Champion de France avec Auxerre après avoir été champion d'Algérie avec le MCO. Abdelhafid Tasfaout a eu la lucidité en 1995, d'accepter d'être transféré à l'AJ Auxerre alors qu'il était une star en Algérie. C'était un vrai acte de lucidité car il a tenté un pari pas du tout évident : s'imposer au sein de l'effectif du club français. En cas d'échec, il courrait le risque de voir sa réputation s'effilocher et, du coup, perdre toute son aura au pays. Sûr de son talent, il a réussi. La raison ? Il a mis le challenge sportif en premier chef. «J'étais été champion d'Algérie avec le MCO, deux fois meilleur buteur du championnat, meilleur joueur du championnat, international… Bref, j'avais tout gagné dans mon pays. Je pouvais rester peinard au MCO, empocher des primes de signature et gagner encore quelques titres. Cependant, je voulais passer un cap et évoluer dans un championnat européen respectable et c'est pour cela que j'ai accepté l'offre d'Auxerre. A 26 ans, c'était le moment pour moi de passer au palier supérieur», explique le meilleur buteur algérien en sélection. «J'avais dit à Elimam que l'argent n'était pas ma priorité» L'aspect sportif, dans sa tête, passait avant l'argent. «J'avais dit à Kacem Elimam, président du MCO à l'époque, que l'aspect financier ne constituait pas ma priorité dans les négociations et que j'étais prêt à accepter toute offre respectable. Comme M. Elimam était soucieux de l'intérêt du joueur avant tout, il a accepté mon transfert, même si les conditions financières n'étaient pas très avantageuses. C'était finalement le bon choix car, à l'AJ Auxerre, j'ai eu la chance de remporter le doublé coupe-championnat dès ma première saison. Cela m'a ouvert la voie à plusieurs saisons d'exercices dans la Ligue 1 française et une participation à la Ligue des champions. Sportivement, ça m'a beaucoup apporté», raconte-il. «Partir, oui, mais dans un club de qualité» Son expérience devrait être un encouragement pour les jeunes joueurs afin de tenter leur chance en Europe. «Oui, je suis favorable à ce que des joueurs algériens partent jeunes en Europe, mais à condition qu'ils aient le talent nécessaire pour jouer parmi l'élite. Partir juste pour partir, ce n'est pas intéressant. Honnêtement, il n'y a pas beaucoup de joueurs talentueux en Algérie actuellement car il y a défaillance au plan de la formation. A mon époque, alors qu'il y avait quand même des talents, très peu de joueurs ont pu atterrir dans des clubs de première division française. Il y a eu Moussa Saïb avant moi et Rafik Saïfi après, avec trois ans entre deux départs. Il y a donc un souci de qualité. S'il y a un jeune joueur qui a le potentiel pour jouer en élite en Europe, qu'il n'hésite pas à partir, mais il faudra qu'il se montre patient au début. En fait, il faudra qu'il fasse un choix : la carrière ou l'argent. Il peut avoir les deux s'il ne brûle pas les étapes.» «Ils touchent 800 millions, mais ne mettent pas 20 millions pour l'assurance !» Tasfaout ne manque pas de fustiger la mentalité du joueur local actuel, «plus focalisé sur l'argent que sur la performance». «Son seul souci est de signer pour une seule saison en glanant la plus grosse prime possible, puis passer à un autre club pour faire la même chose. Toute sa carrière se résume à cela. Et le palmarès dans tout ça ? Où est le souci de jouer dans le haut niveau ?», regrette-il. «Plus grave encore : il y a des joueurs qui touchent des primes faramineuses, mais qui refusent de mettre une petite partie du montant dans une police d'assurance. C'est quoi 15 ou 20 millions de centimes quand on touche 600 ou 800 millions de prime ? En cas de blessure grave ou d'accident, ils se retrouveront sans ressources, car non assurés. Tout cela parce qu'ils sont mal conseillés et ne connaissent pas leurs intérêts.» La solution ? «Que les joueurs s'organisent et se constituent en association de joueurs professionnels. C'est la meilleure façon pour eux de défendre leurs intérêts.»