« Je suis venu avec le défi de mener le Maroc à bon port » Rigoureux, sérieux et ne sourit que rarement. Eric Gerets garde toujours ce charisme, cette détermination et cette rage de vaincre du défenseur qu'il fut à l'époque. L'entraîneur belge et nouveau sélectionneur du Maroc a honoré sa première sortie à la tête de la barre technique des Lions de l'Atlas contre l'Irlande du Nord à Belfast. Gerets est le premier entraîneur belge à prendre en main la sélection marocaine et sur qui tout le peuple du royaume chérifien compte pour redresser la barre d'une équipe qui n'a pas gagné le moindre match depuis une année. Dans cet entretien, l'ex-entraîneur de l'OM revient sur son premier test contre l'Irlande du Nord et dit comment il compte s'y prendre à l'avenir. Quels sont les enseignements que vous avez tirés de la rencontre de l'Irlande du Nord ? C'était mon premier match avec l'équipe marocaine. Comme je l'ai déjà dit, c'est un match important pour les joueurs devant une équipe qui a ses propres caractéristiques, dont le jeu est basé sur le physique et le rythme élevé. C'était une confrontation bénéfique du moment que la réaction des joueurs était positive. Notre rendement était bon, nos joueurs ont montré un visage convaincant. Ce qui nous amène à dire que nous possédons une équipe à la hauteur et des joueurs sur lesquels on peut compter à tout moment. Nous méritions de gagner ce match, ce qui explique d'ailleurs la frustration manifestée par les joueurs dans les vestiaires à la fin du match. Qu'est-ce qui vous a plu chez la sélection marocaine dans cette confrontation ? Tout était bon en réalité et nous avons gagné beaucoup de choses. Comme je vous l'ai dit, notre rendement était bon, je suis convaincu par la prestation de mes joueurs qui ont pratiqué un football moderne. On était meilleurs, il y avait une bonne cohésion entre les trois compartiments, et les joueurs ont fait preuve de détermination pour gagner ce match. Mais comme dans chaque rencontre, l'entraîneur essaie de prendre des notes afin d'améliorer le jeu de match en match. Il s'agissait de votre premier match avec la sélection, vous souhaitiez certainement commencer par une victoire n'est-ce pas ? De ce côté, je suis vraiment frustré, j'aurais aimé que ce soit le cas. C'était mon premier match, on a planifié avec les joueurs dans le but de réaliser un bon match, ce que nous avons réussi. Mais pour gagner un match, il faut marquer des buts et ne pas se contenter du bon jeu. Mais bon, comme il s'agit d'un match amical, le plus important est de tirer des enseignements nécessaires. Vu la physionomie du match, on voit bien que la sélection marocaine a raté la victoire… Nous méritions absolument de gagner ce match avec un écart de plus d'un but. On a créé des occasions surtout en première mi-temps, comme celles de Youcef Hadji et Adel Hermach qui a frappé sur le poteau. On aurait pu tuer le match en première mi-temps alors que leur but d'égalisation est un cadeau que nous leur avons offert. En seconde période et particulièrement dans le dernier quart d'heure, le rythme a baissé d'un cran... Tout à fait, le rythme a baissé en deuxième mi-temps, et nous avons vu des joueurs du Maroc moins présents sur le terrain. A quoi cela est dû à votre avis ? C'est à cause des changements qu'on a effectués en deuxième mi-temps. On a voulu faire reposer certains joueurs, mais certains changements étaient obligés après les blessures de Hermach et Mehdi Benattia et qui nous ont perturbés. N'oubliez pas également les conditions climatiques difficiles dans lesquelles s'est déroulée la rencontre. Il y avait beaucoup de pluie et de vent, et le terrain était lourd. Que pensez-vous du rendement des nouveaux joueurs qui ont honoré leur première convocation avec la sélection ? J'étais surpris par la bonne prestation de Nacer Chadli. Il a joué avec beaucoup de confiance bien qu'il s'agisse de son premier match. C'est un bon joueur et il peut apporter le plus attendu. Idem pour Younes Belhenda. Mais le plus important, c'est le collectif, et non les individualités. En évoquant Chadli, que pensez-vous de sa déclaration dans laquelle il a affirme qu'en dépit de sa participation dans cette rencontre, il n'a pas encore pris une décision finale de porter le maillot marocain ? Je ne peux rien faire, c'est une affaire qui le concerne, il est le seul qui peut prendre une décision. Je ne peux pas influer sur son choix. On lui a adressé une convocation pour jouer au Maroc, et le plus important est qu'il soit convaincu par son choix. La balle est dans son camp, c'est à lui de choisir ce qu'il veut. Et qu'en est-il du cas de Carcela, pensez-vous qu'il jouera pour le Maroc ? Oui, Mehdi Carcela jouera pour le Maroc et ce après les contacts qu'on a entrepris avec lui. Il fait partie de ces jeunes joueurs et constitue une valeur en plus pour la sélection marocaine. Y aura-t-il de nouveaux joueurs dans la sélection ? Naturellement, nous allons continuer à chercher de nouveaux joueurs et élargir notre champ d'exploration dans l'intérêt de la sélection. On suit un groupe de joueurs dont certains ont joué pour la première fois avec les Lions comme Chadli et Belhenda. La porte est ouverte pour tous les joueurs qui s'illustrent dans les différents championnats. On se focalisera sur les joueurs les mieux en forme. Bien que vous disposiez d'assez de temps pour parer aux défections de Bassir et Boussouffa, vous aviez préféré garder vingt joueurs seulement… Vingt joueurs étaient suffisants pour jouer ce match amical. J'ai décidé de ne pas changer Boussoufa et Bassir après leurs blessures, car je fais partie des entraîneurs qui font appel au plus grand nombre de joueurs en prévision d'un match amical. On avait un nombre suffisant de joueurs pour ce match de l'Irlande, c'est la raison pour laquelle j'ai préféré garder le même effectif pour la stabilité de l'équipe. Boussoufa et Bassir ont participé à notre stage pour qu'ils restent dans l'ambiance de l'équipe. Encore une fois, Adel Taarabt s'est illustré par son absence. Ce n'est pas la première fois qu'il déclare forfait pour cause de blessure, n'est-ce pas ? Les responsables m'ont assuré qu'il s'est absenté à cause de la blessure et il a envoyé un fax affirmant qu'il est blessé. Je ne sais pas s'il l'est ou pas, mais nous allons nous assurer de cela dans un avenir proche. Je ne peux pas faire pression sur quelqu'un pour porter le maillot de la sélection, cela concerne le joueur lui-même. Il est insensé d'imposer à tel ou Untel de jouer pour la sélection de son pays. Quelle est la place des joueurs du championnat marocain, y aura-t-il un intérêt pour les joueurs locaux ? Absolument, je suis le sélectionneur du Maroc, ce qui signifie que n'importe quel joueur qui mérite de porter le maillot de l'Equipe nationale est le bienvenu quel que soit le championnat dont il est issu. Je superviserai les joueurs locaux de la même façon que ceux qui évoluent dans les différents championnats étrangers. On a pris quatre de ces joueurs lors de la rencontre contre l'Irlande et le nombre pourrait augmenter ou baisser, c'est selon. Avez-vous une idée sur le niveau des joueurs locaux, bien qu'il soit prématuré de les juger ? Je sais que le joueur local est pétri de qualités techniques, et avec plus de temps j'aurais une idée plus précise. S'intéresser au championnat local fait partie de mes plans. Pour le moment, je n'ai vu qu'un seul match du championnat, je ne peux donc faire un jugement. Mais je vous assure que je porterai le même intérêt pour le joueur local que celui qui joue ailleurs. Il y a aussi la sensibilité entre les joueurs locaux et professionnels... Je crois que chaque joueur qui porte le maillot de l'équipe nationale est Marocain. Il n'y a pas de Marocains émigrés et Marocains locaux. Vous devez éviter d'utiliser ces termes car c'est tout le monde qui défend les mêmes couleurs. L'équipe doit être soudée, je focalise sur l'esprit du groupe et le sérieux dans le travail, je ne fais pas de différence entre le joueur local et le professionnel. Le plus important, c'est d'atteindre les objectifs que nous avons tracés et amener la sélection à bon port. C'est le défi pour lequel je suis venu. Que manque-t-il à cette équipe marocaine pour pouvoir être à la hauteur des ambitions des supporters qui attendent beaucoup de leur sélection ? Il faut travailler sur le plan collectif et essayer de remettre les joueurs en confiance. Je sais que la sélection marocaine a traversé des situations difficiles. La preuve, elle n'a pas gagné depuis un an. Ce qui est susceptible d'influer sur les joueurs au niveau de la confiance suite à l'accumulation des mauvais résultats. Nous allons donc travailler sur ce plan et essayer de gagner en confiance. Nous allons faire en sorte d'être à la hauteur des ambitions du public marocain. Qu'en est-il des plans technico-tactiques que vous comptez utiliser en sélection marocaine ? Il est prématuré de parler de ces points. C'est sur la base des joueurs qu'on dispose qu'on va construire notre plan tactique. C'est comme ça que je procède. Connaître d'abord le niveau de ses joueurs et opter pour telle ou telle tactique. Vous ne pouvez pas mettre un joueur dans un poste qui n'est pas le sien et lui demander un meilleur niveau. J'ai dirigé mon premier match, j'ai pris des notes et je suis sorti avec des enseignements. Le stage de deux jours qui a précédé le match ne me permet pas de trancher ni l'effectif ni le plan tactique qu'on va utiliser d'autant plus qu'il y avait des absences. On ne peut rien trancher pour le moment. L'équipe olympique étant le réservoir de l'équipe première, vous aurez certainement des rencontres avec l'entraîneur de cette catégorie, le Hollandais Pim Verbeek, n'est-ce pas ? C'est nécessaire qu'il y ait un contact entre nous. Il y a lieu de faire un travail de fond et il y aura des programmes, des rencontres avec les cadres. L'équipe olympique est le réservoir de l'équipe A, et il est nécessaire qu'il y ait un travail de cohésion entre les cadres qui sont animés d'une grande volonté pour réaliser un saut de qualité dans le football marocain. J'ai trouvé en les responsables une détermination importante pour réussir. Je sais qu'avec Verbeek et les cadres, le meilleur est à venir. Une victoire et un nul, tel est le bilan de la sélection marocaine lors des éliminatoires de la CAN 2012. Etes-vous satisfait d'un tel début ? Malheureusement, l'équipe marocaine a raté son premier match à domicile en faisant match nul contre l'Afrique centrale, mais elle s'est rattrapée en revenant avec les trois points de la Tanzanie. Ça reste un bilan positif qui nous ouvre la voie pour la qualification. Mais nous devons tourner la page et penser à l'avenir. Nous allons entamer une étape très importante où l'erreur est interdite. Nous devons faire preuve de vigilance du moment que toutes les équipes ont les mêmes chances de qualification. Pensez-vous déjà à la rencontre prévue contre l'équipe d'Algérie ? C'est un match très difficile. Après sa défaite dans le match précédent, l'équipe d'Algérie fera tout pour gagner. La pression sera de ce fait du côté des joueurs algériens, d'autant plus qu'ils joueront sur leur terrain et devant leurs supporters. Nous devons exploiter ce facteur et si nous réussissons un résultat probant lors de cette journée, nous aurons franchi un pas vers la qualification. Mais ce sera un match difficile que nous allons préparer avec l'intention de revenir avec un résultat positif. C'est votre première expérience en tant que sélectionneur, comment vivez-vous cette nouvelle expérience dans votre carrière d'entraîneur ? On ne peut comparer cette expérience avec celles que j'ai vécues avec les clubs où je suis passé. L'entraîneur cherche toujours de nouvelles expériences. Il y a un changement dans la méthode de travail. En club, on est tout le temps en contact avec les joueurs et les entraînements, contrairement à la sélection où les stages et les matches sont organisés selon des rendez-vous bien définis. Ce qui m'a encouragé à entraîner le Maroc est la proximité, ce qui me facilite de visiter mes enfants et petits-enfants en Belgique. Le football marocain est connu pour ses talents, ce sera certainement une expérience bénéfique et une autre découverte dans ma carrière. Votre longue expérience en tant que joueur vous aidera-t-elle dans votre nouvelle mission de sélectionneur du Maroc ? Pas à ce point, ce ne sont pas tous les joueurs qui se sont illustrés sur les terrains qui ont réussi dans leur tâche d'entraîneur. En plus, la mentalité du joueur d'aujourd'hui a changé par rapport à mon équipe. Aujourd'hui, l'entraîneur doit se focaliser sur le plan psychologique puisque le joueur a besoin qu'on lui explique plus. L'entraîneur doit s'adapter aux nouveaux concepts de la vie et savoir comment le joueur moderne réagit. Sinon il sera confronté à certains problèmes. Le monde a changé, l'entraîneur doit suivre, du moment qu'on ne peut pas changer beaucoup de choses. Et qu'en est-il du niveau technique, si on prend le poste de latéral droit, celui que vous occupiez par le passé ? Sentez-vous que son rôle a changé aujourd'hui ? Les latéraux d'aujourd'hui sont beaucoup plus offensifs, ils prêtent main-forte aux attaquants et se transforment même en buteurs. Mais à cette époque, je faisais partie des latéraux portés vers l'attaque. Peut-être que c'est le fait de jouer en attaque avant qui m'a aidé à me porter plus vers l'offensive. Votre expérience à Marseille reste une station importante dans votre carrière, mais vous avez surpris tout votre monde par votre démission en dépit des bons résultats que vous avez réalisés. Vous avez laissé l'OM à la seconde place au championnat… Oui, c'est une station importante pour moi, et j'ai laissé Marseille à la deuxième place. J'ai aussi tissé des liens forts avec les responsables, les joueurs et le public. Au fond de moi, je voulais continuer avec le club français, mais les responsables du club ne m'ont pas respecté. Je m'attendais qu'ils me parlent de la prolongation de mon contrat. Malheureusement, personne n'a parlé de ça, et j'ai été contraint de quitter le club avec un pincement au cœur. Un dernier mot pour le public marocain qui attend beaucoup de choses de vous ? Je suis très content de travailler au Maroc et j'espère qu'on sera tous heureux avec la sélection marocaine. Je n'ai pas l'occasion de me rapprocher du public, du moment que je viens d'arriver. J'ai eu une visite éclair à Casablanca et les gens ne m'ont pas reconnu (il rit), mis à part un petit groupe qui m'a souhaité la bienvenue. Je promets aux Marocains de réaliser de bons matches et de bons résultats et se qualifier pour les prochaines échéances africaines.