«Je veux gagner d'autres titres avec un autre maillot.» «C'est avec Ancelotti que je me suis senti le mieux.» Chef d'orchestre de l'AC Milan pendant dix ans, Andrea Pirlo a causé une certaine sensation cet été en quittant le club lombard pour rejoindre la Juventus de Turin. Ce transfert a fait d'autant plus de bruit que Pirlo, en fin de contrat, n'a pas coûté un centime à la Juventus. «C'est l'affaire du siècle pour nous. En le regardant jouer devant ma défense, j'ai pensé que Dieu existait», s'est extasié son coéquipier Gianluigi Buffon, qui le croise pourtant déjà depuis des années sous le maillot de la Nazionale ou le milieu de terrain affiche 72 sélections et neuf 9 buts au compteur. Pendant 10 ans et 401 matches avec les Rossoneri, Andrea Pirlo, 32 ans, a été la plaque tournante de l'équipe récupérant les ballons avant de distribuer le jeu. Pendant ce règne, l'AC Milan a remporté entre autres titres deux Ligue des champions de l'UEFA, deux scudetti, et une Coupe du monde des clubs de la FIFA. Après une saison en demi-teinte en raison de nombreuses blessures, il a décidé de se lancer dans une nouvelle aventure pour démontrer qu'il n'avait rien perdu de ses qualités. Trois mois après son arrivée dans le Piémont, l'heure est au premier bilan le taiseux Pirlo, plus à l'aise balle au pied que devant les micros. Andrea, Michel Platini dit de vous : «Si Pirlo va bien, alors tout va bien.» Comment va Pirlo sous son nouveau maillot ? Je me sens à mon aise. Le maillot de la Juventus représente des années de victoires et d'histoire. C'est une légitime sensation d'orgueil que de l'enfiler après autant d'années à jouer avec celui du Milan, semblable au niveau de l'histoire et des traditions. Je suis content. Même heureux. Vous faisiez partie des meubles à l'AC Milan, avec un statut de joueur-clé et d'idole des supporters. Pourquoi en êtes-vos parti ? J'étais en fin de contrat. J'ai éprouvé le besoin de rechercher de nouvelles motivations, de gagner avec un autre maillot. Je crois qu'il fallait que j'aille voir ailleurs. Vous savez, après neuf ou dix saisons dans le même club, vous pouvez perdre votre motivation, ne plus avoir la même envie. C'est moi qui ai pris la décision. Je voulais vivre une nouvelle expérience. Dès mon arrivée à la Juve, j'ai immédiatement senti cette volonté de gagner, d'arriver rapidement le plus haut possible. L'entraîneur, le club et les joueurs sont tous en phase. Fort de mon expérience, je pense que nous avons tout pour réussir. Aucun autre club ne correspondait autant à ce que j'attendais. La Juve veut redevenir reine en Italie et en Europe. Moi, je veux relever ce challenge. Quelles sont vos relations avec votre entraîneur Antonio Conte, autant marqué par la Juventus que vous par l'AC Milan ? Très bien. Il me rappelle un peu Carlo Ancelotti par sa philosophie de jeu mais il est très semblable à Marcello Lippi dans son comportement. Pour lui l'équipe est un bloc qui doit toujours rester compact et il estime que la vitesse des échanges ne doit pas devenir une obsession, d'autant que sans une parfaite maitrise technique cela débouche souvent sur des fautes. Quel entraîneur a eu l'idée géniale de vous faire évoluer juste devant la défense alors que vous aviez débuté comme numéro 10 ? L'idée vient de Carlo Ancelotti. Je crois avoir été un des premiers joueurs à occuper cette position sur le terrain. Je ne sais pas si je suis un précurseur mais d'un point de vue tactique il est clair que cette position me permet de donner le tempo à toute l'équipe, de rythmer les temps de jeu. Je dois dire que je me trouve particulièrement à l'aise dans cette position. Il est vrai que, déjà à mes débuts, j'avais tendance à venir en arrière pour récupérer le ballon. C'est peut-être pour cette raison que je me sens bien à ce poste. Le fait d'évoluer dans ce poste en retrait correspond-il également à votre caractère volontairement discret, alors que le numéro 10 est plus sous les projecteurs ? Je suis tout simplement un homme absolument normal. Mon périmètre est le terrain et le vestiaire. Le reste n'intéresse pas les gens. J'ai eu la grande chance de pouvoir faire le métier que j'aime le plus au monde. Mais, dans le même temps, fort de mon caractère, j'ai toujours su garder les pieds sur terre avec l'aide de ma famille et de mes proches. Comment l'ancien numéro 10 que vous êtes explique-t-il le fait que ce poste semble être en voie de disparition ? Il y a bien quelques jeunes qui arrivent. Mais les entraîneurs aujourd'hui recherchent autre chose. Le physique, la rapidité. Cela compte, certes, mais cela ne fait pas tout… Johan Cruyff, en général avare de compliments, affirme en parlant de vous : «Pirlo fait ce qu'il veut avec ses pieds. C'est un génie.» Vous reconnaissez-vous dans cette définition ? Peut-être ai-je reçu un don particulier… Mais, de toute façon, sans beaucoup de travail et de sacrifices, je ne serais jamais arrivé à ce niveau. J'aime les joueurs à forte personnalité et au grand bagage technique. J'apprécie par-dessus tout ceux qui savent dicter les temps de jeu et construire les actions. Comment devient-on un spécialiste des coups de pied arrêtés ? Tous les jours, depuis mes débuts, je reste sur le terrain après l'entraînement pour effectuer des séries de tirs. Personne ne m'y oblige mais cela me plaît. Je voudrais que les jeunes joueurs comprennent l'importance des phases de jeu sur coups de pied arrêtés qui décident souvent du sort d'une rencontre. En s'entraînant tous les jours un peu, on acquiert précision et sensibilité au toucher. Quand vous entendez dire que Pirlo a changé le football italien, qu'en pensez-vous ? Cela fait naturellement plaisir mais un simple joueur, aussi doué soit-il sur le plan technique, ne peut changer un système de jeu. Là aussi il vaut mieux conserver les pieds sur terre et continuer à travailler. Avec quel entraîneur avez vous eu le plus d'affinités ? Sans rien enlever à tous les grands entraîneurs que j'ai croisés dans ma carrière, je crois que c'est avec Ancelotti que je me suis senti le mieux. Pourquoi ? Difficile à expliquer. Probablement pour une simple raison d'affinités caractérielles. Avez-vous un regret dans votre carrière ? Cela serait impossible de ne pas en avoir. Cela fait partie du jeu. Je crois cependant que toutes les désillusions ou regrets sont directement liés à la croissance humaine, professionnelle ou caractérielle de chacun de nous. Cette année, la Juventus va-t-elle remporter le scudetto ? C'est encore trop tôt pour le dire et honnêtement, je ne pense même pas qu'il soit déjà temps d'y penser. La Juve reste sur deux places de septième lors des deux dernières saisons, alors il faut garder les pieds sur terre, continuer à travailler, et surtout à jouer comme nous le faisons depuis le début de la saison. Son parcours 1994-1998 : Italie Brescia 47 matches (6 buts) 1998-1999 : Italie Inter Milan 32 matches (0 but) 1999-2000 : Italie Reggina 30 matches (6 buts) 2000 : Italie Inter Milan 8 matches (0 but) 2001 : Italie Brescia 10 matches (0 but) 2001-2011 : Milan AC 401 matches (41 buts) 2011- A ce jour : Juventus Turin 12 matches (0 but) Sélections en équipe nationale 1998-2002 : sélection Espoirs 37 matches (15 buts) 2002- Sélection «A» 76 matches (9 buts) Palmarès en club Vainqueur de la Coupe du monde des clubs en 2007 (Milan AC). Vainqueur de la Ligue des champions en 2003 et 2007 (Milan AC). Vainqueur de la Supercoupe de l'UEFA en 2003 et 2007 (Milan AC). Champion d'Italie en 2004, 2011 (Milan AC). Vainqueur de la Coupe d'Italie en 2003 (Milan AC). Vainqueur de la Supercoupe d'Italie en 2004 (Milan AC). Premier match en Serie A : Reggina-Brescia (2-0) le 21 mai 1995. Avec la sélection nationale Vainqueur de la Coupe du monde 2006 (Italie). Vainqueur du Championnat d'Europe Espoirs 2000. Médaille de bronze aux Jeux olympiques 2004 (Italie) (il était l'un des 3 joueurs de plus de 23 ans appelés). Première sélection : Azerbaïdjan-Italie (0-2) le 7 septembre 2002. Ce qu'ils pensent de lui Gianluigi Buffon : «Dimanche, en le voyant jouer, j'ai pensé que Dieu existait. Prendre gratuitement un joueur de son niveau et de sa valeur, c'est l'affaire du siècle !» Rivaldo : «J'ai découvert un joueur que je ne connaissais pas, Pirlo pourrait être brésilien et il me rappelle les anciens grands milieux de terrain du Brésil.» Johan Cruyff : «Pirlo est un génie, il fait ce qu'il veut avec ses pieds. Andrea Pirlo est un joueur fantastique. Il sait comment et quand jouer chaque ballon, mais il sait aussi se placer pour aider ses coéquipiers sur le terrain.» Michel Platini : «Il fait partie des tout derniers créateurs.» «Quand Pirlo va, tout va.» Marcello Lippi : «Pirlo est notre leader silencieux, il laisse ses pieds parler pour lui.» Carlo Ancelotti : «Il n'existe personne au monde comme Pirlo, il est unique.» Francesco Totti : «Il a une vision du jeu exceptionnelle.» Andriy Shevchenko : «Il possède un pied droit chirurgical.» Gennaro Gattuso : «Quand je vois ce qu'Andrea arrive à faire avec un ballon, il m'arrive de me demander si je suis vraiment footballeur.» Carlos Alberto Parreira : «Rivaldo fut le premier à me rapporter ses impressions sur Pirlo au cours de son bref passage à Milan. Puis ce furent d'autres : Cafu, Kakà, Emerson. Tous me disaient que Pirlo était un joueur extraordinaire. Il peut dribbler dans de petits espaces, il est très fort pour venir aider les défenseurs et il sait comment marquer également. En plus, il est diabolique sur penalty. Pirlo est le facteur déterminant dans l'attitude de l'équipe, il sera celui qui décide s'il faut attaquer ou attendre.» Alessandro Nesta : «Il n'y a pas beaucoup de joueurs de la classe d'Andrea. Quelqu'un qui prend la balle juste devant la défense pour amorcer la construction. Bien sûr, parfois, il lui arrive de faire des erreurs, mais il n'hésite jamais à prendre ses responsabilités. J'ai eu de la chance de jouer avec beaucoup de stars, mais j'en ai rencontré peu avec ses qualités et sa personnalité.» Quelques chiffres 23 matches en Coupe d'Italie 322 matches en Serie A 12 matches en C3 77 matches en C1 7 buts en C1 1re sélection : Azerbaidjan - Italie : 0-2, le 7 septembre 2002