretien réalisé hier). Si le médecin me dit que je peux jouer, je le ferai sans aucun problème. Avec 16 joueurs blessés, c'est un nombre élevé, c'est presque impossible de jouer… Chacun son cas. Personnellement, je ne pense pas pouvoir jouer si le match est maintenu pour vendredi. Vous n'avez pas tari d'éloges sur les supporters. Leur geste va peut-être vous motiver à leur offrir un titre, non ? Dieu merci, nous avons retrouvé la confiance. Les supporters y sont beaucoup dans notre retour notamment lors du derby face à l'USMA. Grâce à eux, nous sommes revenus en force. Il ne faut pas s'enflammer. Il faut travailler et gérer les matchs un par un. L'année dernière, on avait parlé du titre et on est sorti les mains vides. Cette saison, on veut leur donner le sourire. Personnellement, je ferai le maximum sur le terrain, quitte à y laisser ma vie, pour les rendre heureux. Tous les joueurs sont unanimes à dire qu'il faut se sacrifier pour eux, à sacrifier notre sang pour eux. Ce qui s'est passé à Bordj vous a permis de renouer les bonnes relations avec vos supporters… Il n'y avait pas de mauvaises relations, il y avait un passage à vide, c'est tout. Des gens en ont profité pour semer la zizanie c'est tout. Mais il faut savoir que c'est grâce à nos supporters que nous sommes revenus en force.