«Mon inquiétude est plus sur les joueurs majeurs, au cœur du jeu. On a vraiment, vraiment besoin d'expérience. Pour l'instant, on ne peut pas avoir Lassana Diarra, Diaby, Gourcuff...» Pour la dernière liste avant l'annonce du groupe qui disputera l'Euro, Laurent Blanc a innové en appelant notamment Morgan Amalfitano parmi les 23 joueurs qui disputeront la rencontre amicale face à l'Allemagne, mercredi prochain à Brême. Outre le milieu marseillais, on note le retour d'un Saha qui profite des absences de Benzema et Rémy tandis qu'en défense Evra retrouve sa place, tout comme Mexès. Laurent, pourquoi avoir appelé Amalfitano ? Ce sont surtout ses productions depuis quelques mois qui l'expliquent. Je le connais bien personnellement, il m'intéressait quand j'étais entraîneur de Bordeaux et lui à Sedan. Il est fort techniquement, il fait souvent les bons choix dans l'utilisation du ballon. Je pense qu'il a une qualité de centres qui sera intéressante pour ce match-là. Et Saha ? Je l'aime bien. C'est un bon footballeur, c'est quand même une qualité principale. Malheureusement, il est souvent blessé. Ça lui a causé beaucoup de tort en club, mais surtout en équipe nationale. La dernière fois qu'il a joué avec nous, il est entré cinq minutes et il s'est blessé. Je ne veux pas expliquer mes choix par les forfaits, mais il a fallu en tenir compte aussi, surtout au niveau offensif. Il peut jouer accompagné ou seul devant. Il est en forme et il a changé de club, ça peut lui donner un nouvel élan. Avez-vous eu Benzema au téléphone ? Non, j'ai eu son entourage. Mais je n'ai pas besoin de l'avoir directement, de toute façon... Malheureusement j'ai vu sa blessure en direct. Ça me semblait difficile de pouvoir compter sur lui, j'espère que ce n'est pas grave. Là, il ne sera pas présent, et on sait qu'il a franchi un palier dernièrement. C'est le meilleur buteur de cet effectif en équipe de France. A ceux qui seront là de faire le job. Faites-vous une croix sur Hoarau ? Je n'aime pas le terme de croix. Pour ce match-là, il y a des défections, et je pourrais rajouter Lassana Diarra, Diaby, Gourcuff ou Rémy. Guillaume Hoarau est en passe de revenir après une longue blessure, il a un peu de temps de jeu au PSG, mais la confiance dans le groupe est importante. Kévin Gameiro a été constamment appelé, il est en manque de confiance et c'est justement dans ces moments qu'il faut lui en témoigner. Franck Ribéry a dit sur RTL qu'il irait à l'Euro pour le gagner. Je suis ambitieux aussi, en tant que sélectionneur. Mais parfois, il faut aussi être pragmatique, et ce n'est pas toujours bon d'énoncer ses ambitions. La progression de Giroud vous surprend-elle ? Sera-t-il titulaire en Allemagne ? Oui et non, car depuis quatre ans c'est une progression régulière. Il fut notamment meilleur buteur de Ligue 2 à Tours, il n'y a pas si longtemps. Il a débuté en sélection pendant 20 minutes, et malgré une occasion ratée, ce n'est pas le genre à se poser des questions. J'ai l'impression qu'il a la tête sur les épaules, il sait où il veut aller et il met tous les atouts de son côté. Titulaire ? Vous le saurez mercredi. Avez-vous eu des nouvelles de Mexès ? J'ai mangé avec lui la semaine dernière, juste après son bon match contre Arsenal. Il a eu quelques douleurs post-opératoires, ce qui est assez logique quand on revient d'une grave blessure. Il est très dur sur l'homme, mais c'est aussi un joueur différent dans la construction du jeu, et vous savez que j'aime les profils différents. Ce sera un grand plaisir de le retrouver. Tiendrez-vous un discours particulier, vu que c'est un match de préparation ? Allez-vous, par exemple, révéler le nom du capitaine ? Je vais vous le dire, car je tiens mes promesses. Pas toujours, mais en général... Les trois joueurs qui prendront plus d'importance dans le groupe seront donc Lloris, Mexès et Abidal. Pourquoi pas Alou Diarra ? Parce que j'estime que quand on doit être important dans le groupe, il faut être titulaire dans l'équipe. Pour le moment, il n'a pas ce statut. Y a-t-il une hiérarchie parmi les trois ? Oui, mais vous le verrez bien selon le joueur qui portera le brassard. L'Allemagne a toujours été une valeur étalon sur la dernière décennie. Contrairement à l'équipe de France, son collectif semble toujours prendre le pas sur les individualités... C'est une nation forte du foot, ç'a toujours été le cas. Je pense qu'ils ont connu une période difficile. (Il réfléchit) Remarquez, en fait, ils n'ont pas eu tellement de trous... Après 98, il y a eu une restructuration, quand même. Ils se sont aperçus qu'ils allaient dans le mur, et ils ont fait un super travail qui est en train de payer. Et ils ont aussi quelques éléments qui, de par leurs caractéristiques spécifiquement allemandes, amènent une autre connotation au jeu. A 100 jours de l'Euro, où en sont les Bleus ? Il nous faut travailler, et malheureusement on n'a pas le temps. Même ce match mériterait d'avoir une vraie préparation. On va jouer pour gagner, même si ça peut faire sourire. On sait qu'il y a une grande qualité en face, il faudra peut-être mesurer les progrès à faire au sortir de ce match, mais c'est très excitant. Après, on aura un minimum de temps pendant la préparation, qui sera tronquée avec les étrangers et les joueurs de Ligue 1, qui termineront plus tard. Il faut faire avec, on s'adaptera. C'est là qu'il y aura un travail de tactique et de mise en jeu, et ce sera un gros boulot avec deux groupes à réunir. Et ce sera déjà près de l'Angleterre... L'absence de Bacary Sagna est-elle due à la concurrence, ou est-ce parce qu'il est en phase de reprise ? Les deux. Il a eu une blessure très grave, et là il est dans cette phase où il revient. Il faut reprendre goût à la compétition, d'autant que son club connaît des difficultés. Avec ces groupes de deux niveaux dont vous parliez, quand communiquerez-vous votre liste des 23 pour l'Euro ? Je serai obligé de donner deux listes. Et il faudra regrouper les deux. Vous allez donc ajouter et non pas soustraire ? C'est difficile de soustraire, je l'ai vécu en 98. Je ne sais pas quelle est la meilleure solution, dire la vérité peut-être. Ça évite les quiproquos. A Tignes, à l'époque, on m'avait demandé si au sommet du glacier, je n'avais pas envie de pousser mon partenaire dans la crevasse (rires). On va essayer d'être cohérent. Vous êtes à l'hippodrome de Longchamp, alors allez-vous prendre ce match au trot ou au galop ? J'ai surtout bien envie de sauter l'obstacle, sans retomber dans la piscine (sic). Même en 10 ans de carrière internationale, on n'a pas si souvent l'occasion de jouer l'Allemagne, le Brésil ou l'Angleterre. On a souvent l'impression qu'on peut gagner et en fait on perd. En amical, c'est spécial. Et puis, comme contre les Anglais, on a une histoire qui fait que c'est pimenté. Il faut s'attendre à souffrir. A trois mois du début de la compétition, connaissez-vous suffisamment les joueurs pour ne pas être gêné s'ils perdent leur statut de titulaire en club ? Pour Gameiro par exemple, si ça devait arriver ? Ce serait un problème, je l'ai dit et je le maintiens. Ça deviendrait problématique s'il n'a pas de temps de jeu, ça me paraît logique. Il serait préférable qu'il joue. Eric Abidal n'était pas très chaud pour être capitaine... Il s'est réchauffé. Il a dû régler un problème personnel, comme vous le savez (Ndlr : tumeur au foie). Désormais, il est légitime. Mais il fallait qu'il en soit persuadé. Pourquoi l'absence de Mathieu ? Il fait une très belle saison à Valence, mais il faut faire des choix. On ne pourra pas prendre trois arrières gauches à l'Euro. Mon inquiétude est plus sur les joueurs majeurs, au cœur du jeu. On a vraiment, vraiment besoin d'expérience. Pour l'instant, on ne peut pas avoir Lassana Diarra, Diaby, Gourcuff... Si vous souffrez en Allemagne, cela ne peut-il pas remettre en cause certaines certitudes et faire plus de mal que de bien ? Non, c'est une nécessité d'affronter les meilleurs. Tout le monde nous voit prendre une “taulée”. Eh bien, on va y aller. Pour revenir sur Giroud, une bonne, voire très bonne prestation, peut-elle lui permettre de poser des jalons pour un poste de titulaire à l'Euro ? Ce sera son intérêt d'être bon, comme tout le monde. C'est d'abord un buteur, mais aussi un passeur. En plus de ses 16 buts, il a fait six ou sept passes décisives en Ligue 1. Il a beaucoup de cordes à son arc, il est bon de la tête et c'est important physiquement quand on voit la taille des Allemands. Il faut répondre aussi à la taille, sur les coups francs et les corners, offensivement comme défensivement. Mais j'estime que Karim Benzema est le meilleur attaquant français. Et s'il y en a un deuxième, ça me va aussi.