« Gerets est malin, il s'est adapté, il parle beaucoup et a instauré une bonne ambiance. Il est totalement dans son rôle en interne. Il a imposé un état d'esprit. Après, dans le jeu, c'est aux joueurs de franchir un palier.» Aziz Bouderbala, vedette de la sélection des Lions de l'Atlas lors de la Coupe du monde 1986, évoque les ambitions de la sélection, emmenée par l'ancien entraîneur de l'OM, qui n'a pas impressionné les observateurs durant les éliminatoires. Aziz, quel est l'état d'esprit du Maroc avant cette CAN ? Nous sommes tous optimistes. Sans espoir, il n'y a pas de vie. Plus que la sélection, c'est tout un peuple qui est enthousiaste, qui veut croire à un beau parcours. Nous sommes réalistes. Le Maroc a des joueurs de qualité qui jouent dans des clubs européens de première catégorie. L'équipe est forte, mais est-elle capable de rivaliser avec les favoris ? Avoir de grands joueurs ne donne pas forcément une grande équipe. En qualifications, ça a été difficile contre la Tanzanie, l'Algérie et la Centrafrique. Arriver aux demi-finales de cette CAN serait un exploit. Le Maroc présente pourtant une belle génération... Oui, mais ce n'est pas la meilleure équipe de la compétition. Nous ne sommes pas favoris. Même avec nos joueurs de talent, nous avons connu une campagne de qualification difficile. Et ce, au contraire de la Libye, du Niger ou du Soudan. C'est l'Afrique, pas l'Europe. L'ambiance, les conditions de jeu et la météo sont différentes. Ce sont des détails qui comptent et on doit se rappeler que l'Egypte, avec de nombreux joueurs locaux, a gagné les 3 dernières éditions. Qu'est-ce qu'Eric Gerets a apporté depuis son arrivée ? Il fait un bon sélectionneur. Ses prédécesseurs semblaient avoir du mal à franchir le cap entraîneur-sélectionneur. Le métier est différent dans l'approche auprès des joueurs. Mais Gerets est malin, il s'est adapté, il parle beaucoup et a instauré une bonne ambiance. Il est totalement dans son rôle en interne. Il a imposé un état d'esprit. Après, dans le jeu, c'est aux joueurs de franchir un palier. Justement, Younès Belhanda, qui sort d'une bonne première partie de saison avec Montpellier, a-t-il les épaules pour devenir le leader technique de l'équipe ? Oui. Déjà, c'est quelqu'un que je connais bien. Je suis honoré d'entendre qu'il a un peu le même style que moi. Il peut exploser durant cette compétition, car il a le talent et l'intelligence. C'est un joueur très posé. Il peut faire partie des meilleurs joueurs de cette CAN, surtout s'il joue à son poste de prédilection de numéro 10. Là, je parle en tant que supporter. En tant qu'observateur, je note malheureusement que l'équipe a du mal dans la construction. Et Gerets a essayé, lors des derniers matches, de faire reculer Belhanda devant la défense aux côtés de Kharja. En pointe, Chamakh est-il en forme malgré son statut de réserviste à Arsenal ? Il ne joue pas à Arsenal mais je ne m'inquiète pas pour lui. C'est un avant-centre efficace, capable de jouer avec ses partenaires, servir de point d'appui et de concrétiser les bons services de ses coéquipiers. Après, ce qui va handicaper l'équipe, ce sont d'autres joueurs qui ne jouent pas forcément en club. D'ailleurs, la question du temps de jeu et de rythme se pose davantage pour un milieu que pour un attaquant. Il y a moins de repères tactiques à avoir devant. Quelles sont vos inquiétudes ? D'une part, je m'inquiète pour l'état physique des joueurs. Les conditions de jeu vont être difficiles avec la chaleur et l'humidité. Par exemple, la Tunisie s'est préparée aux Emirats, dans des conditions météorologiques assez semblables. L'équipe marocaine, elle, a effectué son stage en Espagne. Après, la sélection a des points faibles. Si la charnière est très solide, les latéraux ne sont pas au point. Ils font de leur mieux, mais ils doivent apporter davantage. Ensuite, il y a ce mélange de cultures dans l'équipe. On a beaucoup de joueurs nés et formés en France. Ils sont un exemple de réussite pour les jeunes Marocains. Mais ils sont davantage exposés à ces petits détails concernant les conditions de jeu. Les sélections composées de joueurs de leur championnat local ont moins de soucis par rapport à ça.