Beaucoup de voix se sont élevées et s'élèvent encore pour dire, à juste titre d'ailleurs, que le principal handicap au décollage économique en Algérie est l'absence de vision. La justesse de la vision n'est pas uniquement le fait d'érudition en la matière, mais surtout de dialogue et de débats féconds. En l'absence de cette même vision, les centaines de milliards de dollars injectés dans les plans quinquennaux, n'ont pas l'impact souhaité ou, tout au moins, les résultats ne recueillent pas l'unanimité. Quelque soit la justesse et la probité de la gouvernance mise en place, elle a besoin de contre-pouvoirs, voire de voix discordantes dans un débat contradictoire productif. L'Algérie qui a résolument opté – dans les discours officiels du moins – pour un projet d'économie libéral, se devait de soumettre ses programmes à un débat continu, parce que les stratégies concoctées dans les laboratoires ne peuvent avoir de fiabilité, sans être confrontées à l'avis de ceux qui les prolongent sur le terrain de la réalité. A ce titre, les Organisations patronales et le Parlement se doivent de jouer les rôles de garde-fous, chacun selon ses prérogatives et ses motivations. Si les députés et sénateurs, «représentants» du peuple et foncièrement partisans doivent porter le débat sur un plan politique, voire idéologique, les Organisations patronales, même si elles doivent défendre d'abord leurs intérêts, n'ont pour objectifs qu'une croissance soutenue et une économie solide. Chacun jouant ainsi son rôle complémentaire de l'autre. C'est l'enchevêtrement des missions et des rôles qui fausse le débat, plombe les tentatives d'avancée et se révèle pire que l'absence de contre-pouvoirs. Et c'est ce que le FLN a occulté en prenant l'initiative de mettre sur pied une Organisation patronale sous son égide, le 30 mai dernier, pour contrecarrer les velléités contestatrices du FCE. C'est que les fers de lance sur lesquels il s'est appuyé pour lancer son projet, tous partisans qu'ils sont, se sont rappelé, néanmoins que ce sont, d'abord des gestionnaires et des acteurs économiques jugés sur leurs performances. Que ce soit Wahid Bouabdallah, PDG d'Air Algérie, et, dit-on, proche de Belkhadem qui revient s'aligner sur les thèses du FCE, auquel, pourtant, il a claqué la porte deux mois auparavant, cela sonne comme un désaveu de la volonté du patron du FLN, d'embrigader le patronat sous une chapelle politique. Mieux encore, la contestation portée par le FCE à dominance privée, est portée maintenant par les gestionnaires du secteur public dont le PDG d'Air Algérie se fait, à son corps défendant, le porte parole en disant tout haut, ce qu'il pensait de la LFC 2009 et de l'épée de Damoclès pendue sur la tête des responsables des entreprises publiques, écartelés entre les obligations de performance et la tutelle administrative. Ce que Belkhadem n'a pas pris en compte est que les gestionnaires sont tenus par des résultats économiques et des performances palpables. Performances qui n'obéissent à aucun calcul politicien. Elles obéissent aux règles du marché et à la dure réalité du quotidien. Le FCE ne pouvait pas espérer meilleure tournure. Réputé être, surtout le porte-voix du secteur privé, voilà que les entreprises du secteur public, épousent ses thèses et prennent en charge ses propres revendications, tout en claquent sa porte. Ça lui fait des adhérents en moins, mais des voix en plus.