«En France, il y a trop de tactique, en Allemagne, c'est tout vers l'attaque» De notre envoyé spécial à Going (Autriche) : Farid Aït Saâda La vie de Karim Ziani au sein de son nouveau club, le Vfl Wolfsburg, commence à se dessiner. Il a pris ses marques au sein du club et assimile petit à petit le fonctionnement du groupe. Les appréhensions de départ, légitimes pour quelqu'un qui débarque en pays étrangers, cèdent la place à des certitudes et à une volonté d'être à la hauteur de ce qu'on attend de lui. Au détour de quelques discussions à bâtons rompus, quelques confidences sur le quotidien de l'Algérien au sein du club. * «Finalement, ils ont du pain !» Les lecteurs du Buteur qui ont lu le reportage sur l'arrivée de Ziani à l'aéroport de Hanovre la veille de la signature de son contrat avec le Vfl Wolfsburg se rappellent sans doute que l'international algérien nourrissait des appréhensions concernant la nourriture servie en Allemagne, notamment sur l'absence du pain dans les repas. Ces appréhensions ont été dissipées par la réalité. «Finalement, ils ont du pain !», nous a-t-il confirmé avec bonheur. «Ils ne sont traditionnellement pas très pain, mais ils se sont visiblement adaptés à la tendance française. Cela me permet de ne pas être perturbé dans mes habitudes alimentaires.» En fait, c'était la crainte de l'inconnu qui lui avait fait craindre le pire. Il se révèle que la nourriture allemande n'était pas aussi «exotique» qu'il le craignait, surtout que les menus servis aux sportifs sont standardisés à travers le monde. * «En attendant le halal, c'est poisson matin et soir» Si les menus des sportifs se sont standardisés, leur diversité et leur adaptation aux spécificités religieuses des joueurs sont également généralisées. Ainsi, les clubs offrent, dans leurs menus, de la viande halal aux joueurs de confession musulmane qui ne mangent ni le porc ni la viande qui n'est pas issue d'un égorgement suivant le rite musulman. De même, les joueurs de confession juive ont droit à un menu casher. A Wolfsburg, vu que Zani vient juste d'arriver au club, on n'a pas encore prévu pour lui des repas halal. «J'ai passé trois jours à l'hôtel, puis je suis venu avec le groupe ici, à Going. Nous sommes en Autriche et il n'est pas évident de trouver de la viande halal chez les bouchers du Tyrol. Donc, c'est logique que je ne dispose pas, pour l'instant, de viande halal. Cela se fera certainement lorsque les joueurs commenceront à manger ensemble à Wolfsburg», expliquera-t-il. En attendant, le joueur algérien se rabat sur une viande garantie halal sans certificat : le poisson. «J'en prends matin et soir. Cela ne me gêne pas car, en plus, c'est bon.» Ziani ne le sait peut-être pas, mais il est établi scientifiquement que le poisson est excellent pour aiguiser l'intelligence et fortifier la mémoire. Et ce n'est pas poisson d'avril ! * «Johnson, le jeune nouveau, est mon copain de chambre» Beaucoup de gens s'attendent à ce qu'on affecte Grafite ou Thomas Kahlenberg à Karim Ziani comme copain de chambre du fait que ce sont les deux seuls autres joueurs du groupe à comprendre le français, mais il n'en est rien. La raison est bien simple : Grafite est déjà ancien au club et son complice est l'un de ses compatriotes, le défenseur brésilien Avrim, alors que Kahlenberg, bien qu'arrivé cet été d'Auxerre, a commencé les entraînements trois semaines avant Ziani et, donc, avait déjà un copain de chambre. L'Algérien partage sa chambre avec une jeune recrue, arrivée en même temps que lui. «C'est Johnson, le jeune nouveau, qui est mon copain de chambre», nous a-t-il révélé. Arrivé de Munich 1860, le jeune international allemand des U21 est sympa et très sociable. «Pour l'instant, ça se passe très bien avec lui. Il s'intègre petit à petit au club, tout comme moi. Il est cool.» C'est à son contact que Karim est en train d'apprendre quelques notions de base de l'allemand. * «L'allemand, c'est dur, mais j'y arriverai» Justement, où en est-il avec l'apprentissage de l'allemand ? «C'est dur, je ne le cache pas, mais j'y arriverai. J'apprends chaque jour de nouveaux mots», assure-t-il. C'est dur, en effet, d'être confronté à une langue totalement inconnue lorsqu'on a toujours vécu dans un seul pays. «C'est la prononciation qui est difficile, avec des sonorités bizarres. Je ferai les efforts nécessaires pour me perfectionner.» En plus de certains de ses coéquipiers, qui font l'effort de lui apprendre mots ou même quelques phrases, il comptera certainement aussi pour l'aide de ses coéquipiers germanophones de la sélection nationale, Karim Matmour et Chadli Amri en tête (même Anthar Yahia a fait des progrès considérables en allemand) pour apprivoiser les notions de base de la langue de Goethe, notamment celles se rapportant au jargon du football. * «Sur le terrain, c'est Kahlenberg et Grafite qui me traduisent» Alors qu'à Bochum et au Borussia Mönchengladbach, la communication se fait en anglais du fait que l'ancien entraîneur de l'équipe de Yahia était Anglais et qu'il y a de nombreux étrangers parmi les coéquipiers de Matmour, c'est en allemand que ça parle à Wolfsburg car Armin Veh, et avant lui Felix Magath, ne sont pas de très bons anglophones. Ziani n'a pas de chance de ce côté, vu qu'il se serait débrouillé en anglais, mais cela n'entame en rien sa volonté. «Le football est un langage universel et, en apprenant à connaître le jeu de ses coéquipiers, on peut s'adapter et s'entendre sans forcément trop se parler», estime-t-il. Pour l'instant, ce sont Kahlenberg et Grafite qui jouent le rôle de traducteurs lors des entraînements ou dans les matches, comme cela avait été le cas lorsque l'entraîneur Armin Veh avait l'incorporé incorporé lors de la Supercoupe face au Werder Brême ou hier soir en match amical face au FC Burgas (Bulgarie). «Lorsque le coach a une consigne en particulier à me donner, c'est à travers l'un des deux qu'il passe.» Ses coéquipiers font également l'effort de communiquer avec lui en anglais ou en français, même si c'est approximatif. * «En France, il y a trop de tactique, trop de prudence» Le terrain, parlons-en. Pour Ziani, c'est clair : «Le football allemand diffère de ce que j'ai connu en France. Ici, c'est tout vers l'avant. On privilégie le jeu direct et rapide, toujours vers l'attaque.» Même s'il refuse de tomber dans le piège des comparaisons, il trouve quand même que les consignes sont plus contraignantes en France. «La France est devenue l'Italie d'avant : trop de tactique, trop de prudence. Le champ du joueur est limité. C'est un style de jeu et je n'ai rien contre. Au contraire, ça me plaisait lorsque j'étais là-bas. Ici, en Allemagne, c'est plus offensif. Pour un milieu offensif comme moi, cela ne peut que me plaire.» Il insiste sur un point : «Cela ne veut pas dire que je n'ai pas aimé ce qu'on faisait en France. Je dis seulement que l'approche des matches est différente. La différence est la philosophie de jeu, tout simplement.» * «Je ne crache pas sur ce que j'ai fait en France» C'est la seule différence qu'il a remarquée car, autrement, il trouve que le professionnalisme est le même que celui de l'Olympique de Marseille. «Il ne faut jamais cracher sur ce qu'on a fait ni insulter le passé. J'ai eu une expérience très enrichissante à Marseille et en France de manière générale. N'était la qualité de la formation que j'ai eue en France, je ne serais peut-être pas aujourd'hui à jouer chez le champion d'Allemagne en titre», martèle-t-il. «Aujourd'hui, la meilleure école de formation est l'école française. Je ne le renie pas. Ce n'est pas pour rien si les joueurs français sont très appliqués sur le plan tactique. La formation française est devenue une référence. J'ai beaucoup appris à Troyes, Lorient, Sochaux et Marseille. Je ne l'oublierai jamais.» * «Dans la sélection nationale, vous ne trouvez aucun zawakh» Quatre jours après avoir joué sa première rencontre du championnat allemand face à Stuttgart, Karim Ziani sera au rendez-vous avec la sélection nationale pour la rencontre amicale face à l'Uruguay. S'il y a bien un sujet qui le branche, c'est bien celui des Verts. «Vous savez ce qui fait la force de l'équipe actuellement ? Au-delà des qualités techniques de chacun et du travail du sélectionneur, il faut reconnaître une chose : il y a un groupe sain. Vous avez pu le constater en Afrique du Sud et en Zambie : les joueurs sont tous humbles, gentils et travailleurs. Vous ne trouverez pas un zawakh (il l'a dit en arabe, ndlr) qui se la joue star. Croyez-moi, c'est un aspect primordial.» Lorsqu'il en parle, il a les yeux qui brillent. Visiblement, ça lui manque déjà. Le 9 août, date du regroupement des joueurs, il l'attend déjà avec impatience. * «Vivement que je ramène ma petite famille !» En attendant ce nouveau rendez-vous avec le public algérien, il a hâte de rentrer à Wolfsburg pour s'occuper de son installation dans la ville. «Le lendemain de mon arrivée, j'ai commencé les entraînements et, trois jours plus tard, j'ai participé à un match, celui de la Supercoupe. Le lendemain, c'était le déplacement vers l'Autriche. Bref, je n'ai même pas eu le temps de prospecter pour trouver une maison où habiter», reconnaît-il. C'est donc tout naturellement que sa priorité, une fois de retour, sera de trouver une maison afin de pouvoir ramener les siens. «Vivement que je ramène ma petite famille à Wolfsburg et qu'elle soit avec moi ! Là, je serai vraiment bien dans ma peau.» Il est vrai que sa femme, sa fille et même son père Rabah, auquel il est très attaché, lui manquent, mais il sait que ce n'est qu'une transition. Le jour où il pourra enfin border sa petite Lina et lui raconter des contes (pourquoi pas en allemand ?) pour qu'elle s'endorme comme un bébé, en bon papa modèle, ce sera le début de son vrai bonheur à Wolfsburg… F. A-S. «Il fait encore plus chaud à Chlef, n'est-ce pas Zaoui ?» Au détour de notre discussion à bâtons rompus avec Karim Ziani, le boute-en-train en chef de la sélection nationale, Samir Zaoui, a été évoqué. Nous avons dit au joueur de Wolfsburg que Going est un endroit magnifique, avec beaucoup de fontaines, de verdure et de paysages magnifiques, mais que Zaoui, qui aime tout critiquer, aurait certainement trouvé matière à redire, en trouvant, par exemple, que ce n'est pas normal qu'il fasse aussi chaud en pleine montagne. Ziani a répliqué aussitôt : «Zaoui n'a vraiment pas intérêt à critiquer la chaleur, lui qui est de Chlef. Je lui dirais juste : combien fait-il là-bas en ce moment ? Il fait encore plus chaud à Chlef, n'est-ce pas ?» Le tout avec un sourire amusé, comme lorsque les deux internationaux se chamaillent en sélection. Vivement le 9 août pour les retrouvailles ! L'entrée au match d'hier soir était payante Le Wilder Kaizer Stadion de Going a connu hier soir un match amical entre le Vfl Wolfsburg et le FC Burgas, un club bulgare qui se trouve dans le même hôtel que les camarades de Ziani. Ce match amical n'en est pas moins un peu officiel puisque les places pour accéder au petit stade sont payantes. Compte tenu de la présence de dizaines de supporters de Wolfsburg sur place, qui ont voulu ainsi joindre l'utile (des vacances en montagne) à l'agréable (suivre la préparation de leur équipe préférée), la municipalité de la petite bourgade tyrolienne a fait une bonne affaire. Les 27 envoyés spéciaux du Buteur le laissent admiratif Encore une fois, Karim Ziani nous a surpris par une remarque amusée sur Le Buteur : «Dites donc, vous avez mis le paquet pour couvrir les stages de l'intersaison !» C'est en lisant la version online de notre journal qu'il a appris que 27 reporters et photographes ont été envoyés sur le terrain, en Europe et en Afrique, pour couvrir les stages des équipes algériennes et la préparation des internationaux en Europe. «Sérieusement, c'est vraiment bien. Au moins, vous collez à l'actualité. C'est une question de crédibilité.» C'est aussi et surtout le moindre des respects dû à notre profession, aux équipes et aux joueurs.