Madjid Bougherra, la modestie au service de la communauté… Les supporteurs du Celtic, sympathisants de la Palestine ! C'était une haine «bleue» qui se lisait sur les visages des supporteurs des Rangers parmi lesquels nous avions trouvé place dans l'Ibrox Stadium, pour assister au célébrissime Old Firm (littéralement « vieille entente ») opposant les Gers au Celtic de Glasgow. D'emblée, la tension se ressentait d'un bout à l'autre de l'enceinte. At home, les inconditionnels des Rangers avaient occupé les trois-quarts des tribunes, laissant leurs ennemis jubiler derrière les cages Ouest, pour perturber Madjid Bougherra et sa défense. Les injures fusaient de toutes parts, et ni les gamins ni les vieilles mamies présents dans les tribunes ne pouvaient inciter les supporteurs à se retenir de verser dans leurs habituelles obscénités. Une hostilité ouvertement déclarée «F… youuuuu ! », «Bastars ! » et d'autres grossièretés du même genre marquaient bien les vœux que les Gers tenaient à adresser à leurs frères ennemis en guise de bonne année. Ailleurs, on qualifierait cela de simple chauvinisme sportif. Mais pas à Glasgow où l'hostilité était ouvertement déclarée. C'était suffisant pour prendre très au sérieux le danger qui planait au dessus du stade. Au fil des minutes, l'inquiétude avait suffisamment gagné les stadiers, reconnaissables par leur tenue jaune fluo et le service d'ordre s'était positionné tout autour du rectangle vert pour parer à tout débordement. Le spectre du drame du 2 janvier 1971 Il faut dire que le spectre du drame survenu le 2 janvier 1971 était omniprésent dans les esprits des supporteurs. Cette triste date anniversaire rappelait beaucoup la catastrophe vécue au même endroit, 40 ans auparavant lors du même Boxing day. Ce n'était pourtant pas une rixe qui avait causé les 200 blessés et les 66 morts parmi les supporteurs, mais juste le but égalisateur de Colin Stein pour les Rangers FC en toute fin de match. Ce qui amena une partie du public, qui quittait le stade, à revenir, croisant ceux qui partaient. La bousculade devenait inévitable et ce qui devait arriver arriva. Le bilan était lourd et les familles des victimes commémorent tous les ans ce triste souvenir. Les Rangers protestants et les Celtics catholiques La rivalité entre les deux clubs les plus titrés d'Ecosse (à eux seuls, ils totalisent la bagatelle de 95 titres de champion et 67 coupes) est plus compréhensible, lorsqu'on sait qu'elle puise son origine, essentiellement de la religion. En effet, les Rangers sont soutenus par la population protestante et donc, naturellement plus proches de la famille royale d'Angleterre. Les Celtics, pour leur part, sont plutôt de fervents catholiques et se rangent, de fait, du côté des Irlandais. Elle repose donc sur un différend historique, basé sur le communautarisme, mais aussi le schisme majeur qui secoua les chrétiens. Lors des différentes confrontations, on peut remarquer l'abondance des drapeaux irlandais chez les supporters du Celtic, et du Royaume-Uni chez ceux des Rangers. A chacun son camp et à chacun sa cause… Les supporteurs du Celtic, sympathisants de la Palestine ! Tout comme on peut remarquer depuis 2009, des drapeaux de… la Palestine dans les tribunes du Celtic ! Non, vous avez bien lu, les supporteurs du Celtic sont des sympathisants de la cause palestinienne et ce depuis que l'Etat sioniste d'Israël avait lancé une offensive de trois semaines dans la bande de Gaza en 2008, qui s'est soldée par quelque 1300 morts palestiniens, dont une majorité de femmes et d'enfants. Cette tuerie ébranla les catholiques du Celtic au point où un appel avait été fait aux spectateurs de brandir le drapeau palestinien durant le match contre Hapoël Tel-Aviv, en Europa League de l'année suivante. Au nom de son épouse juive, le Dr Reid au secours d'Israël Le drapeau de la Palestine sera exhibé depuis, malgré les tentatives d'avorter l'action par un des dirigeants les plus influents du Celtic, un certain Dr Reid, membre d'une organisation pro-israélienne et dont l'épouse est de confession juive. Reid avait même lancé un message officiel, pour les supporteurs, afin de leur signifier que le stade n'est pas l'endroit pour une manifestation politique, oubliant hypocritement la présence des drapeaux irlandais qu'il n'a jamais interdits. Un deux poids, deux mesures que le public des Celtics avait deviné de lui-même, réfutant totalement les doléances papelardes du patron du club. Beram Kayal, un Arabe israélien chez les Celtics, pour calmer les esprits… Dans une vaine tentative de calmer les esprits de leurs supporteurs de plus en plus bruyants et ostentatoires devant les caméras des télévisions, les dirigeants pro-israéliens du Celtic ont fait signer Beram Kayal, un international israélien, mais qui a la particularité d'être d'origine palestinienne et surtout de confession… musulmane ! Quoi de plus insidieux pour décourager les réticents, devenus de plus en plus nombreux ! Mais la ruse n'aura tenu que le temps d'une manipulation avortée, puisque les supporteurs du Celtic continuent à trimbaler dans leur paquetage, le fameux drapeau palestinien, au grand dam des sionistes et de leurs acolytes écossais. Et les Rangers avec le drapeau d'Israël pour narguer les ennemis ! Parallèlement à cela, des supporteurs des Gers ont répondu un jour à leur manière à leurs ennemis, en brandissant le drapeau d'Israël lors du derby, histoire de narguer leurs homologues du Celtic et se démarquer de leur sympathie pour la cause palestinienne. Ce qui envenima un peu plus la situation entre les deux galeries et la rendit en haut de l'affiche des rivalités les plus explosives de la planète football. Mais malgré toutes ces tensions, les supporteurs n'ont jamais cessé d'emmener femmes et enfants au stade. Question de culture ! Dans toute cette tension, Bougy fait l'unanimité à Glasgow C'est ce cadre foncièrement agressif que Madjid Bougherra a su apprivoiser au fil des trois années qu'il a passées jusque-là chez les Rangers. Et pour cause ! L'international algérien a réussi non seulement à se faire respecter par les supporteurs des Gers, mais aussi par ceux des Celtics. Ce qui n'est pas donné au premier venu. En témoigne ce jeune fervent des Vert et Blanc qui ne s'est pas empêché d'aller lui demander un autographe et immortaliser l'instant de cette rencontre par un fort sympathique «Bougy, Bougy !» qui l'aurait fait renier à tout jamais par son clan, si on l'avait entendu l'entonner. Mais Bougherra est réellement «Magic» et le jeune supporteur du Celtic s'est vite senti en confiance et son cœur s'est ouvert instinctivement devant tant de modestie de la part du défenseur algérien. Forcément, Bougherra fait l'unanimité même chez les ennemis ! Les joueurs des Gers, avec femmes et enfants au stade The Old Firm se terminera sur le score de 2-0 en faveur des Celtics qui jubileront une demi-heure après la fin du match, avant d'être escortés par les policiers jusqu'à leurs quartiers de base. Le derby n'a pas fait de blessés, si ce n'est cette blessure du cœur que les Gers traîneront honteusement jusqu'à la prochaine bataille. Madjid Bougherra, lui, ira récupérer son épouse présente au stade, ainsi que ses deux petites poupées, laissées avec les enfants des autres joueurs, dans un espace qui leur est réservé et où ils s'adonneront à diverses activités ludiques, le temps que les papas finissent de travailler. A voir ces bambins accourir vers leurs parents, pour rentrer à la maison, on ne s'est pas empêchés d'avoir une petite pensée à nos joueurs en Algérie qui ne s'imaginent sans doute pas qu'un tel encadrement existe dans le monde du football. La mort dans l'âme, on préfère ne plus y penser, tellement on en est loin chez nous… L'ENTV présente avec Le Buteur pour rencontrer Bougherra à Glasgow Bougherra nous donne rendez-vous dans la soirée pour aller à la rencontre de la communauté algérienne résidant à Glasgow. C'est Walid, le coiffeur attitré de Bougy, qui nous y emmènera. Le lieu est une grande salle renfermant une batterie de terrains de football à cinq. On y joue entre membres de la même communauté. Les Pakistanais et les Anglais de souche occupent déjà les deux terrains devant. Quelques mots en arabe algérien nous indiquent que nos compatriotes ne sont pas loin. Ils carburent à plein régime et ne remarquent même pas notre présence, malgré la caméra de nos confrères de l'ENTV, El Hadj Lounis et Mohamed Boutrik, venus tout comme nous, pour faire un reportage sur Bougherra en Ecosse. Il aura fallu les interpeller à deux reprises pour qu'ils daignent éteindre le contact de ce match fumant qu'il jouait entre eux. La belle surprise de Bougy à ses compatriotes La nouvelle se répandit aussitôt et les cousins affluèrent de partout afin de rencontrer la fierté des Algériens à Glasgow. «J'ai joué mon match et j'ai même pris ma douche. Mais dès que j'ai appris que Bougy allait venir ici, j'ai repris le chemin inverse pour ne pas rater l'évènement », nous confia Adel avec un large sourire. Un enfant qui jouait sur un terrain mitoyen, est arrivé en courant, vêtu du maillot des Verts, pour demander à son papa, dans un accent très algérois, de venir jouer un peu avec lui. «Il est né ici», nous révélera son père, à notre grand étonnement. Quelques secondes plus tard, Bougherra est annoncé devant la porte d'entrée. L'enfant n'en revenait pas de le voir si près de lui Il longera le couloir, avant d'arriver vers nous. A ses côtés, il y avait son grand ami Hamid Ameur, mais aussi Salim Kerkar, l'autre Ranger qui a également tenu à être de la partie. On dirigea le gamin vers Bougy, en lui fermant les yeux. Madjid ploya son 1,90m pour se baisser à son niveau. On enlève les mains des yeux de l'enfant et… quelle surprise ! Madjid Bougherra en personne tendait la joue pour lui faire la bise. Incroyable, mais vrai ! A cet instant, on a vu le môme planer de bonheur tellement il ne s'y attendait pas. Il a rejoué un match avec ses fans, après le derby face au Celtic Après avoir salué tout le monde et pris des photos souvenirs avec chacun des présents, Madjid Bougherra acceptera d'échanger quelques ballons avec Salim Kerkar, mais aussi avec tous les joueurs présents sur le terrain. La magie de Bougy opéra tout de suite, au point de voir tout le monde subjugué par tant de modestie et de disponibilité. Oubliant aussitôt qu'il avait joué un des plus chauds derbies de la planète, Madjid accepta d'intégrer une des deux équipes pour une partie amicale avec ses compatriotes. Salim Kerkar, un as du free-style En face de lui, Salim Kerkar en fît de même. Ce dernier gratifia les présents d'une séance de free-style de haut rang qui en disait long sur la pureté de son geste. D'ailleurs, le néo-Ranger semble avoir convaincu presque totalement son exigeant coach qui lui avait demandé de s'échauffer de la 50' à la 60' durant le derby face au Celtic. Mais un choix tactique obligea Walter Smith à se passer de ses services pour cette fois. Des jours meilleurs l'attendent sans le moindre doute lors de la phase retour du championnat, mais aussi avec les Verts, qu'il rêve de rejoindre en 2011.
«Spéciale dédicace pour mon ami Rafik Saïfi ! » Ils étaient vraiment agréables à voir tous les deux au milieu de ce beau monde de compatriotes qu'ils avaient rendus aussi heureux que fiers d'être algériens. Les joueurs issus des autres communautés les jalousaient silencieusement, appréciant le moment magique qu'offrait Magic à ses frères algériens. La tentation était tellement grande qu'ils n'ont pas pu résister longtemps pour venir immortaliser ce moment incroyable avec la star des Rangers. Salim Kerkar non plus, n'a pas été oublié, dès lors que les badauds apprirent qu'il s'agissait du dernier arrivé chez les Gers. Au bout d'une heure ou plus de jeu et de complicité, la partie de folie s'acheva par des accolades entre les deux joueurs et leurs admirateurs. Bougherra prît le ballon entre ses pieds joints et mima le saut du crapaud, en lançant en notre direction : «Ceci est une spéciale dédicace pour mon ami Rafik Saïfi !» La photo n'a pas été ratée au grand bonheur de tous… La « rechta » d'Algérie au repas de Bougherra La soirée allait se poursuivre chez Madjid Bougherra qui offrit en l'honneur des journalistes algériens un repas à l'algérienne. «Une rechta que mon ami et frère Hamid Ameur, grand restaurateur algérien à Glasgow, a tenu à nous préparer spécialement», nous confia Bougy entre beaucoup d'autres confessions, comme celle de son agréable surprise de voir combien Benchikha maîtrisait son rôle de sélectionneur national, ou alors celle de la progression de sa foi musulmane, depuis que Kerkar est arrivé à Glasgow. Après le dîner auquel a été convié le très gentil Salim Kerkar, Bougherra a pris part à une partie de dominos, un de ses passe-temps favoris, mais qu'il perdit tout comme le match de l'après-midi face au Celtic. Certes, Bougy a perdu deux fois ce jour-là, mais en revanche, il avait gagné les cœurs de tous ceux qu'il a croisés. Et cela n'a pas de prix ! De notre envoyé spécial à Glasgow, Nacym Djender