«Je me présenterai aux élections présidentielles du Liberia l'an prochain» Quels joueurs pourraient espérer remporter le prochain Ballon d'Or FIFA, selon vous ? Pour être honnête avec vous, je suis un peu déçu par la qualité des joueurs dans ce Mondial, mais je peux quand même vous donner les noms de deux joueurs que je pense être au-dessus du lot ces derniers temps. Je ne me base pas sur ce qu'ils ont réalisé dans ce Mondial, car ça reste encore modeste à mes yeux pour mériter un titre aussi prestigieux que le Ballon d'Or. Je pense en fait à Villa et Robben pour ce qu'ils ont entrepris avec leur club cette saison. Dites-vous cela parce que vous voyez l'un de ces deux joueurs champions du monde cette année ? Non, je ne dis pas qu'ils seront champions du monde, mais au vu de ce qu'ils ont montré depuis le début du Mondial, je crois que ce sont les joueurs qui ont montré le plus de régularité en réalisant des prestations très consistantes. Quelle explication pourriez-vous donner aux échecs des équipes africaines dans ce Mondial ? Il y a deux éléments de base pour expliquer ce ratage généralisé. Le premier est lié à la mauvaise préparation des équipes. Je n'ai pas vu une seule équipe préparée comme il se doit pour une telle compétition. C'était trop pauvre à mon sens, parce qu'on voyait beaucoup de déchets dans leur jeu. Ce n'était pas vraiment ce qu'on pouvait espérer. Je crois qu'il y a eu une très mauvaise gestion de ce volet. On ne se prépare pas en trois semaines pour une Coupe du monde. Il fallait aussi faire un travail psychologique aux joueurs pour mieux les préparer. Mais c'est parce que les championnats européens ne permettent pas de faire autrement, non ? J'attendais bien cette question. Mais la réponse est toute simple, cela prouve qu'on ne travaille plus dans les clubs africains. Tous les joueurs sélectionnés évoluent en Europe et on n'a pas de plan B pour parer à ce problème. Cela ne date pas d'aujourd'hui, mais il me semble que les Fédérations africaines se plaisent à opter pour la facilité. Tous les joueurs africains évoluent ou ont été formés en Europe. Vous trouvez cela normal ? Pas moi ! Quelles sont donc les solutions ? J'aurais aimé aussi voir les joueurs africains rester chez eux, dans des championnats forts et crédibles. La préparation aurait été nettement meilleure. Les coachs auraient sans doute eu plus de temps pour préparer leurs joueurs. Si on encadrait les joueurs locaux mieux que ce qui se fait aujourd'hui, on pourrait leur ajouter une poignée de joueurs professionnels évoluant à l'étranger et ça pourrait donner des équipes plus consistantes, ou tout au moins, ayant plus de cohésion. Je l'ai vécu moi-même en sélection. Lorsqu'on m'avait confié la direction de l'équipe du Liberia, j'avais deux équipes : les A et les B. Et j'investissais plus dans l'équipe B, qui était composée essentiellement de joueurs locaux, que de celles des joueurs professionnels. Ces derniers ne viennent que pour renforcer l'équipe et ne pas la composer dans sa totalité. C'est cela qui a faussé la préparation de toutes les équipes africaines dans ce Mondial. Je préfèrerais qu'on fasse plus confiance aux joueurs locaux qui ont une meilleure technique et leur donner les moyens qu'il faut pour élever leur niveau de jeu à celui de la Coupe du monde. Pourquoi ne fait-on pas assez confiance aux entraîneurs africains ? C'est une question que vous devriez poser aux présidents des Fédérations africaines. Je pense qu'ils développent un grand complexe de l'étranger et c'est très regrettable. C'est comme s'il n'y avait aucune compétence dans nos pays. Je me demande pourquoi on ne veut pas donner la chance aux anciens grands joueurs africains dans leur propre pays. Les statistiques le montrent bien sur au moins une décennie. Les meilleurs résultats des sélections africaines ont été arrachés grâce aux entraîneurs locaux. Mais les gens veulent rester aveugles devant cette réalité. Je pense qu'on devrait même leur forcer le bras d'une manière ou d'une autre pour se débarrasser de ce complexe. Certains entraîneurs africains ont pourtant fait du bon boulot chez les jeunes, puis ont été écartés par la suite… C'est le cas de l'entraîneur du Ghana des U19, Sellas Tetteh, qui a été champion du monde 2009 face au Brésil, mais à qui on n'a jamais voulu donner sa chance chez les A. C'est pourtant lui qui avait en charge une bonne partie des joueurs qui composent le Ghana d'aujourd'hui. On ne veut pas reconnaître ses compétences, ni même son mérite. Et pourtant, c'est quelqu'un qui a prouvé qu'il pouvait mener ses joueurs vers la victoire finale. C'est là qu'on voit que les dirigeants qui détiennent le pouvoir dans ces fédérations n'ont aucune reconnaissance, ni même la passion du football. Les programmes ne sont pas faits pour encourager les jeunes talents à éclore. C'est regrettable ! On ne veut pas croire en ces Africains. Je suis sûr que si on leur donne la possibilité de le faire, ils réussiront là où les étrangers ont échoué. En plus, ça leur reviendra beaucoup moins cher ! Pourquoi ne veut-on pas le faire, à votre avis ? Non, vous vous trompez, ce n'est pas qu'ils ne veulent pas le faire, mais c'est juste parce que les gens s'en fichent royalement. Je vous donne un exemple. Quand une sélection africaine voyage par avion, vous trouvez tous les dirigeants assis en première classe, alors que les joueurs sont en classe économique. C'est comme si c'était les officiels qui avaient besoin de se reposer plus que les joueurs. Lorsque j'étais au Milan AC, les officiels partageaient la classe économique avec les joueurs et personne ne trouvait cela anormal. En Afrique, c'est l'inverse que ces dirigeants trouvent normal. Ce n'est pas bien ni pour les joueurs, ni pour l'image de la délégation. Laissez-moi vous donner un autre exemple. En 1996, lors de la CAN en Afrique du Sud, nous les joueurs avions eu 100 dollars par jour de frais de mission, alors que nos officiels en avaient eu chacun 400 dollars. C'est ça l'injustice dont je veux parler. Vous ne pouvez pas encourager les joueurs à se donner pendant le match. C'est cela que je déplore en Afrique. Que pensez-vous des prestations de Messi, Kakà et Ronaldo qui sont aujourd'hui éliminés, alors qu'on attendait d'eux beaucoup mieux ? Je crois que Messi n'a pas été mauvais dans ce Mondial. Même s'il n'a pas marqué de but, je pense qu'il a bien joué. On a tendance à mettre trop de pression sur les épaules du meilleur joueur, alors que dans une équipe, il y a un gardien et neuf autres joueurs avec lui. De plus, lorsqu'un grand joueur arrive en fin de saison après avoir joué un très grand nombre de matchs avec son club, il faut aussi que ses coéquipiers l'aident en prenant un peu plus sur eux-mêmes. C'est trop de pression sur un seul joueur. Le football est un jeu collectif, comme l'a signalé tout à l'heure M. Blatter. On ne doit pas compter que sur un seul joueur. Le Ghana a prouvé qu'on pouvait faire son chemin en se partageant les rôles et surtout les responsabilités. Quel est votre favori pour le titre de champion du monde 2010 ? Je ne suis pas devin pour jouer aux pronostics, mais d'après ce que j'ai vu, je pense que l'Allemagne et les Pays-Bas ont de grandes chances de finir champions du monde. Je ne veux pas minimiser les performances de l'Espagne et de l'Uruguay, mais, à mon avis, cette Coupe du monde sera soit allemande, soit hollandaise. Ce sont ces deux équipes qui ont montré le visage d'un champion du monde. On reconnaît cela par l'ambiance qui règne entre les joueurs et leur coach. C'est cette impression d'unité totale autour d'un seul but qui différencie l'Allemagne et la Hollande des autres. Les deux équipes pratiquent un football séduisant et très en mouvement. C'est ce qui me plaît le plus. Allez-vous vous représenter pour l'année prochaine aux élections présidentielles au Liberia ? Comme vous pouvez le voir, je veux apporter quelque chose de mieux à mon peuple. Je veux me présenter avec un programme fiable qui puisse aider les gens pauvres à sauver leur vie. Je me suis toujours battu pour les bonnes causes et celle de mon pays en est sans doute l'une des plus grandes. Pourriez-vous nous donner votre onze africain dans cette Coupe du monde ? Oh, c'est trop me demander ! C'est trop dur de faire cela. Je ne suis pas un technicien. Je ne suis qu'un ancien joueur. Lorsque j'étais dans le onze africain de l'année, c'est vous, les journalistes, qui élisiez les meilleurs joueurs du tournoi. Donc, vous n'avez qu'à bien réfléchir sur cette question pour m'aider à les trouver. N'oubliez surtout pas de me l'envoyer ! Pensez-vous que les équipes africaines ont bien joué malgré leur élimination ? Celui qui continue à le penser en 2010 n'a encore rien compris au football. Comment peut-on se contenter de défaites et de matchs nuls en disant qu'on a bien joué ? Tout le monde a vu que les équipes africaines ont mal joué. Les résultats parlent d'eux-mêmes. Je ne veux plus faire dans les sentiments. En Afrique, on est tous des techniciens, mais tactiquement, on ne vaut rien. C'est notre grand défaut. Mais certaines équipes dont les joueurs sont très techniques, comme la Côte d'Ivoire, ont voulu jouer trop tactique, mais ils ont fini par perdre leur jeu. C'est aussi une grande erreur. On n'a pas encore de culture propre à nous en matière de football. On devrait s'inspirer des équipes de l'Amérique du Sud et du Nord. Un mot sur l'équipe d'Algérie ? Si on ne marque pas de buts, on ne peut pas espérer gagner ses matchs. C'est le problème de tous les Africains. On devrait investir dans la formation des attaquants. Mais je ne veux pas être sévère avec l'équipe d'Algérie, car elle renferme des joueurs encore jeunes qui ont l'avenir devant eux. Ils peuvent encore progresser. Il suffit de continuer à travailler un peu plus.