«Soyez sûrs, je ne cherche pas la victoire pour assurer mon poste de sélectionneur, car si je quitte le Maroc, je ne vais pas chômer très longtemps. Les offres, ce n'est certainement pas ce qui me manque» Dans une interview à paraître aujourd'hui sur les colonnes du trihebdomadaire marocain El Mountakhab, le sélectionneur Eric Gerets est revenu sur le match aller disputé à Annaba où il n'a pas manqué de souligner une nouvelle fois le parti pris de l'arbitre mauricien, tout en se disant confiant pour le match du 4 juin où il promet de prendre sa revanche «sportive ». Le Belge estime toutefois que ce ne sera pas facile face à une équipe qui revient en force, après des débuts difficiles dans ces éliminatoires. Nous publions ici l'intégralité de l'interview qu'il a accordée à nos confrères d'El Mountakhab. Revenons un peu en arrière pour parler du match face à l'Algérie disputé à Annaba. C'était votre premier match officiel avec la sélection marocaine, sanctionné par un échec. Vous devez être déçu et vous aurez hâte de vous racheter le 4 juin où la victoire serait pour vous obligatoire, non ? J'ai été déçu certes, mais pas pour les raisons que vous croyez. Je n'ai pas été déçu par la défaite, ni par la production des joueurs qui ont tout donné et qui ont fait ce qu'il fallait faire. Je l'ai été parce que c'était un match à armes inégales. Nous étions obligés de combattre dans les duels avec les joueurs algériens, mais nos joueurs n'étaient pas protégés comme l'ont été les Algériens. Une équipe marocaine qui se voit à chaque fois stoppée dans son élan par les coups de sifflet de l'arbitre, alors que ce n'était guère le cas pour l'équipe algérienne. C'est cela qui m'a mis en colère et qui m'a déçu le plus. Aujourd'hui, je ressens une forte envie de prendre ma revanche, sportivement parlant, et de gagner ce match qui va nous permettre de prendre la tête du groupe, ce qui est le souhait de tout le monde. Vous remettez en cause l'arbitrage, mais les joueurs marocains n'avaient pas trop osé, notamment sur le plan offensif… Je pense que je viens de vous citer la raison qui a fait que mes joueurs n'aient pas été très audacieux. Ils se sont sentis ciblés par l'arbitre, et quand un joueur ne se sent pas protégé, il est logiquement ligoté, et psychologiquement, il peut perdre toute sa lucidité. J'ai été parmi les entraîneurs qui acceptent le plus les décisions des arbitres, mais là, j'ai vraiment senti que ça en faisait trop. L'arbitre a tout fait pour casser notre jeu et on s'est bien rendu compte que c'était volontaire. Psychologiquement, avez-vous été affecté par cette défaite ? Pour que je sois aussi affecté, il faut qu'il se passe des choses plus graves. Moi, je ne suis pas aussi fragile que ça. Comment voyez-vous le match du 4 juin ? C'est un match d'une extrême importance où nous aurons plusieurs objectifs. Il faut d'abord le gagner et prendre notre revanche, ensuite, mon équipe doit se présenter au public marocain sous son meilleur visage, celui que tout le monde veut la voir avec. A présent, toutes les équipes de ce groupe sont à égalité avec quatre points chacune. Ce qui veut dire que le Maroc a besoin de 9 points pour se qualifier. Faites-vous ces calculs ? Effectivement, neuf points nous assurent directement la qualification à la prochaine CAN, mais je pense que deux victoires et un match peuvent suffire. Je veux dire prendre sept points des matchs qui restent à jouer suffit pour rester à la tête de ce groupe. Comment cela ? Gagner contre l'Algérie et la Tanzanie et aller faire match nul en Centrafrique nous qualifiera à la CAN. Mais dans ce cas, le Maroc sera à égalité avec le Centrafrique si celle-ci gagnera ses matchs contre la Tanzanie et l'Algérie.. Il faut être franc et réaliste. Il est vrai que l'idéal, c'est de récolter neuf points pour éviter toute mauvaise surprise, mais je ne pense pas que le Centrafrique puisse battre l'Algérie chez elle, c'est une éventualité à écarter. Vous ne pensez pas que ce match du 4 juin est mal tombé par rapport à cette période où les joueurs pourraient tous être à bout physiquement, après avoir bouclé une saison longue et harassante ? J'aurais été très inquiet de ce côté, si les joueurs algériens n'étaient pas dans la même situation. Donc, c'est le cas pour tout le monde et nous devons faire avec en prenant en considération ce paramètre. Ce sont les dates FIFA, on n'y peut rien. Vous avez fait récemment une tournée en Europe et vous avez discuté avec quelques joueurs. Comment vous les avez trouvés ? J'ai vu plusieurs matchs du championnat marocain et il a fallu par la suite aller voir nos joueurs qui évoluent en Europe. J'avais souhaité que Chamakh, Khardja et El Hamdaoui puissent avoir plus de temps de jeu. Heureusement que Chamakh et Khardja reviennent peu à peu à leurs meilleurs niveaux, tandis qu'El Hamdaoui ne joue toujours pas avec l'Ajax. Cela vous pose un problème, le fait que certains joueurs marocains ne jouent pas régulièrement dans leurs équipes, que d'autres arrivent à bout de leurs moyens après une longue saison, alors qu'il y en a qui terminent difficilement la saison en jouant pour le maintien avec leurs équipes ? Si j'avais huit joueurs qui sont dans le cas de Chamakh et El Hamdaoui, cela m'aurait posé vraiment problème. Et je pense que ces joueurs ont la chance de prouver en sélection que leurs entraîneurs dans leurs clubs respectifs les ont lésés et prendre en même temps une revanche sportive. Ce que je souhaite, c'est qu'il n'y ait pas d'autres blessés ou des défections. En tout cas, face à l'Algérie, nous aurons besoin de joueurs compétitifs et bien préparés à tous les niveaux. Nous aurons également besoin de jeunes éléments comme Mehdi Benatia. Tout le monde sait que vous avez souhaité que le match du 4 juin puisse avoir lieu au stade Mohammed V. Comment avez-vous accueilli la décision de le programmer à Marrakech ? C'est vrai, j'aurais aimé que le match se déroule au stade de Casablanca, qui peut contenir plus de 70 000 supporters, qui pourront pousser leur équipe dans cette rencontre, mais j'ai été aussi le premier à comprendre la décision des gens de la fédération qui veulent faire savoir que les actes terroristes ne feront pas peur au peuple marocain et qu'ils n'auront pas d'impacts négatifs sur les joueurs. Vous avez certainement aujourd'hui une bonne idée sur la sélection algérienne et ses joueurs. Pensez-vous pouvoir la battre ? Quand j'avais vu la liste des joueurs que l'entraîneur algérien a convoqués pour le match de Annaba, j'avais réalisé qu'elle était composée de joueurs qui évoluent dans leur majorité dans de grands championnats européens et qu'ils jouaient régulièrement avec leurs équipes. Même quand je les ai vus sur le terrain, j'ai vu qu'ils avaient de grandes qualités techniques. Même s'ils avaient mal débuté ces éliminatoires, ils ont les moyens de revenir en force, comme c'était le cas pour nous. Ils ont combattu sur le terrain pour décrocher la victoire, mais j'ai été déçu qu'ils l'aient fait avec la complicité de l'arbitre. Nous, nous allons faire ce qu'ils ont fait à Annaba et nous allons les presser dès le coup d'envoi, jusqu'à obtenir la victoire. Benchikha avait dit avant le match aller que les Marocains vont laisser les trois points à Annaba. Est-ce que les Algériens vont laisser à leur tour les trois points à Marrakech ? Je l'espère beaucoup d'autant que le public de Marrakech va nous soutenir jusqu'au bout pour réaliser cela. Nous avons de grandes chances pour remporter ces trois points. Y aura-t-il du nouveau dans la liste des joueurs que vous allez établir en prévision de ce match ? En vérité, les joueurs que j'avais convoqués pour le match de Annaba ont tous le niveau d'être en sélection. On va voir pour ce prochain match. Avez-vous trouvé une solution au problème de la défense, notamment en ce qui concerne le poste d'arrière gauche où vous avez utilisé Souleimani à ce nivea,u alors que c'est un arrière droit ? La blessure de Kadouri, le joueur de Dynamo Kiev, nous a obligé d'utiliser Souleimani à gauche, et je pense que ce dernier s'est bien acquitté de sa tâche, et n'oubliez pas que nous sommes en train de reconstituer cette défense qui est composée de joueurs qui n'ont pas l'habitude de jouer ensemble. Avez-vous été touché par les critiques, après le match de Annaba ? Je crois que la responsabilité des journalistes et des chroniqueurs est d'analyser les choses et émettre des critiques, je ne suis pas contre ce principe, c'est leur droit. Mais cette campagne a commencé bien avant, avant que je prenne en main la sélection. Comptez-vous sur ce match face à l'Algérie pour répondre à vos détracteurs ? Non, ce n'est pas cela mon but. Ce match contre l'Algérie a plusieurs objectifs. Une victoire nous permettra d'empocher trois précieux points qui vont nous permettre de rester en tête du groupe. Nous devons également montrer le travail qui a été fait et qui est en train de se faire au sein de la sélection, en plus d'augmenter considérablement nos chances pour la qualification à la CAN. Soyez sûrs, je ne cherche pas la victoire pour assurer mon poste de sélectionneur, car si je quitte le Maroc, je ne vais pas chômer très longtemps. Les offres, ce n'est certainement pas ce qui me manque. Mais je veux réussir cette expérience avec la sélection marocaine et je tiens à aller jusqu'au bout de mon projet avec elle. Et pour vous prouver que je travaille pour l'intérêt de l'équipe et de ses joueurs, sachez que je suis allé voir quelques joueurs qui évoluent en Europe, j'ai discuté avec eux et avec leurs entraîneurs afin que ces derniers les fassent jouer un peu pour leur intérêt et celui de la sélection. Comment vivez-vous votre première expérience en tant que sélectionneur, êtes-vous tranquille ? Oui, je le suis. J'ai choisi d'être sélectionneur par conviction. Pour moi, ce n'est pas une aventure dans l'inconnu. J'ai accepté cette mission, après que le président de la Fédération marocaine, El Fassi El Fahri, ait insisté avec moi. Il a réussi à me convaincre. Je suis très satisfait de ce choix et j'espère que tout le monde va adhérer à ce projet afin de réaliser le rêve de tous les Marocains, la qualification à la CAN, la construction d'une équipe forte et solide qui aura son mot dans les différentes compétitions, et j'espère que les Marocains seront nombreux le 4 juin pour soutenir leur équipe.
