«Quand tu affrontes les Ronaldinho, Pato, Del Piero et Ibra, tu ne peux pas craindre les attaquants algériens» Révélation défensive du championnat d'Italie, Mehdi Benatia vient de réussir une superbe saison avec Udinese. Quatrième sur le fil de Serie A, le défenseur central jouera le tour préliminaire de la Ligue champions et plus si affinités. Formé à l'OM, ce défenseur central a connu pas mal de galères avant de pouvoir s'épanouir. Gravement blessé au genou, il s'est refait la cerise en Ligue 2, un passage délicat qui lui a forgé un mental à toute épreuve. A 23 ans, aujourd'hui, ce caractère trempé et affirmé, il compte le mettre au profit de la sélection marocaine le 4 juin prochain à Marrakech, face à l'Algérie. En colère après la première confrontation entre les deux pays, le 27 mars dernier à Annaba, Mehdi Benatia n'hésite pas à mettre le pied quand il faut. Udinese, Marseille ou Algérie, son intervention est efficace et elle glisse sur tous les sujets. Entretien. Mehdi, après cette longue et riche saison avec Udinese, comment vous sentez-vous ? Ça va ! Oui, elle fut longue car on a dû jouer jusqu'à la dernière minute pour atteindre nos objectifs. Je suis un peu fatigué, mais content car on décroche une quatrième place synonyme de tour préliminaire de la Ligue des champions. Je suis satisfait car cette performance nous fait entrer dans l'histoire du club avec mes coéquipiers. Tu es considéré comme une des belles surprises du championnat d'Italie ; est-ce que tu imaginais un tel scénario, alors que la saison dernière tu étais à Clermont en Ligue 2, et que par le passé tu as accumulé les embûches ? C'est vrai que j'ai beaucoup galéré. Mon parcours a été compliqué avec pas mal de malchance. J'ai pris mon temps avant de me régaler et d'arriver au haut niveau. Cette saison, il m'arrive de belles choses, mais ce n'est pas fini. Ce n'est qu'un début, je dois viser plus haut. Avec l'Udinese, je joue dans un club qui m'offre beaucoup de garanties au niveau du travail et de l'ambiance. C'est un club familial, et sur le terrain, ça se ressent. Chez nos confrères de L'Equipe, José Anigo a reconnu s'être «planté» de ne pas vous avoir gardé à l'OM. Avec ce qui vous arrive, ressentez-vous un sentiment de revanche ? Anigo… Quand il dit qu'il s'est planté, je ne pense pas que cela soit le cas. J'ai aussi beaucoup progressé par rapport à l'époque où j'étais à Marseille. A 18 ans, je ne revendiquais pas le fait de vouloir être titulaire dans un club comme l'OM. En revanche, Il s'est manqué. Il ne m'a pas respecté. Quand l'OM envoie les minots face au Paris-SG (Ndlr, le club olympien avait boycotté le match face au PSG, et avait envoyé son équipe réserve au Parc des Princes en mars 2006), là, il m'a mis à la cave. J'étais titulaire et surclassé dans toutes les catégories de jeunes de l'OM. Et s'il y en a bien un qui devait y aller, c'était moi. A la fin, je suis le seul à être resté sur le carreau… On vous sent encore remonté… (Il s'emporte…) Il s'est moqué de moi et il a fait du mal à ma famille. Quand j'ai compris que c'était fini pour moi à l'OM, j'ai voulu partir. Mais Anigo ne me voulait pas de bien. Il ne voulait pas que je parte dans des bons clubs de Ligue 1 comme Saint-Etienne car il avait peur que je brille dans ces clubs, et qu'on dise pourquoi on ne l'a pas gardé à Marseille. Alors il m'a dit, tu ne pars pas ou alors c'est en Ligue 2. Il ne m'a pas respecté une deuxième fois. Alors ces propos d'aujourd'hui ne font plus rien. Je suis juste content de voir que Marseille ait fait une bonne saison. Aimeriez-vous revenir un jour à l'OM ? S'il n'y a pas Anigo, je reviendrai. Ce Maroc-Algérie du 4 juin prochain est un match particulier pour vous. Votre père est marocain, votre maman algérienne. Alors comment cela s'est passé dans la famille lors du premier match, le 27 mars dernier ? Ma mère était pour le match nul. Mais en réalité, elle n'était ni pour moi, ni pour l'Algérie. Elle m'a dit, j'espère que ça se passera bien, car on avait peur des débordements qui pouvaient avoir lieu autour du match. Elle était donc hyper contente de savoir qu'on avait été bien reçus. Après, quand elle a vu ma déception suite à la défaite, elle m'a dit qu'elle aurait préféré que je gagne finalement. Aurait-elle aimé vous voir choisir l'Algérie ? Et lors de ce match, est-ce que vous vous êtes dit que vous auriez pu être dans l'autre camp ? M'imaginer avec l'Algérie, pourquoi pas ? Mais ça ne veut rien dire. L'Algérie, je ne connais pas. Je ne peux pas dire que je me verrais bien jouer avec eux. C'était la première que je voyais ce pays. Je ne savais pas à quoi cela ressemblait. Le Maroc, j'y vais tous les ans. Je me considérais comme Marocain. J'ai pris le côté de mon père. J'ai voulu représenter les couleurs du Maroc. Ma mère ne m'en veut pas plus que cela. De toute façon, elle suit le foot de loin, et encore c'est parce que j'y suis. Le match du 27 mars dernier fut un véritable combat ; pensez-vous que le scénario sera le même à Marrakech ? Je suis convaincu qu'on a une très belle équipe avec un très grand entraîneur, et qu'on est capables de faire un très grand résultat à domicile. (Ferme…) Sur le match, ce que j'espère surtout c'est qu'on n'aura pas le même arbitre qu'à l'aller. On aura plus de facilités pour faire le jeu avec un arbitre qui va au moins essayer de protéger les joueurs. Pas comme ce qui s'est passé en Algérie, où au bout de 20 minutes, ils peuvent déjà être à 9. Dans ces conditions, c'était compliqué en attaque de créer quelque chose. Car tu sens qu'à tout moment, tu peux te faire péter la jambe et le tout sans carton pour ton adversaire. La ligne d'attaque de l'équipe d'Algérie vous fait-elle peur ? Non, je ne la crains pas. C'est sûr que je ne la crains pas du tout. Cette année, j'ai eu la chance de jouer contre des Ibrahimovitch, Pato, Robinho, Vucinic, Ménez, Del Piero et j'en passe. Tu as de quoi être nerveux. Là, je sais que le retour de Ziani va leur faire du bien. Mais je n'ai aucune crainte, car je sais qu'on est capables de faire des grandes choses. Et pour avoir parlé avec des joueurs algériens à la fin du match, ils m'ont dit que ça se sentait qu'on était largement meilleurs. On avait plus de qualités pour jouer au ballon. Même si on n'a pas fait un grand match là-bas, ce qui est clair et net, c'est qu'ils n'ont rien montré de plus que nous. Eric Gerets vous a installé en défense centrale avec Ahmed Kantari depuis quelques matches, Il s'est blessé assez gravement. Son absence est-elle préjudiciable à la sélection marocaine ? On aurait aimé qu'Ahmed soit disponible. Il va nous manquer sur et en dehors du terrain. Entre nous deux, le feeling passe à l'extérieur aussi. C'est un garçon très intelligent qui sent le jeu. Il a apporté sa combativité et s'est fait sa place. Même si je l'ai eu au téléphone, je profite de cette occasion pour lui souhaiter encore une fois bon courage. Je pense aussi à Mehdi Carcela, qui est aussi absent. J'espère qu'il n'aura pas de séquelles, et qu'il reviendra vite. Maintenant concernant la charnière centrale, El Kaoutari vient de nous rejoindre. J'ai vu quelques matches de lui et c'est un très bon joueur. Cette rencontre est-elle une finale de groupe ? C'est une finale. C'est un match plus que décisif, celui qui le gagne est à 80 pour cent qualifié. Là il ne faut pas penser à autre chose que la victoire. Avec Udinese, vous jouez à trois derrière, un peu comme l'Algérie version Saâdane ; que pensez-vous de cette manière de se positionner ? C'est différent. C'est certain que c'est une habitude à prendre. Avec Udinese, on attaque beaucoup, donc je suis sans cesse au marquage de mon attaquant, pour éviter que le mec se retourne. Tactiquement, ça change un peu, même si je reste un joueur de défense à 4 car c'est ma formation initiale. Depuis Naybet, le Maroc n'a pas retrouvé de grands défenseurs. Ce rôle, vous semblez être capable de l'assumer. Qu'en pensez-vous ? Pour les gens, c'est vrai que depuis mes débuts, on me compare à lui. Mais si je fais la moitié de son parcours, des matches qu'il a joués ou qu'il a gagnés, je serai déjà très heureux. Ça a été un grand joueur, et pas pour le Maroc, c'est l'un des plus grands défenseurs qu'on ait connus. Il y a 3 jours (entretien réalisé le 27 mai), j'ai un peu discuté avec lui. Il est très gentil. Aujourd'hui pour ma part, j'essaye de faire ma carrière et de donner une image positive, après au niveau de Naybet, c'est une autre histoire.