De notre envoyé spécial à Going (Autriche) : Farid Aït Saâda Hier, Karim Ziani a bouclé sa première semaine avec son nouveau club, le Vfl Wolfsburg. Une semaine qui aura suffi à montrer aux supporters et aux journalistes locaux que le petit lutin algérien, quasiment inconnu en Allemagne il y a encore quelques semaines, s'adaptera parfaitement dans l'équipe championne en titre de la Bunbdesliga. Le stage de préparation en altitude auquel il est en train de participer avec ses coéquipiers à Going, dans le Tyrol du nord (Autriche), lui permet de combler petit à petit son retard sur le plan physique tout en se fondant petit à petit dans la vie du groupe. * De moins en moins timide, de plus en plus souriant Si Ziani, timide et réservé comme il est, était plutôt effacé dans le groupe, car ne connaissant presque personne, il commence petit à petit à lier des liens avec certains joueurs. Outre le Danois Kahlenberg et Brésilien Grafite, les seuls à parler plus ou moins le français pour avoir joué en Ligue 1 par le passé, il commence à communiquer avec Sacha, l'arrière droit, et Mimisovic, le capitaine d'équipe. Bien sûr, la communication tourne autour du football, mais à voire le sourire qu'il affiche avec ses partenaires, que ce soit entre les exercices, sur le chemin vers le stade ou vers l'hôtel ou dans les moments de détente, il est clair que le milieu de terrain algérien commence à être à l'aise au sein du groupe. Il a même appris quelques mots de base en allemand. * «Vas-y Karim !», «Reviens Karim !», «Doucement Karim !» en français Cette intégration dans le groupe, en dépit du handicap de la langue, se manifeste également par les efforts que déploient certains de ses coéquipiers pour parler avec lui en français afin de le mettre à l'aise. Les «bonjour», «merci», «bon appétit» et autres «bien», même dits avec un accent germanique prononcé, sont de plus en plus utilisés par des joueurs avec Ziani qui apprécie forcément. Lors des entraînements, deux joueurs ont même appris certaines phrases en français qu'ils utilisent avec lui pour communiquer avec lui sur le terrain. Le gardien de but, Diego Benaglio, appelé à diriger ses coéquipiers sur le terrain, n'hésite jamais à lancer des «Vas-y Karim !» et des «Reviens Karim !» suivant les situations du jeu. L'arrière latéral droit Sascha Riether, avec qui Ziani doit toujours collaborer puisqu'ils évoluent tous deux sur le flanc droit, connaît une seule phrase, «Doucement Karim !», qu'il lance à l'Algérien à chaque fois que ce dernier s'oublie et s'aventure trop vers le haut. Misimovic, le capitaine d'équipe, lui parle plutôt en anglais, une langue dont Ziani a des notions de base. * Aucun loisir, si ce n'est l'Internet Vu la charge assez importante du travail durant le stage (deux entraînements par jour sous une forte chaleur de surcroît), Ziani et ses coéquipiers ont des journées assez chargées. Entre les deux entraînements, la sieste obligatoire et les repas, il ne reste pas beaucoup de temps à faire autre chose. Même s'il en restait, l'Algérien préfère rester dans sa chambre, car aucun des rares loisirs disponibles à l'hôtel ne lui convient. La télévision ? Il n'y a que des chaînes en allemand, la seule d'expression française étant TV5 qui ne diffuse que des rediffusions. Les jeux ? Egalement en allemand. Les promenades dehors ? D'abord, c'est interdit. Ensuite, même si c'était autorisé, il aurait du mal à apprécier les paysages féériques du Tyrol, puisque tout le monde communique dans une langue qu'il ne comprend pas. Reste donc l'Internet, seul loisir qui permet à Ziani de s'informer sur ce qui se passe dans le monde, notamment dans le domaine du football, puisqu'il ne peut comprendre ni ce qui est écrit dans les journaux ni ce qui se dit à la télévision. * Son caractère déroute les Allemands S'il y a bien des gens qui se posent beaucoup de questions sur Karim Ziani, ce sont bien les journalistes. Ils le trouvent plutôt mystérieux avec son côté effacé, son apparence débonnaire, à la limite de la désinvolture, mais qui se donne sans compter une fois qu'il est balle au pied. «Parfois, il donne l'impression de faire les choses par-dessus la jambe, qu'il est là avec le groupe juste parce qu'il devrait y être, qu'il se moque parfaitement des exercices qu'on lui demande de faire. C'est surtout sa tendance à marcher toujours tête baissée, comme s'il accomplissait une corvée, qui le laisse croire. Mais une fois qu'il a le ballon, il est explosif. Il percute, déborde, tire et centre comme s'il avait faim de ça. En fait, c'est un faux calme», analyse l'envoyé spécial de Kiker, le magazine de sport de référence en Allemagne. En apprenant que ce n'était pas de la désinvolture, mais que c'est juste son caractère qui est comme ça, il a souri : «Je commence à cerner le personnage.» * Il s'informe sur tout ce qui touche les joueurs algériens Les quelques moments partagés avec Karim Ziani durant le stage de Going ont fait ressortir l'Algérien qu'il est, féru de tout savoir sur ce qui touche à ses coéquipiers algériens. «Vous savez, Anthar a marqué un but en match de préparation. Je l'ai lu sur l'Internet», «Chadli (Amri) va-t-il mieux ? Je vais l'appeler pour de mander de ses nouvelles», «Karim (Matmour) est également en Autriche, pas loin d'ici» (il est rentré entre-temps avec son équipe à Mönchengladbach, ndlr), «Alors, pour Bouazza, c'est grave pour lui, meskine ? Si c'est une fracture du nez, c'est un mois d'absence»… Visiblement, il tenait à se tenir informé de l'actualité de chacun de ses coéquipiers. C'était aussi une manière de se rattacher à des gens qu'il aime lui qui, pour une fois, s'est senti en exil. Quitter la France pour la première fois de sa vie pour aller dans un pays dont il ne maîtrise pas la langue n'est pas évident. C'est «el ghorba» et il le ressent effectivement, même s'il refuse de se l'avouer. * Wolfsburg-Stuttgart pour débuter fort Sportivement, Ziani s'est vite intégré à Wolfsburg. Reste à réussir l'intégration sociale et cela ne saurait tarder. Dès qu'il rentrera de stage mercredi prochain, sa priorité sera d'avoir des repères, d'apprendre la langue et de ramener sa famille. C'est seulement alors qu'il pourra réellement commencer sa nouvelle aventure professionnelle. Le début de saison officiel sera donné avec le match de Coupe d'Allemagne vendredi prochain face à Wiesbaden. D'ici là, Ziani aura appris d'autres mots en allemand, ses coéquipiers lui parleront encore plus en français et tous auront maîtrisé ensemble davantage ce langage universel qu'est le football. Des Algériens qui réussissent contre les Allemands, on a connu déjà, mais des Algériens qui réussissent parmi les Allemands, ce serait la nouvelle tendance. Yahia, Amri et Matmour ont ouvert la voie en éclaireurs, Ziani veut s'y engouffrer en leader. Premier test sérieux : Wolfsburg-Stuttgart pour le compte de la première journée de la Bundesliga, le 8 août, soit le champion contre le troisième, tous deux qualifiés pour la Ligue des champions. Cela s'annonce fort, mais ça tombe bien, car c'est contre les forts que Ziani a réussi ses meilleures prestations. F. A-S. «Please, how do you pronounce your name ?» Alors que Karim Ziani quittait le stade pour rentrer à l'hôtel jeudi passé après l'entraînement de la matinée, il a été abordé par un reporter d'une radio allemande. «Hello ! Please, how do you pronounce your name ?» (Salut ! S'il vous plaît, comment prononce-t-on votre nom ? Après avoir compris la question, l'Algérien, quelque peut surpris de cette requête, a crié dans le micro, en détachant chaque syllabe : «Karim Ziani !» Le reporter a pris le soin d'enregistrer le nom (au sens propre et au sens figuré). Ziani s'est demandé pourquoi une telle question sur son nom, alors qu'il a été écrit dans tous les journaux et nous lui avons expliqué que les Allemands savaient comment son nom s'écrit, mais ne savaient pas comment il se prononce, beaucoup d'entre eux le prononcent «Dziani». Ziani-Grafite, dialogue de lourds Les séances d'entraînement au Wilder Kaizer Stadion de Going l'ont montré : Ziani et Grafite, c'est du lourd ! Le milieu de terrain algérien et l'attaquant brésilien présentent un point commun : le même goût pour le geste déroutant qu'on n'attend pas. Grafite qui élimine son vis-à-vis d'un coup de rein astucieux et Ziani qui lobe le gardien de but de la ligne de touche, voilà le spectacle offert aux spectateurs durant les entraînements. Résultat (ou cause) : les deux joueurs se parlent souvent pour savoir comment se trouver sur le terrain. Entre techniciens, le message passe vite et cela n'a rien à voir avec la langue française.