L'Algérie reste à la traîne alors que les autres pays méditerranéens balnéaires récoltent le tiers de l'activité touristique mondiale. En 2009, 280 millions de touristes internationaux ont choisi la destination Méditerranée. Les cinq dynamiques du tourisme algérien annoncées l'année dernière par le ministère du tourisme sont malheureusement restées au placard. Depuis une décennie, l'Algérie veut rejoindre le groupe des cinq pays du Sud et de l'Est de Méditerranée – aux côtés de la Turquie, de la Jordanie, de l'Egypte et du Maroc – dans lesquels le secteur touristique, axé sur l'international, est relativement développé. En effet, en 2008 ce groupe des cinq a récolté 78% du total des arrivées de la rive Sud et 89% du total des dépenses. Quant à l'Algérie, elle est recensée parmi le deuxième groupe qui est constitué des pays où le tourisme, pour différentes raisons, est sous-développé (Syrie, Liban, Israël, Territoires palestiniens, Libye et Mauritanie). Nonobstant ces 1200 kilomètres de litoral, ses naturels et historique, l'Algérie est loin derrière, dans une conjoncture favorable au développement du tourisme. En effet, une récente étude de l'Ipemed révèle que les flux des touristes vers la Méditerranée augmentent substantiellement. L'exploitation des ressources touristiques extrêmement variées dont disposent l'Algérie (villes, déserts, montagnes, sites culturels et naturels remarquables, sites archéologiques, etc.) est «bancale» et l'étude de l'Ipemed souligne que l'offre de ces pays «reste majoritairement une offre balnéaire d'entrée de gamme vouée au tourisme de masse (complexes hôteliers, clubs de vacances).» En l'absence de stratégie touristique idoine, les Algériens préfèrent aller ailleurs, en Tunisie. D'après la même étude de l'Ipemed, ils sont plus de 1,2 million d'Algériens et 1,7 million de Libyens qui visitent la Tunisie pendant la saison estivale. Pour l'Algérie, le ministère de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et du Tourisme a toujours affirmé que la croissance économique passe indubitablement par le tourisme qui est un secteur stratégique. Le cas Algérien et les cinq dynamiques Pour étayer le tourisme, les pouvoirs publics ont pris une série de mesures pour de obvier au manque d'infrastructures et surtout à un certain déficit d'image du tourisme algérien. D'après le plan du ministère du tourisme, Cinq dynamiques fondatrices devront accroître l'attractivité et la notoriété de la destination Algérie. La mise en valeur des différentes régions à travers un plan de communication et de marketing touristique, en est l'idée majeure. Ce plan préconise aussi la mise à niveau des établissements et équipements touristiques en déployant un plan de qualité tourisme Algérie et aussi le développement d'une offre adaptée de transport. Vient ensuite la «rationalisation» des investissements par le développement des pôles touristiques ainsi que l'articulation de la chaîne touristique. En amont, des mesures incitatives financières et fiscales ont par ailleurs été adoptées par le Conseil des ministres à la faveur de la loi de finances complémentaire 2009. Ces dernières octroient un certain nombre d'avantages en matière de foncier touristique, de soutien à la modernisation et la mise à niveau des infrastructures touristiques Il est prévu aussi dans ces mesures la réduction des prix des prestations touristiques, tels que l'hébergement, la restauration, le transport, etc. Hélas, ces mesures n'ont pas abouti comme prévu et sont restées sous dimensionnées. En réalité, la majorité des investisseurs ne sont pas épaulés comme le stipulent les mesures arrêtés par le ministère du Tourisme. D'autres opérateurs qui n'ont rien à voir avec le secteur bénéficie d'aides subséquentes alors qu'ils sont aux antipodes de la stratégie ministérielle. Encourager les investisseurs «sérieux » qui avaient montré auparavant leur compétence et leur savoir faire reste l'unique moyen pour développer l'attractivité de la destination Algérie auprès des touristes étrangers, «qui sont de plus en plus nombreux à se soucier des impacts de leur consommation sur l'environnement social et naturel et qui orientent leurs choix en fonction des critères de ‘‘durabilité'' de l'offre», souligne l'étude. «Perdre la régionalisation du Tourisme c'est tout perdre » D'après un cadre de l'Office nationale du Tourisme (ONAT), « perdre la bataille de la régionalisation du Tourisme, c'est tout perdre ». En effet, pour des raisons diverses, le Tourisme de proximité est en plein essor. L'exemple des 2 millions d'Algériens qui choisiraient la destination Tunisie dans les années à venir, comme le prévoient l'ONTT (Office tunisien du Tourisme) est évocateur. D'apres l'Ipemed, l'expansion de la régionalisation est expliquée par «la proximité [qui] réduit les distances et les coûts de transport», ainsi que «l'existence de routes et de liens séculaires entre les pays voisins.» Les mobilités dans la région Sud Méditerranée sont essentielles et ne faussent pas les statistiques économiques du tourisme. Et pour cause, souligne l'étude: «les hommes d'affaires, tout comme les émigrés rendant visite à leur famille, participent intégralement à la vie économique des pays récepteurs.» Les Algériens résidant à l'étranger, quand ils rentrent dans leur pays, séjournent parfois dans les hôtels et dépensent plus que les touristes étrangers. Diversifier l'offre Tout en soulignant Plus de 80% des touristes internationaux qui fréquentent la rive Sud vont en effet sur le littoral. En Tunisie, note l'étude, ce taux s'élevait même à 95%. «La diversification de l'offre et la montée en gamme doivent faire partie des objectifs prioritaires des politiques de développement touristique» des pays Sud- Méditerranéens, souligne l'étude de l'Ipemed. Les cinq dynamiques de l'Algérie vont dans ce sens, en essayant de développer ses produits sahariens, golfiques, écologiques et culturels… Cette réorientation est d'autant plus urgente que la polarisation de l'activité touristique près des côtes et la prépondérance d'une offre consacrée au tourisme de masse constituent une menace pour l'environnement et limitent l'apport du tourisme au développement du pays. L'étude critique le tourisme de masse et relève que ce modèle présente trois inconvénients majeurs : « 1- l'offre balnéaire, telle qu'elle est constituée dans l'espace méditerranéen, n'engendre guère de recettes à destination de l'industrie locale: c'est le phénomène de fuite des recettes touristiques. 2- La littoralisation du tourisme entretient les inégalités de développement des territoires au détriment des arrière-pays, véritables ‘‘déserts touristiques'' mal aménagés. 3- Enfin, le tourisme balnéaire implique que plus de la moitié de l'activité touristique se situe entre juin et septembre. Si la Tunisie est la destination bon marché par excellence, et le Maroc qui a opté pour une clientèle élitiste, l'Algérie a tous les moyens pour devenir une région médiane…à l'instar de sa géographie au milieu de la Méditerranée. Fiche technique L'Iemed, basé à Paris et codirigé par le Français Jean-Louis Guigou et le Tunisiens Radhi Meddeb, est un think-thank promoteur de la région méditerranéenne. Sa mission: rapprocher, par l'économie, les pays des deux rives de la Méditerranée.