«On est capables de leur infliger une belle leçon de football» * Kheiro, comment appréhendez-vous le match tant attendu face à l'Egypte le 14 novembre ? A une semaine de la rencontre, le sélectionneur Saâdane n'a pas trop chamboulé la façon de préparer une rencontre, avec un stage bloqué de quelques jours, alors que l'Egypte a disputé récemment un match amical, ce qui prouve qu'ils sont en train de tout faire pour évacuer la grosse pression qui pèse sur leurs épaules. * Comment avez-vous vécu le parcours des Verts depuis le début de la qualif' ? J'ai raté, malheureusement, le premier match au Rwanda, mais par la suite, je suis, à l'instar de tous les Algériens, un fervent supporteur des Verts. Face au Rwanda, il fallait me voir après le troisième but de Ziani pour comprendre que quand il s'agit de notre nation, il faut tout mettre de côté et soutenir à fond notre Equipe nationale. * Sincèrement, aviez-vous confiance en cette équipe juste après le tirage au sort ? J'ai été, je dois l'avouer, surpris d'éliminer une coriace formation comme le Sénégal. Après avoir battu l'Egypte avec l'art et la manière, j'étais très confiant à l'idée de lutter à fond pour arracher notre ticket en Afrique du Sud, car on a réussi à battre le double tenant de la CAN. Comme l'appétit vient en mangeant, nous avons depuis visé encore plus loin qu'une simple qualification à la prochaine Coupe d'Afrique. * Pensez-vous que nous avons raté l'occasion de nous rendre en Egypte comme de simples visiteurs ? Tant que les joueurs ont tous donné durant les cinq premiers matchs, il ne faut pas avoir le moindre regret avant de faire le déplacement en Egypte, car tout le monde a vu qu'avec un autre arbitre face au Rwanda, on aurait pu facilement finir la partie avec cinq ou six buts d'avance, mais c'est du passé. Il ne sert à rien de revenir à présent en arrière, pensons plutôt au prochain match. * Que faudra-t-il faire au Caire pour confirmer notre qualification ? Il faut avant tout avoir un mental très solide. Le sélectionneur devra non seulement parler avec l'ensemble des joueurs, mais tenir aussi un discours en aparté avec chacun d'eux, afin de leur dire exactement ce qu'ils devront faire, que ce soit dans le positionnement ou dans le registre de la relance. Des trucs très importants pour gérer le premier quart d'heure, souvent décisif dans ce genre de rencontre. Ils devront aussi éviter surtout... * Eviter surtout quoi ? De ne pas se voir déjà en Coupe du monde avant la fin de la rencontre. Dans le football moderne, tout peut basculer en quelques secondes. Ce serait une énorme erreur de notre part de perdre notre concentration avant la fin de la partie. Il faudrait aussi éviter de prendre des cartons, ce qui pourrait nous coûter très cher au final. * Faudra-t-il jouer notre vrai jeu, c'est-à-dire à l'algérienne ? Jusqu'à preuve du contraire, nous n'avons jamais créé notre propre style de jeu, et c'est le cas de toutes les nations d'Afrique d'ailleurs. A part le Brésil, l'Argentine ou quelques grandes nations européennes, qui ont inventé des schémas tactiques ou une façon de jeu assez spéciale, les autres ne font que du simple «piratage». * Craignez-vous l'absence d'un joueur cadre de l'équipe, tels que Bougherra ou Ziani ? On croise les doigts pour que le groupe soit au grand complet le jour J. Mais il faut bien savoir que ce n'est pas pour rien que le sélectionneur a retenu pas moins de 24 joueurs. Je pense que ceux qui sont sur le banc ont suffisamment de talent pour pallier la moindre absence en livrant, à coup sûr, le match de leur vie pour prouver à Saâdane qu'il peut compter sur eux, même en Afrique du Sud. * Regrettez-vous l'acharnement et la guerre médiatique déclenchée avant cette rencontre capitale ? C'est vraiment du n'importe quoi ! Il ne faut pas tomber dans le jeu des Egyptiens qui ont la chance d'avoir quatre ou cinq chaînes de télé spécialisées en sport et qui ne cessent de nous taquiner. De notre côté, on leur dira simplement que les chiens aboient, la caravane passe. C'est malheureux qu'un simple match de foot puisse créer une guerre entre deux peuples musulmans. La France par exemple, une très grande nation de football, devra passer par les barrages contre l'Eire, mais la presse locale n'a jamais touché à l'amour-propre des supporteurs de l'Eire, comme le font actuellement les Egyptiens avec nous. * Selon vous, nos capés peuvent-ils tenir le coup devant 80 000 supporteurs acharnés au Cairo Stadium ? Bien sûr que oui. Nos joueurs ont déjà disputé de nombreux matchs importants dans leur carrière avec un grand enjeu. Ce n'est pas aujourd'hui qu'ils vont être gênés par la présence massive du public, surtout qu'ils savent d'avance que le match se jouera sur le terrain, non pas dans les tribunes. Jusqu'à preuve du contraire, aucun joueur n'a perdu la vie sur une pelouse à cause de la pression du public adverse. * Dans ce genre de confrontation, n'est-il pas préférable d'aligner des guerriers, tels que Bezzaz ou Lemmouchia, au lieu de faire confiance à des éléments qui viennent tout juste d'intégrer le groupe ? Dans ce genre de rencontre, ceux qui seront alignés se donneront à 100%. Je suis sûr et certain que le fait d'accepter de défendre les couleurs du pays, que ce soit Meghni ou Yebda, se donneront à fond pour contribuer à la qualification de l'Algérie au prochain Mondial. * Êtes-vous pour une équipe nationale constituée essentiellement de joueurs formés en Europe ? Absolument. Il faut bien l'avouer, ils ont plus de qualités dans divers domaines que les joueurs locaux. Ce n'est pas une honte de le dire. Après tout, ce sont nos enfants et ont forcément le sang algérien dans les veines et non des Brésiliens qui ont échoué à intégrer la Selescao pour venir nous donner un coup de pouce. * Y a-t-il des joueurs en championnat qui méritent actuellement leur place en EN ? Nous avons, certes, de bons jeunes joueurs dans le championnat local, mais ils n'ont pas la chance ou l'audace de suivre l'exemple de Halliche et partir très jeune à l'étranger pour progresser davantage. Je vous jure qu'il y a des milliers de Halliche en Algérie, mais ils resteront toujours dans l'ombre. Maintenant, je pense que l'EN a besoin encore plus d'attaquants de pointe. Sans le moindre compliment pour mon équipier Djallit, ce garçon est malheureusement victime d'un manque de médiatisation par rapport aux clubs du Centre. S'il réussit à finir le championnat comme meilleur buteur de l'élite, il aura la chance de taper très certainement dans l'œil de Saâdane. * Qu'admirez-vous le plus dans cette nouvelle génération ? Même si je ne suis pas avec eux, ils donnent vraiment l'impression de former un groupe sain qui vit très bien durant les stages. C'est très important de ne pas former le moindre clan au sein de l'équipe. Il faut bien dire qu'actuellement, nos Verts évoluent dans de grands clubs européens qui disputent la Ligue des champions ou l'UEFA, alors que même à l'époque dorée 82 et 86, la majorité des internationaux évoluaient dans des petits clubs de seconde division, non pas à la Lazio ou les Glasgow Rangers. * Quelle est la différence entre cette équipe et la vôtre ? Nous étions un groupe de joueurs locaux, à l'exception de Moussa Saïb et Tasfaout, et nous avions eu une grande équipe sous l'ère d'Ighil et de Mehdaoui. Malheureusement, les événements politiques d'alors avaient contraint les responsables à se désintéresser du football. * Mezaïr a évoqué le problème du manque de motivation financière par le passé. Êtes-vous d'accord avec ses propos ? Ne me donnez rien et offrez-moi la possibilité de disputer une Coupe du monde. Je vous jure que je suis preneur sur-le-champ ! Il faut bien savoir que de grands monuments du football mondial n'ont pas eu la chance de jouer un Mondial, à l'instar de Ryan Gigss, qui continue de faire les beaux jours de Manchester. Je sais que tous nos Verts rêvent avant tout de disputer la prochaine Coupe du monde, car ça compte énormément dans le CV d'un joueur avant d'être un honneur de représenter toute une nation. Maintenant si on m'offre une bonne prime, je ne la refuserai pas (rires). * Beaucoup pensent que votre ancien coéquipier Gaouaoui sera Monsieur 50% au Caire. Le confirmez-vous ? Il est tout simplement le numéro 1 en Algérie. C'est vrai qu'il sera un élément très important dans cette rencontre, mais je suis convaincu qu'il sortira le grand jeu et que toute la ville de Tlemcen sera dernière Lounès, car il a marqué aussi le club malgré son court passage au WAT. Allez Lounès, reste toi-même et je suis persuadé que tu seras notre héros national au Caire ! * Sur le plan personnel, avez-vous déjà disputé un match à un tel enjeu avec les Verts ? J'ai raté de peu d'affronter les Egyptiens en 1995 au stade 5-Juillet. Je me souviens que le match a été reporté de 48h à cause de l'état catastrophique de la pelouse suite à des chutes de pluies torrentielles. Nous avons pu gagner 1-0, mais mon plus beau souvenir reste notre victoire sur le Ghana et son meneur de jeu vedette Abédi Pelé à Tlemcen en 1990 (2-1) dans une ambiance de folie ce jour-là. * Pour finir, un pronostic pour cette affiche… Un match nul suffira à notre bonheur, mais je sens qu'on est capables de leur infliger une belle leçon de football et gagner par un large score et leur prouver qu'actuellement, c'est nous les meilleurs et qui méritons d'aller en Afrique du Sud. Entretien réalisé par Othmane Riyad Baba Ahmed