«Ghezzal est un attaquant rare dans le monde.» «J'ai joué en Grèce où le championnat ne peut rien apporter à Djebbour. Bougherra et Anthar Yahia doivent faire attention aux attaquants marocains.» Salah Eddine Al Bassir a été l'un des meilleurs attaquants de la sélection marocaine dans les années 1990. Il a joué dans pas moins de quatre championnats étrangers, la France, la Grèce, l'Espagne et l'Arabie Saoudite. Al Bassir était d'ailleurs l'un des artisans de l'exploit réalisé par la sélection marocaine en Coupe du monde 1998 qui s'est jouée en France. A l'approche du rendez-vous Algérie-Maroc, nous l'avons contacté pour lui demander son avis sur cette confrontation très attendue. Bonjour Salah Eddine, je suis journaliste du quotidien sportif algérien Le Buteur… Bonjour, je suis à votre service. Tout d'abord, nous voudrions savoir ce que vous faites actuellement, après avoir quitté le football ? En fait, je me suis pas éloigné du football. J'occupe le poste de conseiller du président du Raja. Je suis également président d'une association à caractère social. Comment vivez-vous au Maroc le match tant attendu entre l'Algérie et le Maroc prévu le 27 mars ? Le plus normalement du monde. Il n'y a aucune pression concernant ce match. Cela n'a rien à voir avec votre match contre l'Egypte. Personnellement, j'ai pris part à plusieurs derbys et je suis persuadé que celui-ci ne sortira pas de son cadre sportif. Comment voyez-vous cette rencontre ? On connaît bien la sélection algérienne qui doit impérativement gagner, vu sa position au classement. Il est vrai que l'Algérie aura l'avantage du terrain et du public. Maintenant si les joueurs ne savent pas comment gérer la situation, cela pourra se retourner contre eux. Le Maroc jouera en parallèle sans pression, du moment qu'un nul sera un bon résultat. La défaite, on ne la souhaite mais elle ne saurait être catastrophique. Ce qui ne sera pas le cas pour l'Algérie. Au Maroc, comment voyez-vous la sélection algérienne qui a régressé depuis la Coupe du monde ? Personnellement, je n'ai vu aucun match des Algériens depuis leur élimination du premier tour en Coupe du monde. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a plus de stabilité dans l'équipe, à cause du départ de Saâdane. L'effectif change de match en match. On voit aussi qu'on compte toujours sur les joueurs professionnels. Ils savent que 40 millions de personnes, que ce en Algérie ou au Maroc, les attendent. Ils sont conscients de ce qu'ils doivent faire. Le côté psychologique est très important dans ce genre de matchs. Celui qui ne saura pas gérer la pression perdra sans doute ce match. Que pensez-vous de la liste des 30 joueurs établie par Gerets ? Certains sélectionneurs optent pour des listes élargies, ce que je ne partage pas personnellement, puisqu'il sera contraint de retirer sept noms. Ce qui fait naître une certaine angoisse chez les joueurs. Forcément, ça se répercute sur leur concentration. Je pense qu'il aurait été plus judicieux de dresser directement une liste de 22 joueurs. Une pléiade de joueurs professionnels évoluant en Europe, notamment des attaquants, ont été appelés pour cette rencontre. Pensez-vous que cela portera ses fruits ? S'ils se trouvent en très bonne forme, ils seront la locomotive qui conduira l'équipe. Chamakh, Hadji, El Hamdaoui et Taârabt sont considérés par certains joueurs locaux comme des idoles. Vous avez joué en Arabie Saoudite, vous connaissez sans aucun doute Ziaya, comment jugez-vous son retour au-devant de la scène ; pensez-vous qu'il sera titulaire ? Je suis de temps en temps ce championnat, j'ai vu l'un des buts de Ziaya marqué d'un ciseau. Le championnat saoudien est d'un bon niveau, un joueur moyen ne pourrait pas y jouer. S'il est en bonne forme, il peut rendre service à son équipe puisqu'il est efficace et possède le sens du but. Je voudrais toutefois vous demander si l'attaquant expulsé en Coupe du monde se trouve dans la liste. Rappelez-moi son nom déjà ? Ghezzal. Oui, c'est lui. Certains doutent de ses capacités. Mais moi, personnellement, il me plaît. C'est un véritable attaquant. Actuellement, rares sont les attaquants qui défendent en même temps, se défoncent pour récupérer le ballon et ouvrir des brèches dans les défenses adverses. Connaissez-vous Djebbour qui joue en Grèce ? Bien que j'aie joué en Grèce, je ne le connais pas. Que pensez-vous du niveau du championnat grec ? D'après mon expérience dans ce championnat, j'ai constaté qu'il n'y a pas d'équilibre dans le niveau entre les équipes. Trois grands clubs possèdent de gros moyens et ont une grosse influence sur le championnat, alors que les autres sont modestes. Un championnat pas du tout équilibré. Djebbour a rejoint l'Olympiakos, pensez-vous qu'il s'agit d'un bon choix ? C'est mieux que de jouer dans les autres clubs. Mais comme je vous l'ai dit, il n'y a pas de rivalité dans le championnat grec. Le joueur qui veut améliorer son niveau doit rejoindre les plus grands championnats européens. Quel est le joueur qui vous plaît le plus dans la sélection algérienne ? Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas vu l'équipe algérienne depuis son dernier match contre les USA en Coupe du monde. Le défenseur Belhadj me plaisait, en plus d'un bon joueur qui évolue au milieu et joue dans le championnat local. Lemmouchia ? Oui, c'est un excellent joueur, sans oublier Bougherra et Anthar Yahia. Comment les voyez-vous devant les attaquants marocains ? Je crois que l'Algérie possède de bons défenseurs. En affrontant des joueurs comme Chamakh, Hamdaoui et Hadji, on devra assister à des duels de haut niveau. Les défenseurs l'emportent généralement sur les attaquants, mais tout est question d'intelligence. Je tiens à avertir les défenseurs algériens en leur disant qu'un petit moment de déconcentration pourrait leur être fatal face aux Marocains. Quel est votre pronostic pour cette rencontre ? Le Maroc jouera sans pression. Il a réalisé de bons résultats dernièrement qui lui ont rendu la confiance. Il a gagné en maturité avec un entraîneur qui est venu avec une nouvelle stratégie. Je crois que le Maroc part avec un léger avantage. C'est le contraire de l'Algérie qui cherchera à marquer, car le nul ne l'arrangera pas. Comment voyez-vous la bataille tactique entre Benchikha et Gerets ? Le sélectionneur marocain n'a pas d'expérience internationale. Il a réussi avec les clubs qu'il a dirigés, mais c'est tout à fait différent. L'Algérie est son premier véritable test. Idem pour Benchikha qui n'a pas d'expérience dans ce domaine. En tous les cas, c'est le terrain qui tranchera le 27 mars. On a comme l'impression que vous n'êtes pas convaincu par Gerets ? Non, ce n'est pas ce que j'ai dit, sauf qu'il doit réaliser de bons résultats pour satisfaire tous les Marocains. Vous avez dit qu'on ne parle pas beaucoup de ce match, ressentez-vous un climat de fraternité entre les deux équipes ? En Algérie ou au Maroc, il y a un respect mutuel entre les deux peuples. Les gens qui sont déjà venus au Maroc peuvent en témoigner. D'ailleurs, les Marocains adorent les Algériens. Avez-vous des amis en Algérie ? Oui, j'ai joué avec Houari Belkhatouat et Cherif El Ouazzani au Raja. J'ai de bonnes relations avec Saâdane. Ighil Meziane m'a entraîné. Je connais bien Khalef Mahieddine que je rencontrais au Maroc. Je connais aussi Djamel Menad et bien d'autres que j'ai oubliés. Quand un Marocain a beaucoup d'amis algériens, comment voulez-vous que cette rencontre ne soit pas celle de la fraternité ? Il y a un problème politique entre les deux Etats, mais la relation entre les deux peuples est plus qu'excellente. Je voudrais ajouter quelque chose. Allez-y… Je n'oublierai pas la solidarité des Algériens vis-à-vis de moi lorsque je jouais à Lille, en France. Je me souviens d'un joueur promu qui s'appelle Rayad et qui a été victime d'une fracture. Ça m'a affecté et je me sentais près de vous depuis ce jour. Le match, selon vous, sera caractérisé par un fair-play ? On est des frères. Que le meilleur gagne ! Il ne s'agira que d'un match de football. Y a-t-il une ressemblance entre la sélection algérienne qui a joué dernièrement le Mondial sud-africain et celle du Maroc du Mondial 1998 ? On ne peut pas dire que les deux équipes se ressemblent, du moment que les circonstances ne sont pas les mêmes. L'Algérie a été à la hauteur, mais elle n'a pas réussi à passer le premier tour. Alors que les circonstances nous étaient favorables en 1998, puisqu'on a joué en France où il y a une forte communauté arabe et musulmane importante, je me rappelle que des centaines d'Algériens nous soutenaient. Cette équipe a joué ensemble depuis 1995 et est formée de joueurs locaux mais talentueux. Avez-vous été satisfait du parcours de l'Algérie en Coupe du monde ? Les Algériens se sont déplacés en Afrique du Sud sous pression, à cause de ce qui s'était passé avec les Egyptiens qui guettaient le moindre faux pas des Algériens pour les épingler et remettre en cause leur qualification. Ils ont donc joué sous pression et avec l'envie de s'illustrer et d'honorer les couleurs nationales pour répondre à leurs détracteurs. En dépit des résultats, je pense que le rendement était exceptionnel en plus des individualités comme le joueur de Sochaux (Boudebbouz ndlr). Ils pouvaient éviter les deux défaites concédées. Quelque chose à ajouter ? Je salue tous les Algériens et je souhaite qu'on donnera une belle image au monde en faisant de ce match une véritable fête.