«Je ne voulais pas sortir par la petite porte» S'il y a un arrière gauche qui a réussi à marquer de son empreinte le club phare de l'ouest du pays, c'est bel et bien Haddou Moulay qui a passé plus d'une décennie au sein des Rouge et Blanc avec, entre autres, un passage chez les Usmistes d'Alger. De l'été 1995 à celui de 2008, l'ancien international, comme n'importe quel joueur de sa trempe, a connu des hauts et des bas dans le monde de la balle ronde, que ce soit avec le MCO, l'USMA ou l'équipe nationale. Mais d'aucuns estiment qu'il a réussi un belle carrière qu'il pouvait l'enrichir d'une expérience à l'étranger. C'est presque le seul rêve que l'arrière gauche n'a pas pu réaliser durant sa longue et riche carrière. Il faut dire que le tournant de cette carrière a été incontestablement son transfert de l'ASMO au Mouloudia d'Oran. Pour sa première saison, Haddou, qui a laissé sa timidité à M'dina J'dida, a réussi à s'imposer au sein d'une formation considérée à l'époque comme la meilleure sur le plan national. D'ailleurs, au bout de quelques mois seulement, il a réussi à glaner deux titres, celui de la Coupe de la ligue, suivie par la Coupe d'Algérie avant de céder le championnat à l'ultime journée à cause d'une histoire que tout le monde connaît. Fort de son statut de titulaire acquis au sein d'une équipe composée d'une pléiade de stars, mais aussi grâce aux Coupes arabes glanées à la fin des années 1990, l'Oranais a atterri le plus logiquement du monde dans le monde des Verts avant d'être le leader d'un groupe qui pouvait allait loin. Celui de l'époque de Madjer durant laquelle l'équipe nationale est allée imposer le nul à la prestigieuse sélection belge. Après des vaines tentatives de rejoindre le Vieux continent, Haddou Moulay a choisi d'étoffer son palmarès en roulant sa bosse chez une autre grande équipe, l'USM Alger en l'occurrence. Sous le maillot rouge et noir, il a réussi à gagner un titre qui le lui manquait, celui de champion d'Algérie. L'enfant d'El Bahia a grandement contribué à la consécration des Usmistes puisqu'il a terminé meilleur buteur de l'USMA cette saison-là. Après 18 mois, il a décidé de revenir au Mouloudia d'Oran. La suite a été moins bonne pour le joueur qui a connu le purgatoire avec la formation d'El Hamri. D'ailleurs, c'est ce mauvais coup du sort qui a précipité sa retraite. Aisé sur le plan financier, il a préféré changer de métier en gérant une pâtisserie. «Cela m'a permis de découvrir d'autres activités et apprendre autre chose que le football, car le fait de s'entraîner le matin, faire la sieste l'après-midi et jouer les week-ends a duré plus de vingt ans pour moi. J'ai besoin de casser cette routine», dira-t-il. Un nouveau monde qui lui a permis de se déconnecter du championnat d'Algérie et connaître d'autres sensations. Les beaux restes, c'est dans la salle ! Au repos depuis déjà une saison, Haddou Moulay, qui a essayé tant bien que mal de garder sa forme, a pris du poids. Pour ne pas perdre ses repères, il préfère prendre part à des matches en salle. C'est avec des vieux copains que sont Sebbah Benyagoub, Hafid Tasfaout et Sid-Ahmed Zerrouki qu'il se rend chaque vendredi à la salle omnisports de Canastel pour affronter d'autres anciens joueurs. A la lecture des noms des éléments qui prennent part à des matches en salle, l'on trouve que de fins techniciens. Leurs prouesses sont si impressionnantes que les gens viennent de partout pour assister à ces rencontres de gala. Tellement que Haddou Moulay se sent durant ces matches comme un poisson dans l'eau, il ne regrette pas d'avoir pris sa retraite. D'ailleurs, il joue souvent deux fois par semaine puisqu'il est intégré à une autre équipe qui joue les mercredis à la salle de Messerghine. Il se consacre entièrement à sa petite famille Père d'une fille qui a pour nom Nour Meriem, Haddou Moulay veut consacrer plus de temps à temps à sa petite famille pour voir sa fille grandir à ses côtés. La famille est tellement sacrée pour l'ancien arrière gauche des Rouge et Blanc qu'il a dû réserver la plupart de son temps à sa femme et sa fille. Outre le fait d'être plus proche d'elles depuis qu'il a raccroché les crampons, Haddou Moulay préfère aussi effectuer des voyages éclair souvent en Europe pour casser la routine et se débarrasser de sa nouvelle responsabilité, celle de gérer une pâtisserie de luxe en plein centre ville d'Oran. D'ailleurs, il se trouve depuis la semaine dernière à Paris pour passer quelques moments de détente avant de rentrer au bercail jeudi prochain. Carrière relancée… en X-BOX Outre ses parties en salle, Haddou Moulay veut exceller dans un autre domaine : les jeux vidéo. Il est devenu un ardu du X-BOX en disputant presque chaque soir des rencontres à vocation européenne avec ses camarades de toujours. Une rivalité farouche l'oppose à ses amis Ali, Douma, Mohamed, Lakhdar, Fayçal, Mokhtar, Samy et Mustapha. Mais le plus curieux durant ces matches en plein écran est que Haddou Moulay, qui est connu d'être un fervent supporter du Real de Madrid, choisit sur sa console de jouer avec le Barça. Curieux non ? A. L. «Je ne voulais pas sortir par la petite porte» * Une année après avoir quitté le monde du football, peut-on connaître les raisons exactes qui vous ont poussé à prendre votre retraite ? Je dirais que j'avais annoncé à plusieurs reprises ma retraite au cours de ma dernière saison. Si vous avez une bonne mémoire, j'ai dû arrêter une première fois avant de reprendre. Mais la décision de mettre un terme à ma carrière a été déjà prise avant même de terminer le championnat. En ce qui concerne les raisons, il y a, tout d'abord, le facteur âge. A 33 ans, il était temps pour moi de mettre un terme à ma carrière. N'oubliez pas que j'ai commencé tôt à jouer en seniors. L'autre raison est liée à l'environnement du football où tout le monde est ingrat. Je ne voulais pas quitter le club par la petite porte et ce ne sont pas les exemples qui manquent. De grands joueurs qui ont fait le bonheur du Mouloudia ont dû quitter ce club en mauvais termes. J'ajouterai que la plupart des gens ici à Oran sont des jaloux et des ingrats. Durant les dernières saisons, je sentais que j'étais devenu la cible d'une frange de supporters. Ce n'est pas normal qu'on m'insulte alors que j'étais le meilleur buteur de l'équipe. Donc, j'ai dit basta et j'ai pris l'irrévocable décision de quitter définitivement le monde du football. * Y avait-il quelqu'un d'autre qui a pesé dans votre décision ? Oui, tous les membres de ma famille, qui étaient au courant de mes déboires dans les stades, m'ont conseillé de m'arrêter. Mon père, mes frères puis ma femme m'ont demandé de ne plus jouer au football. Ce sont eux qui m'ont encouragé à prendre ma retraite. * On imagine que certaines personnes vous ont demandé de continuer… C'est sûr ! Mes amis et mon entourage. Comme exemple Chérif El Ouazzani, mon ancien entraîneur, m'a conseillé de ne pas mettre fin à ma carrière. Même Djebbari estime que j'ai précipité mon départ à la retraite. Finalement, chacun a respecté ma décision. * Pourquoi n'avez-vous pas joué ailleurs ? Lorsque j'ai quitté l'USM Alger, j'avais l'intention de retourner au MCO et terminer ma carrière dans cette équipe. C'est mon club de toujours. C'est lui qui m'a permis de faire un nom, et moi aussi j'ai beaucoup donné à ce club. Il était donc plus logique de terminer les dernières saisons au Mouloudia qu'ailleurs. J'avais des contacts avec plusieurs équipes mais je n'étais pas chaud à continuer à jouer. * Ne regrettez-vous pas votre décision lorsque vous voyez des joueurs de votre génération fouler encore les terrains ? Je vous mentirai si je vous dis que je n'ai plus l'envie de jouer au football. J'ai encore des fourmis dans les jambes. Mais il faut savoir gérer cette envie et prendre les décisions qui conviennent à ma vie privée. * Votre retraite a coïncidé avec la rétrogradation du Mouloudia. Avec du recul, peut-on connaître les raisons de cet amer épisode ? Pour être franc, avant même le début de la saison, j'ai révélé à certains de mes proches que l'équipe de l'époque risque de connaître le purgatoire. C'est le pressentiment que j'avais avant l'entame de la saison. Je me souviens que nous avions recruté des joueurs de l'inter-régions pour étoffer l'effectif du Mouloudia. En plus, on a procédé à la libération de l'ossature de l'équipe. On a aussi annulé le stage de l'intersaison. C'était grave pour une équipe de la trempe du MCO. A l'époque, je me rappelle que l'ancien entraîneur, le Portugais Gomes, avait refusé qu'on entre en stage bloqué. Déjà fébrile sur le plan technique, le club a été aussi l'objet de l'opposition qui a ajouté son grain de sel. Ce sont autant de raisons qui ont envoyé le Mouloudia d'Oran en D2. Personnellement, je n'arrive pas encore à croire que le MCO joue en Division 2, surtout que je suis loin de l'équipe. * Concernant le départ de l'ossature de l'équipe, d'aucuns estiment que la fameuse affaire de l'«euro» était à l'origine de ce conflit… Pour être clair à ce sujet, c'était une prime de récompense que les dirigeants n'ont pas gobée. Certains dirigeants voulaient aussi toucher leur part. Cette zizanie a été créée par une seule personne, pas plus. D'ailleurs, c'est à cause de cela qu'on a laissé partir la plupart des joueurs. * Pourquoi avoir quitté le MCO en 2004 ? A chaque fois, j'ai privilégié le MCO à d'autres équipes. C'est normal car je me sentais bien chez moi en évoluant dans une équipe ambitieuse et près de mon domicile. Il n'y avait pas de raisons évidentes pour que je change d'air. Malheureusement, les choses se dégradaient d'une saison à l'autre. L'ère de Meziane était chaotique pour moi, car durant toute une saison, je n'ai rien touché, alors que j'étais considéré comme l'un des meilleurs joueurs de l'équipe. Sans faire de problèmes, j'ai attendu la fin de saison pour partir. * Lorsque vous étiez à l'USMA, on vous a reproché d'avoir tiré un penalty qui a forcé le MCO au partage des points alors que l'équipe luttait pour le maintien… Si c'était à refaire, j'exécuterai ce penalty, car à l'USMA j'étais désigné pour tirer les penalties. J'aurais pu le rater et subir les conséquences de l'autre côté. Je me suis tout simplement comporté en professionnel. * Même en présence des supporters vous l'auriez tiré ce penalty ? Oui, la saison d'après, j'ai dû jouer ce match en présence de 50 000 spectateurs. Je suis un joueur professionnel. Je me suis toujours donné à fond dans les clubs dont j'ai porté le maillot. * En fin de compte, ne regrettez-vous pas d'avoir ajouté cette saison-là durant laquelle le MCO s'est rétrogradé ? Bon, je n'irai pas aller jusqu'à dire regretter, mais Allah Ghaleb, j'avais un contrat à honorer. A mon retour de l'USMA, j'ai signé pour un bail de 18 mois. La preuve, j'étais le dernier à avoir rempilé. Si j'étais en fin de contrat, je n'aurais jamais prolongé. * Si on revient à votre jeune âge, paraît-il que vous avez failli mettre un terme à votre carrière lorsque vous étiez encore cadet à l'ASMO. Est-ce vrai ? Effectivement, à cette époque, j'ai failli tout laisser tomber. Je suis même resté deux mois sans jouer, j'ai même changé de sport en pratiquant le judo, toujours à l'ASMO, en raison des études. Mon emploi du temps de l'époque ne me permettait pas d'allier les deux, car je terminais les cours à 17h15, alors que les entraînements débutaient à 17h. Donc, j'arrivais toujours en retard aux séances d'entraînement. Et puis, à cette époque, j'étais très jeune, j'avais à peu près 13 ans, mais par la suite, j'ai compris que je n'avais rien à voir avec le judo, j'ai décidé alors de reprendre ma carrière de footballeur. * Durant votre carrière, vous avez failli à deux reprises resigner à l'ASMO. Pouvez-vous revenir là dessus ? La première fois, c'était à l'époque de Bengarâa. Il faut dire qu'on souffrait sur le plan financier au MCO, car Elimam tardait à nous régulariser. J'ai donc accepté de revenir à l'ASMO d'autant plus que j'ai touché une somme mirobolante de Bengarâa qui m'a avancé 80 % de ma prime de signature de l'époque. Il ne me restait qu'à parapher mon contrat. Mais le jour où je devais partir à l'entraînement, j'ai senti comme un petit malaise. Comme si je n'étais pas convaincu de mon choix. Par la suite, le président Elimam m'a relancé et on s'est entendus sur tout. J'ai rempilé au MCO tout en restituant l'argent à Bengarâa bien sûr (rires). * Et la deuxième fois ? C'était le temps de Mehiaoui. Lorsque j'ai quitté l'USMA, j'avais tout ficelé avec le président de l'ASMO. Mais on tardait à me régulariser. Entretemps, Djebbari m'avait contacté. On s'est entendus en un laps de temps relativement court, ce qui m'a poussé à signer au MCO. Je me rappelle que j'avais donné un délai d'une semaine aux responsables de l'ASMO afin de me payer car c'était le mercato et le temps pressait. Je m'entraînais même avec le groupe mais voyant rien venir, j'ai fini par opter pour le MCO. * Etes-vous satisfait de votre carrière ? Oui, je le suis, même si j'aurais aimé vivre une aventure professionnelle à l'étranger. Donc mis à part cela, je pense avoir vécu à fond beaucoup d'expériences tout au long de ma carrière, que ce soit au MCO, à l'USMA ou même avec l'équipe nationale. Entretien réalisé par Amine Lamri et Brahim Lellou